Malgré la profusion de photos de plantes que l’on peut trouver sur Internet, celles-ci ne représentent qu’une petite partie de toutes les espèces existantes. De plus, ces photos sont éparpillées sur de nombreuses plateformes, ce qui ne facilite pas le travail des scientifiques et menace les efforts de conservation.


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    Cela peut paraître étonnant à l'heure où chaque citoyen se transforme en paparazzi à toute heure avec son smartphone : près de la moitié des plantes sur Terre n'a jamais été photographiée à l'état sauvage, selon un article publié dans Nature Plants. Bien que des photos de plusieurs dizaines de milliers d'espèces de plantes soient consultables sur le web, « il y en a autant d'autres qui ne sont pas illustrées par la moindre photo, atteste Pierre Bonnet, chercheur au Cirad et coauteur de l'étude. Ces espèces, les moins connues et souvent les plus menacées, ne sont identifiables qu'à travers leurs descriptions textuelles et des spécimens d'herbiers numérisés, ce qui limite grandement les efforts pour leur conservation ».

    Même sur Google image, vous n’avez pas plus de 50 % de chance de trouver la photo d’une espèce donnée

    L'étude, qui porteporte uniquement sur la zone des Amériques (Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amérique centrale et Caraïbes), a passé au crible 25 ressources d'images botaniques en ligne comme Flickr, iNaturalist, Pl@ntNet, Phytoimages, Tropicos ou encore le Musée d’histoire naturelle des États-Unis. Au total, ces plateformes regroupent 65.786 espèces de plantes, soit 52,8 % du total des espèces connues dans la région.

    Curieusement, chaque base de donnéesbase de données semble assez spécialisée, puisque que 36 % des espèces ne figurent que sur une seule plateforme et que moins de 1 % sont réparties dans plusieurs types de banques d'images. C'est un problème majeur car on ne dispose du coup d'aucun système global d'information sur la biodiversité. « À l'heure actuelle, aucune ressource en ligne ne permet à un utilisateur d'avoir plus de 50 % de chances de trouver une photographiephotographie d'une espèce végétale américaine donnée, pas même GoogleGoogle Image », regrettent les auteurs.

    Répartition par type de ressource et par localisation géographiques des espèces présentes en photo sur Internet. © Nigel Pitman et <em>al., Nature Plants</em>, 2021
    Répartition par type de ressource et par localisation géographiques des espèces présentes en photo sur Internet. © Nigel Pitman et al., Nature Plants, 2021

    Les plantes les plus rares absentes des réseaux sociaux

    La famille des Liliacées (qui comprend par exemple les lis, les tulipes, les jacinthes, les asperges ou les colchiquescolchiques) est la plus populaire et représente 98,1 % des espèces photographiées, suivie par les Saxifragacées (astilbe, armera, heuchère, saxifrage...) et les Fagacées (châtaignierchâtaignier, chêne vertchêne vert, hêtrehêtre commun...).

    Comment protéger des plantes en danger sans savoir à quoi elles ressemblent ?

    À l'inverse, « la plupart des plantes qui n'ont pas encore été photographiées poussent dans des zones tropicales, confirme Pierre Bonnet. Le Brésil abrite, par exemple, près de 35.000 espèces de plantes, plus que tout autre pays américain, et environ 15.000 de ces espèces n'ont pas encore été photographiées ». Les nouvelles espèces récemment décrites dans la littérature scientifique ne sont également pas disponibles librement en ligne, dans la mesure où l'accès à ces revues est payant, déplorent les auteurs.

    Un vrai travail de terrain

    La photographie botanique n'est pas seulement un hobby du dimanche. « Il ne s'agit pas seulement de faire un catalogue. Nous sommes au milieu d'une crise d'extinction mondiale : comment protéger des plantes en danger sans savoir à quoi elles ressemblent ? insiste Nigel Pitman, chercheur au Field Museum et principal auteur de l'étude. Il nous faut imaginer une galerie mondiale, accessible en ligne, capable d'organiser facilement les photos de plantes et où il sera facile de les trouver. »

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    Les numérisationsnumérisations en cours des collections d'histoire naturelle, à travers les initiatives telles qu'iDigBio ou e-ReColNat, constituent un pas important en ce sens, reconnaît Pierre Bonnet. « Mais elles doivent être complétées par des observations in situ, permettant de connaître tout le gradientgradient visuel exprimé par les espèces sur le terrain ».

    Chacun peut participer à ces études de terrain ! N'oubliez pas votre téléphone ou votre appareil photo lorsque vous partez en balade, et n'hésitez pas à partager vos trouvailles sur InternetInternet.