À l’issue du second Conseil de planification écologique qui s’est déroulé à l’Élysée le lundi 25 septembre 2023, le gouvernement a dévoilé son plan national de transition écologique. Que faut-il penser de cet énième plan en faveur de l'environnement qui présente des objectifs très ambitieux à réaliser en peu de temps ? Nous avons posé la question à l'éminent climatologue français, Jean Jouzel.


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    Rappelons tout d'abord que la France a pris des engagements annuels de baisse des émissionsémissions de gaz à effet de serre depuis 2015. Or, les objectifs d'émission de gaz à effet de serre n'ont pas été respectés lors de la période 2015-2018, ce qui a conduit a plus de 60 MtCO2e/an de dépassement en cumul sur 4 ans. L'État français a d'ailleurs été condamné pour non atteinte de son objectif.

    Ce nouveau plan de transition écologique fixe cinq défis environnementaux : l'atténuation du réchauffement climatique, l'adaptation aux conséquences inévitables du même réchauffement, la préservation et la « restauration » de la biodiversité, la conservation des ressources, la réduction des pollutions qui impactent la santé. Ces défis passent tout d'abord par un grand objectif : une baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 (émissions nettes), soit une diminution de 4 à 5 % par an de nos émissions de gaz à effet de serre. Cela veut dire un doublement du rythme de baisse constaté sur le quinquennat précédent. « Nous devons aujourd'hui réussir à faire davantage en 7 ans que ce que nous avons fait ces 33 dernières années », précise la synthèse du plan. Selon le gouvernement : « Depuis 2019, nous avons chaque année respecté nos objectifs d'émissions de gaz à effet de serre. Nous avons même dépassé l'objectif que l'on s'était fixé pour rattraper quasiment tout le retard que nous avions pris au cours de la première période. Les chiffres provisoires pour le premier trimestre 2023 indiquent que la France demeure en position de respecter son budget carbonecarbone 2019-2023. Avec -4,2 % sur cette première période de l'année, la baisse des émissions s'accentue et témoigne d'un rehaussement de nos ambitions et d'une accélération de la mise en œuvre de nos actions ».

    Beaucoup de mesures, mais pas de réelle transformation de notre mode de vie

    Mais derrière ce discours officiel, qu'en pensent les climatologues qui réclament depuis de nombreuses années une transformation de notre société ? Nous avons interrogé le climatologue Jean Jouzel, ancien vice-président du conseil scientifique du Giec et actuel président de l'association Météo et Climat.

    Les objectifs du nouveau plan paraissent très ambitieux, avec de gros chantiers à réaliser en l'espace de 7 ans seulement, est-ce réalisable ?

    Jean JouzelJean Jouzel : Ce plan, c'est ce qu'il faut faire, c'est indéniable si l'on veut atteindre les objectifs européens de 2050, qui visent à atteindre la neutralité carboneneutralité carbone. La France a déjà fait un peu moins de la moitié du chemin. Mais ce qu'il reste à faire est effectivement énorme, tout simplement parce qu'on s'y prend trop tard ! Cela reste techniquement possible. Cependant, c'est un changement complet, et celui-ci n'est pas possible sans un changement profond de nos sociétés.

    les mesures ne suffiront pas, ce qui manque dans ce plan, c'est une prise de conscience collective et une transformation de nos sociétés

    Quelles sont les faiblesses de ce plan ?

    Jean Jouzel : Ce ne sera pas possible juste avec une approche technologique, il faut une vraie prise de conscience de notre société. Le problème, c'est qu'on ne peut pas encourager la consommation, ce que continue à faire le gouvernement, en promettant aux Français que les mesures du plan suffiront. Non, les mesures ne suffiront pas, ce qui manque dans ce plan, c'est une prise de conscience collective et une transformation de nos sociétés. Un exemple, dans ce plan, l'utilisation de la voiture continue, et cela veut forcément dire une utilisation des énergies fossiles qui continue d'augmenter. Il y a eu des choses de faites, comme le développement des pistes cyclables, des transports en communs, du covoiturage. Cela va dans le bon sens, mais malgré cela, on constate que les émissions de gaz à effet de serre liées à la mobilité continuent d'augmenter. Donc ajouter de nouvelles mesures ne suffit pas, il faut transformer notre quotidien. Cela passe par la sobriété, appeler nos citoyens à la raison et à moins consommer.

    Que pensez-vous des objectifs très concrets comme la fermeture des dernières centrales à charboncharbon d'ici 2027 et la réduction de l'urbanisation galopante d'ici 2030 ?

    Jean Jouzel : En ce qui concerne le charbon, cela devait déjà être fait depuis 2022 ! De plus, ce n'est pas une fermeture, c'est un remplacement par l'utilisation de la biomassebiomasse, donc les centrales continueront à émettre du CO2, mais moins. C'est mieux, mais l'impact sera marginal, cela représente moins d'1 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Et je constate qu'à chaque fois, on repousse, on promet de nouvelles mesures, mais on en repousse d'anciennes. C'est le même problème avec les mesures sur le ralentissement de l'artificialisation des terres [qui doit être réduite de 50 % d'ici 2030, comparé à 2011-2020] : c'est une bonne mesure, mais il y aura, comme toujours, des dérogations. L'urgence n'est pas prise en compte.

    Au final, qu'y a t-il de novateur dans ce plan 2023 ?

    Jean Jouzel : J'étais en charge des aspects climatclimat et énergie dans le Grenelle Environnement [2007, NDLRNDLR] et à l'époque on attendait beaucoup. Et dans ce nouveau plan, il n'y a rien de très novateur comparé à ce qu'on a déjà demandé. La seule mesure novatrice est celle du leasing de voitures électriquesvoitures électriques à 100 euros par mois [un système de location longue duréedurée pour les ménages les plus modestes]. Mais comme à chaque fois, on retarde l'applicationapplication des mesures.