« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons pour la savane, à la découverte d’un animal emblématique : la girafe.


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    La girafe, c'est un peu la reine de la savane. Tout simplement le mammifère le plus grand en taille au monde. Grâce à un très long cou. Elle peut frôler le six mètres de haut. Et elle dort très peu. À peine quelque deux heures par jour. Parce qu'il faut dire qu'à l'inverse, la girafe passe beaucoup de temps... à manger ! Les autres ruminants, comme elle, se nourrissent tout juste pendant quatre à cinq heures par jour. La girafe n'y passe pas moins de treize heures en moyenne. Ce qui nous amène à évoquer un premier comportement étonnant de cet ongulé de la savane : il leur arrive de ruminer tout en marchant.

    Mais alors, si la girafe est à ce point obnubilée par son alimentation, que peut-on attendre de ses capacités cognitives ? Eh bien, plus qu'on ne pourrait le penser, semble-t-il. Malgré une allure, parfois, de pantin désarticulé, les girafes ont récemment montré aux scientifiques quelques comportements sociaux tout aussi complexes qu'inattendus.

    Jusqu'alors, les chercheurs avaient surtout noté que les girafes ont tendance à faire et défaire des alliances au fil de leurs déplacements... en quête de nourriture, vous l'avez compris, maintenant. Mais alors que l'animal, parmi les plus populaires, restait bizarrement très peu étudié, dans les années 2010, plusieurs travaux ont commencé à poser des questions. À partir d'observations plus systématiques, réalisées avec les nouveaux moyens techniques disponibles. Et si les alliances que créent les girafes n'étaient finalement pas si aléatoires que ça ?

    Les girafes, de mères en filles… ou en cousines

    Pour mieux comprendre ce qui anime ces drôles d'ongulés, des scientifiques se sont alors lancés dans ce qu'ils appellent une méta-analyseméta-analyse. Ils ont travaillé sur les conclusions de plus de 400 études. De quoi disposer d'un large ensemble de données. Poser un regard plus général sur les girafes et leur organisation. Et faire finalement apparaître au grand jour, des comportements sociaux très complexes chez cet animal que l'on a longtemps imaginé plutôt solitaire.

    Alors certes, les mâles notamment, semblent bien préférer leur tranquillité. Mais beaucoup de girafes apprécient de se retrouver en petits groupes. De trois à neuf individus. On y trouve généralement surtout des femelles apparentées. Qui nouent des liens étroits et élèvent ensemble leurs petits. Des mères, des filles, des sœurs. Et même... des grands-mères !

    Les girafes montrent des signes de détresse lorsqu’un petit du groupe meurt. Même si ce n’est pas le leur. © Peter Hofstetter, Adobe Stock
    Les girafes montrent des signes de détresse lorsqu’un petit du groupe meurt. Même si ce n’est pas le leur. © Peter Hofstetter, Adobe Stock

    L’« effet grand-mère » chez les girafes

    Oui parce que les girafes, si elles peuvent vivre jusqu'à trente ans à l'état sauvage, ne peuvent se reproduire qu'au maximum pendant vingt ans. Pendant les dix années qui restent, elles entrent dans la catégorie des adultes post-reproductifs. Chez les éléphants, par exemple, ces adultes-là jouent un rôle important dans l'éducation des jeunes générations. Mais le phénomène est rare. Et les chercheurs pensent aujourd'hui qu'il existe chez les girafes. Leurs groupes sociaux peuvent en effet compter jusqu'à trois générations.

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    Gare à la girafe lorsqu’une relation sexuelle est en jeu !

    Mais une chose laisse encore planer le doute sur ces conclusions : en principe, des comportements sociaux coopératifs aussi complexes s'appuient sur des capacités de communication avancées. Or les scientifiques n'en savent encore que très peu de la manière dont les girafes échangent entre elles. Affaire à suivre, donc...

    Il n'en reste pas moins que l'organisation sociale des girafes pourrait bien avoir joué un rôle dans leur survie -- jusqu'à présent -- dans des environnements difficiles, au milieu de nombreux prédateurs. C'est ce que les chercheurs appellent « l'effet grand-mère » -- il a été démontré chez les éléphants et les orquesorques, par exemple --, lorsqu'une longue vie post-reproductive permet aux individus de transmettre leur expérience, jouant ainsi sur la résiliencerésilience du groupe tout entier -- comme chez les humains. Alors, pas si bête, la girafe ! D'autant que savoir que les girafes s'organisent en sociétés matrilinéaires pourrait même aujourd'hui aider à mettre en place des mesures de conservation pour cet animal chassé tant pour sa viande que pour sa peau et menacé par la disparition de son habitat. Et qui a vu sa population diminuer de pas moins de 40 % depuis 1985...