Les vrais chiffres du coût de l'énergie atomique en France viennent d'être publiés par la Cour des comptes... et les montants sont astronomiques. Une augmentation de 10 % des coûts de production semble inéluctable. Le rapport souligne aussi les incertitudes sur le prix des démantèlements à venir et sur le stockage des déchets à long terme.
La Cour des comptes a publié ce 31 janvier 2012 un rapport de 380 pages sur les coûts de la filière électronucléaire. Les investissements liés à la construction du parc nucléaire français, à son fonctionnement, à son entretien et à son démantèlement y sont présentés « sans prise de position ».
Il ressort de ce rapport que les coûts de production pourraient augmenter de 10 % dans les années à venir, principalement à cause des dépenses liées à la maintenance des installations.
Si certaines données financières sont clairement identifiées, « de nombreuses incertitudes » demeurent concernant les investissements futurs.
Trois millions d'euros le mégawatt pour les EPR
Les montants calculés avec précision concernent les coûts passés et actuels de la filière électronucléaire. Environ 188 milliards d'euros ont été dépensés entre 1945 et 2010 :
- la mise en place et la construction de la filière nucléaire française (58 réacteurs pour une puissance totale de 62.510 MW) a nécessité un investissement de 121 milliards d'euros ;
- la recherche a quant à elle bénéficié de 55 milliards d'euros (1 milliard en moyenne par an), auquel s'ajoutent 12 milliards pour la construction, le fonctionnement et l'arrêt de Superphénix.
D'autres informations précises ressortent du rapport :
- le coût de construction initial rapporté à la puissance des réacteurs augmente au cours du temps. De 1,07 million d'euros par mégawatt en 1978 (Fessenheim), il est passé à 2,06 en 2000 (Chooz) et pourrait atteindre une valeur de 3,1 millions d'euros pour les EPR de série ;
- les charges d'exploitation du parc nucléaire français ont couté 8,9 milliards d'euros à EDF en 2010.
Nucléaire : des investissements futurs incertains
Les dépenses à réaliser dans le futur sont estimées à 79,4 milliards d'euros, incluant le coût total du démantèlement des centrales (18,4 milliards) et celui du traitement des déchets à long terme (28,4 milliards).
Cependant, la Cour des comptes précise que ces estimations sont incertaines pour plusieurs raisons :
- la commission souligne un manque d'étude approfondie par des experts concernant les méthodes utilisées pour le démantèlement des centrales ;
- le projet de traitements des déchets à vie longue n'est pas clairement défini, il est donc difficile d'en prédire la dépense.
Par conséquent, la Cour ajoute que « des risques d'augmentation de ces charges futures sont probables ».
Un coût de maintenance en augmentation
Les frais de maintenance prévus pour la période de 2011-2025 s'élèveraient à 55 milliards d'euros, soit en moyenne 3,7 milliards par an. Ces chiffres sont nettement supérieurs à ce qui a été dépensé de 2008 à 2010 (1,5 milliard par an). Néanmoins, ce montant prévisionnel inclut les investissements nécessaires pour répondre aux nouvelles exigences de l'ASN (Agence de sureté nucléaire).
En 2010, un mégawattheure revenait à 49,5 euros. Dans le futur, ce coût, affirme la Cour des comptes, devrait augmenter d'environ 10 % en réponse à l'évolution des coûts d'entretien et de mise aux normes des installations.
La durée de fonctionnement des centrales est une donnée essentielle à prendre en compte. Plus elle est longue et plus l'amortissement des montants engagés sera important. Prolonger la vie des réacteurs permet également de retarder les dépenses liées au démantèlement des centrales et aux traitements des déchets.
Pourtant, 22 réacteurs vont atteindre leur quarantième année d'exploitation avant 2022. Pour maintenir le niveau de production actuel sans prolonger la durée de vie des centrales, il faudrait construire 11 EPR en mois de 10 ans, ce qui semble impossible.
Selon la Cour des comptes, la France aurait donc pris une décision implicite : soit prolonger la durée de vie des centrales, soit faire évoluer le « mix énergétique ». Cette seconde solution suppose des investissements supplémentaires nécessaires pour développer rapidement des sources d'énergie alternative.
En conclusion, « la Cour juge souhaitable que les choix d'investissements futurs ne soient pas effectués de façon implicite mais qu'une stratégie énergétique soit formulée, débattue et adoptée en toute transparence et de manière explicite ».
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