La découverte de cet herbivore géant constitue une vraie surprise : on croyait jusqu’ici que les dinosaures étaient les seuls animaux de cette taille au Trias. Il ne leur a hélas pas résisté.


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    Prenez un croisement entre un hippopotame, un éléphant et une tortue et vous obtenez à peu près un Lisowicia bojani. Ce gigantesque animal, long de 4,5 mètres et haut de 2,6 mètres pour une massemasse de 9 tonnes vivait à la fin du Trias, il y a plus de 200 millions d'années. Il doit son nom au village de Lisowice, en Pologne, où il a été découvert. Son fossile, complet à 70 %, vient aujourd'hui d'être décrit par Tomasz Sulej et Grzegorz Niedzwiedzki, deux chercheurs de l'Académie polonaise des sciences, dans la revue Science.

    <i>Lisowicia bojani </i>pesait 9 tonnes, soit environ la masse d’un éléphant. © Tomasz Sulej et Grzegorz Niedzwiedzki
    Lisowicia bojani pesait 9 tonnes, soit environ la masse d’un éléphant. © Tomasz Sulej et Grzegorz Niedzwiedzki

    Lisowicia bojani est le dernier représentant connu des dicynodontes, des animaux qui peuplaient la Terre à l'époque du Trias. À mi-chemin entre les reptiles et les mammifèresmammifères, ils côtoyaient ainsi les dinosaures, qui dominaient le monde terrestre à cette époque. La découverte d'un herbivoreherbivore d'une telle taille constitue donc une véritable surprise. Les dicynodontes observés jusqu'à présent pesaient en effet au maximum une à deux tonnes, assurent les chercheurs. Lisowicia bojani est donc le plus gros animal à quatre pattes hors dinosauresdinosaures vivant à la fin du Trias.

    Avec son corps d’hippopotame, ses défenses d’éléphant et son bec de tortue, le <em>Lisowicia bojani</em> est un curieux mélange de mammifère et de reptile. © Karolina Suchan-Okulska
    Avec son corps d’hippopotame, ses défenses d’éléphant et son bec de tortue, le Lisowicia bojani est un curieux mélange de mammifère et de reptile. © Karolina Suchan-Okulska

    Bec de tortue et pattes de dinosaure

    Avec sa mâchoire dépourvue de dents et un becbec semblable à celui d'une tortue, Lisowicia bojani se nourrissait principalement de plantes qu'il avalait sans les mâcher. Contrairement à d'autres spécimens de son espèceespèce ou de la plupart des reptiles, la forme de ses pattes avant n'est pas arquée vers l'intérieur, sans doute en raison de son poids qu'il aurait eu du mal à soutenir avec une telle position. Il se rapproche en cela des grands dinosaures, mais ses autres caractéristiques morphologiques ne laissent guère de doute à son appartenance aux dicynodontes. On ignore par contre s'il était recouvert d'écailles ou de poils, mais comme c'était un animal endodermeendodermesang chaud), il est plus probable qu'il ait porté une fourrure comme le mammouthmammouth.

    Les dicynodontes, anciens cousins des mammifères actuels, font partie des rares survivants de la crise du Permien-Trias, qui a vu disparaître 70 % des vertébrés terrestres. © Tomasz Sulej
    Les dicynodontes, anciens cousins des mammifères actuels, font partie des rares survivants de la crise du Permien-Trias, qui a vu disparaître 70 % des vertébrés terrestres. © Tomasz Sulej

    Un survivant de la plus grande crise d’extinction de l’histoire

    Lisowicia bojani est l'un des rares rescapés de la grande crise d’extinction entre le Permien et le Trias, il y a 252 millions d'années, où ont disparu 70 % des vertébrésvertébrés terrestres dont la presque totalité des reptiles. « Ils ont sans doute survécu parce qu'ils étaient à l'époque de petite taille, semi-aquatiques ou fouisseurs », suggère Chloé Olivier, doctorante au Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle et qui prépare une thèse sur les dicynodontes. Le groupe s'est ensuite complètement rediversifié, avec quarante genres regroupant une centaine d'espèces et répartis sur tous les continents. On a ainsi retrouvé des fossiles en Afrique, en Asie et en Amérique, mais encore peu en Europe. La crise suivante lui sera fatale : à la fin du Trias, une nouvelle extinction signe la fin définitive des dicynodontes, alors que les dinosaures, eux, arpenteront la planète pendant encore 140.000 ans. Il faudra attendre la fin de l'Éocène et l'avènement des grands mammifères (éléphant, rhinocérosrhinocéros, hippopotame...) pour voir le retour d'herbivores aussi massifs.