L’extinction de la licorne sibérienne, une sorte de gros rhinocéros, unicorne, disparue il y a 36.000 ans, vient de trouver une explication. Et ce n’est pas celle que l'on attendait.


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    Malgré son surnom de licorne sibérienne, Elasmotherium sibiricum n'avait pas grand chose à voir avec un beau cheval élancé. Avec ses 3,5 tonnes et ses 4 mètres de long, le mammifère géant ressemblait plus à un gros rhinocéros poilu et pataud. Mais son unique corne monumentale, dont on ignore le poids étant donné qu'aucune n'a jamais été retrouvée, mesurait vraisemblablement plus d'un mètre de long. C'est dire si l'animal fascine les paléontologuespaléontologues. En septembre 2018, des chercheurs russes avaient déjà révélé que l'animal ne s'était pas éteint il y a 350.000 ans mais qu'il aurait survécu jusqu'à 29.000 ans avant notre ère et aurait ainsi côtoyé les Hommes modernes. Basée sur une datation au carbonecarbone à partir d'un échantillon de peau, cette estimation a toutefois été jugée peu fiable, le tissu analysé contenant trop peu de collagènecollagène.

    La licorne sibérienne a survécu jusqu’à 35.000 ans avant notre époque : elle a donc cohabité avec l’Homme. © WillemSvdMerwe, deviantart
    La licorne sibérienne a survécu jusqu’à 35.000 ans avant notre époque : elle a donc cohabité avec l’Homme. © WillemSvdMerwe, deviantart

    Pour en savoir plus et comprendre les causes de sa disparition, une équipe internationale a donc décidé d'analyser l'ADNADN de l'animal. Les chercheurs ont analysé 23 os de différents spécimens, dont un crânecrâne complet, issus du Muséum d'histoire naturelle à Londres. Leurs résultats viennent d'être publiés dans la revue Nature Ecology & Evolution. Première constatation : la licorne sibérienne aurait bien cohabité avec l'Homme, les échantillons les plus récents étant estimés à 35.000 ou 39.000 ans.

    Un cousin lointain des rhinocéros actuels

    Deuxième découverte : Elasmotherium sibiricum est en réalité bien plus éloigné de la famille des rhinocéros « modernes », comprenant le rhinocéros laineux (éteint) ou l'actuel rhinocéros de Sumatra. Les deux branches se seraient séparées il y a plus de 40 millions d'années. « Cela signifie que la licorne sibérienne et les rhinocéros actuels ont presqu'autant en commun que les Hommes et les singes », atteste Kieren Mitchell, chercheur à l'Australian Center for Ancient DNADNA de l'Université d'Adélaide et coauteur de l'étude. De la grande famille des rhinocéros, qui comptait jadis plus de 250 espèces, il n'en reste aujourd'hui plus que cinq.

    Bien qu’aucune corne de <i>Elasmotherium sibiricum</i> n’ait jamais été retrouvée, on estime qu’elle devait mesurer plus d’un mètre de long. © Igor Doronin/Kosintsev et al., 2018
    Bien qu’aucune corne de Elasmotherium sibiricum n’ait jamais été retrouvée, on estime qu’elle devait mesurer plus d’un mètre de long. © Igor Doronin/Kosintsev et al., 2018

    Enfin, les chercheurs assurent avoir découvert la véritable cause de l'extinction de la licorne sibérienne. Si cette dernière a bien côtoyé l'Homme, ce dernier n'est pourtant pas responsable de sa disparition. Elle n'a pas non plus été directement victime du changement climatiquechangement climatique, comme on a pu le penser. L'animal, déjà âgé de plus de deux millions d'années, a en effet survécu à plusieurs changements majeurs. Il aurait en fait été victime... de sa corne.

    La licorne sibérienne serait morte… de faim

    C'est tout de même une modification des conditions climatiques qui est à l'origine de la disparition. À cette époque, on observe un léger refroidissement en Sibérie centrale, où vit l'animal. Pas de quoi la faire mourir de froid mais cela a suffit pour transformer les vastes prairies d'herbe bien grasse en toundra et en steppe sèche. Mais alors que les autres rhinocéros ont adapté leur régime alimentaire en se nourrissant des feuilles des arbres en hauteur, la licorne serait restée... le museau rivé au sol. « Sa tête était énorme, très basse, à hauteur d'herbe, donc elle n'avait pas vraiment besoin de lever la tête », détaille Alan Cooper, un autre chercheur impliqué dans l'étude. « En fait, il se pourrait même qu'elle n'ait pas pu lever la tête du tout ! Elle n'a donc pas pu survivre lorsque l'herbe s'est faite rare ». De plus, sa mâchoire étant dépourvue de dents, impossible de broyer les feuilles. La pauvre bête a donc dû tout simplement mourir de faim...