Les tétras mexicains qui vivent dans des grottes économisent près de 30 % de leur énergie par rapport aux poissons de surface. Pour obtenir ce gain, le poisson ne recourt à aucun rythme circadien pourtant considéré comme déterminant dans l'équilibre du métabolisme.

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    Économiser de l'énergieénergie en éliminant tout rythme circadienrythme circadien du métabolismemétabolisme pourrait être une réponse adaptative de certains animaux vivant dans des habitats dépourvus de lumièrelumière, tels des cavernes ou des fonds marins, rapporte une étude parue dans la revue Plos One. Cette économie d'énergie faciliterait leurs chances de survie dans des milieux où la nourriture est souvent en quantité limitée.

    Pour aboutir à cette conclusion, les auteurs de l'article, chercheurs à l'université de Lund en Suède, ont mené des expériences comparatives sur le tétra mexicain (Astyanax mexicanus), une espèce de poisson d'eau douce de la famille des Characidés et originaire d'Amérique centrale.

    Le taux métabolique (ou taux de consommation d'oxygène) a été mesuré chez des poissons cavernicoles, habitués à l'obscurité permanente, et chez des poissons de surface, baignés de lumière naturelle. Nageant à vitessevitesse constante, les deux groupes testés ont été exposés à des périodes alternées de lumière et d'obscurité sur 24 heures d'une part, et à des périodes de pleine obscurité, d'autre part.

    Les résultats montrent que le groupe de surface affiche un taux métabolique plus élevé durant les heures correspondant à la période diurnediurne, même dans des conditions dépourvues de lumière. « C'est comme si vous et moi étions placés dans une pièce obscure pendant quelques jours, explique Damian Moran, biologiste et auteur principal de l'article. Nous présenterions aussi ce type de cycle parce que nous avons cette horloge à l'intérieur de notre corps. »

    En revanche, la forme cavernicole d'A. mexicanus consomme la même quantité d'oxygène, qu'elle soit dans un milieu éclairé ou obscur, ce qui lui fait économiser 27 % de son énergie par rapport à ses congénères de surface.

    Chez l'Homme, le rythme circadien joue notamment un rôle sur le cycle veille-sommeil, sur la pousse des cheveux ou encore sur la production hormonale. Encore méconnue, l'horloge interne maintiendrait une rythmicité de nos fonctions en s’ajustant à des repères fournis par l’environnement. © Lamiot, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    Chez l'Homme, le rythme circadien joue notamment un rôle sur le cycle veille-sommeil, sur la pousse des cheveux ou encore sur la production hormonale. Encore méconnue, l'horloge interne maintiendrait une rythmicité de nos fonctions en s’ajustant à des repères fournis par l’environnement. © Lamiot, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    Ces résultats interpellent sur l'importance du rythme circadien

    D'après les scientifiques, ce bénéfice serait rendu possible par l'élimination chez le poisson de son rythme circadien. Cette horloge internehorloge interne d'une plage d'environ 24 heures influe sur la coordination avec le cycle jour-nuit de nombreux mécanismes biologiques, physiologiques et comportementaux.

    L'une de ses plus importantes fonctions est de garantir que le métabolisme, c'est-à-dire les réactions chimiquesréactions chimiques impliquées dans le maintien de cellules saines et dans la fragmentation de moléculesmolécules pour l'apport d'énergie, se fasse aux moments les plus opportuns pour l'animal (et l'Homme), en vue de parer à toute demande d'énergie : « Cela prend du temps de fabriquer les protéinesprotéines et autres éléments pour digérer, courir ou voir, relate Damian Moran. Donc, en ayant une horloge interne réglée aux conditions environnementales, vous bénéficiez d'un métabolisme déjà prêt avant le moment requis. »

    La question reste donc de savoir comment le tétra mexicain pallie la perte de son rythme circadien. Ces découvertes interrogent aussi sur le rythme circadien lui-même et sur son importance considérée comme majeure chez la plupart des animaux : « Nous avons tendance à penser que ces rythmes sont toujours adaptatifs, qu'ils servent à quelque chose de crucial, relate Damian Moran. Mais que se passe-t-il chez les animaux qui n'ont pas ces cycles ? » C'est un véritable casse-tête, estiment les chercheurs, qui se demandent par conséquent comment considérer ces cas, tel le tétra cavernicole, encore appelé tétra aveugle car il est par ailleurs dépourvu d'yeux.