Les microraptors, ces dinosaures à quatre ailes, planaient probablement lentement en inclinant fortement leurs ailes, si l’on en croit des essais menés en soufflerie sur Maurice, une maquette. Peut-être la fin d’un débat, puisque la même étude montre que la position des pattes arrière n’avait que peu d’importance sur le vol... tout comme la présence des plumes. Visiblement, leur apparition n’est pas liée à la conquête des cieux, comme le suggèrent de nombreux travaux.

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    Le Microraptor, tel qu'on le représente à l'American Museum of Natural History, à New York. Ce reptile ailé vivait entre 130 et 125 millions d'années avant notre ère. Principale originalité : des ailes sur les pattes arrière, une formule oubliée depuis longtemps… © Emily Willouhby

    Le Microraptor, tel qu'on le représente à l'American Museum of Natural History, à New York. Ce reptile ailé vivait entre 130 et 125 millions d'années avant notre ère. Principale originalité : des ailes sur les pattes arrière, une formule oubliée depuis longtemps… © Emily Willouhby

    Voilà dix ans, en 2003, des paléontologuespaléontologues fouillant la formation géologique de Jehol (province chinoise du Liaoning) ont découvert un surprenant fossile de dinosaure non aviaire. Et pour cause, il arborait des marques trahissant l'existence en son temps, au Crétacé inférieur, de longues plumes sur les membres antérieurs... mais aussi sur les pattes arrière et sur la queue. Ainsi, ce dromæosauridé, un Microraptor, possédait quatre ou cinq ailes, si l'on prend ou non la queue en considération. Aucun théropode découvert auparavant n'a présenté de telles caractéristiques.

    La question s'est alors posée : ce reptile de la taille d'un faucon volait-il voici 125 millions d'années ? Et si oui, comment ? C'est ainsi qu'un important débat est né. Tous les spécialistes s'accordent à dire que le Microraptor pouvait très certainement progresser dans les airsairs. La question se pose donc de savoir si c'était à l'aide de toutes ses ailes (comme dans le cas de la théorie du biplan) ou de seulement deux d'entre elles. Cela suppose alors que le Microraptor repliait ses pattes postérieures sous son corps une fois en vol.

    Pour approfondir la question et probablement tenter de clore la controverse, Gareth Dyke s'est entouré de plusieurs collaborateurs pour donner vie à Maurice, une maquette grandeur nature d'un Microraptor. Les chercheurs des universités de Southampton et de Bristol (Royaume-Uni) l'ont alors placé dans une soufflerie, où il a été soumis à des vents qui ont au maximum atteint une vitessevitesse de 20 m/s. Trois pistons pneumatiquespneumatiques l'ont ensuite incliné selon différents angles par rapport au flux d'air analysé. Conclusion : le Microraptor était un adepte du vol planévol plané lent grâce à une portanceportance élevée.

    Gareth Dyke (à droite) et Roeland de Kat interviennent sur Maurice, la maquette d'un <em>Microraptor</em>, à l'intérieur même d'une soufflerie. Les trois pistons utilisés pour faire bouger la maquette durant les tests sont visibles entre leurs têtes. © Université de Southampton

    Gareth Dyke (à droite) et Roeland de Kat interviennent sur Maurice, la maquette d'un Microraptor, à l'intérieur même d'une soufflerie. Les trois pistons utilisés pour faire bouger la maquette durant les tests sont visibles entre leurs têtes. © Université de Southampton

    Les plumes ne jouaient pas un rôle déterminant dans le vol

    Maurice a fidèlement été reproduit, d'un point de vue anatomique, à l'aide de balsa, d'aluminiumaluminium et de plumes de canards colverts. Au final, il pesait 500 g et affichait une envergure de 60 cm. La maquette a été suspendue dans la soufflerie par le biais des pistons, qui étaient fixés sur la face ventrale des ailes antérieures et de la queue. 

    Ainsi, la meilleure stratégie de vol pour le Microraptor consistait à maintenir ses ailes à forte incidenceincidence (l'angle entre le plan de l'aile et la direction), afin de générer une portance élevée, au prix d'une importante traînée. Le plané était donc lent. Cependant, il n'était pas très efficace d'un point de vue aérodynamique (en raison de la forte traînée générée et donc de la faible finesse du dinosaure), mais cela devait suffire à cet animal qui utilisait probablement ce mode de locomotion pour passer d'arbrearbre en arbre. En effet, son mode de vie aurait été comparable à celui de l'actuel écureuilécureuil volant, qui passe une partie de son temps au sol.

    Les tests ont également été répétés avec les pattes arrière repliées sur le corps, ce qui n'a pas modifié les résultats. Selon les données présentées dans la revue Nature Communications, la position des membres postérieurs importe donc peu, tout comme la présence des plumes. En effet, leur retrait de la maquette n'a pas fondamentalement changé les résultats, grâce à la grande surface des ailes faites de chair et d'os des microraptors. Ce détail a son importance, car il conforte l'hypothèse selon laquelle les plumes ne sont pas apparues en lien avec le vol. Depuis quelques années, de nombreux spécialistes estiment que les plumes seraient tout d'abord intervenues dans le cadre de la thermorégulation ou de parades sexuelles. Ce n'est que bien plus tard qu'elles auraient été requises pour la réalisation d'excursions aériennes.