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Robert M. d'Anjou effectue un carottage de sédiments lacustres. Il s'est positionné à l'endroit le plus profond du lac Liland, sur l'une des îles Lofoten, en Norvège. © UMass Amherst
De quels moyens dispose-t-on pour analyser et comprendre la relation entre l'Homme préhistorique et son environnement ? En étudiant les vestiges d'outils, les paléontologuespaléontologues peuvent indiquer comment l'Homme a développé son camp de base, l'agriculture... Mais il est difficile d'établir une série temporelle de l'évolution. Les cernes du bois peuvent donner des indications sur l'évolution du climat de l'époque, mais n'apportent pas d'informations sur le comportement de l'Homme.
Les excréments des êtres humains se répandent partout dans la zone de leur habitat. Que l'Homme le veuille ou non, ce qu'il rejette retourne à la terre. Ainsi, l'étude de ces rejets peut être vue comme un enregistrement de l'occupation humaine au cours du temps. Il y a 3 ans, le paléoclimatologue Robert M. d'Anjou s'est rendu en Zodiac dans la zone la plus profonde du lac Liland, au nord de la Norvège. Il est revenu à terre avec une carotte de 13 m de sédiments lacustreslacustres remplis d'excréments humains !
Les chercheurs ont utilisé les stérols fécaux et d'autres composés biogéochimiques des sédiments pour identifier les signaux naturels et anthropiques du changement environnemental de la fin de l'Holocène. « Les excréments des êtres vivants déversés dans le lac ont laissé au fil du temps des traces de moléculesmolécules spécifiques qui ne sont produites que dans les intestins des mammifèresmammifères supérieurs, explique Robert M. d'Anjou. Lorsque vous trouvez ces molécules à certaines concentrations et dans des proportions spécifiques, c'est une preuve indiscutable que les Hommes vivaient dans la région. »
Les îles Lofoten (Norvège), situées au large de Bodø, au nord du cercle polaire. Le climat y est très particulier : il s'y produit la plus grande anomalie positive de température hivernale par rapport à la latitude. L'archipel est bordé par le Gulf Stream et ses extensions, la dérive nord-atlantique et le courant norvégien. Les étés et les hivers y sont donc très doux. Entre juin et août, les températures maximales peuvent ainsi dépasser les 25 °C, avec des moyennes de l'ordre de 20 °C. © James Stringer, cc by nc 2.0
L'histoire de l'Homme dans ses excréments
L'étude des déjections humaines, publiée dans le journal Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas)), révèle que la région commença à se peupler voilà 2.300 ans. L'occupation humaine a généré une augmentation brusque des incendies et un déclin de la forêt. La densité de population était faible dans la région pendant la majeure partie de son histoire. Un pic en 500 après J.-C. et deux minimums en 850 et 1750 ont été enregistrés. Si la majeure partie de l'activité humaine est liée aux fluctuations de la température estivale, les questions socioéconomiques ont joué un grand rôle pour certaines périodes. La chute de population en 1750 peut être associée à la pestepeste par exemple.
L'arrivée de l'Homme se remarque par une augmentation brusque des concentrations de coprostanolcoprostanol (et de son épimère, l'épicoprostanol) et de 5β-stigmastanol dans les sédiments. Les feux de forêt sont indiqués par la hausse de la pyrolysepyrolyse d'hydrocarbures aromatiques polycycliques.
Ainsi, aussi étonnant que cela puisse paraître, cette approche peut être utile dans de nombreuses études archéologiques, à la fois pour confirmer la présence des humains et des animaux de pâturage, et pour faire la distinction entre les facteurs naturels et anthropiques qui ont influé sur l'environnement par le passé.