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Les explorateurs furent choqués à la vue, dans l'eau transparente, des orbites noires et des dents très bien conservées du crâne fossile de l'une des premières Amérindiennes du continent. © Roberto Chavez Arce
Rapportée dans le journal Science, la découverte du crânecrâne de l'une des premières Amérindiennes du continent, au Mexique, est des plus inédites puisque complétée de la quasi-totalité du squelette de l'enfant. La trouvaille remonte à 2007, mais il a fallu plusieurs années à un collectif de chercheurs international et pluridisciplinaire pour résoudre une vieille énigme, celle de la véritable parenté entre les premiers Hommes arrivés sur le Nouveau continent, dits Paléoaméricains, et les natifs américains, dits Améridiens, qui leur ont succédé.
En effet, les crânes comme celui-ci jusqu'à présent découverts sont plus larges, leur face plus étroite et plus avancée, rappelant plutôt les habitants d'Afrique, d'Australie et du Pacifique Sud que leurs supposés descendants américains. La question était de savoir si cela était dû à l'évolution d'une seule et même population ou à des migrations de populations d'origines distinctes.
Or, le crâne de la jeune femme, baptisée NaiaNaia en référence à une nymphe de la mythologie grecque, possède à la fois les caractéristiques craniofaciales des Paléoaméricains et l'ADN mitochondrial des Amérindiens contemporains.
Des plongeurs dans la grotte sous-marine, baptisée Hoyo Negro pour « trou noir », où le squelette de Naia a été trouvé, par 40 mètres de fond. © Roberto Chavez Arce
Les Amérindiens ont une origine unique
Un résultat à mettre en miroirmiroir avec une précédent découverte ; les restes osseux moins complets datant de 12.600 ans d'un enfant du site Anzick Clovis dans le Montana, aux États-Unis. Le séquençage génomique du fossile révèle également une parenté avec les Améridiens dont les ancêtres s'avèrent être des Sibériens originaires d'Asie et non d'Europe, comme il l'a été cru. Ces Sibériens se seraient différenciés dans une région qui, à l'époque, reliait la Sibérie à l'Alaska et qui s'appelle de nos jours le détroit de Béring. Après leur arrivée sur le continent américain, ces Sibériens l'auraient entièrement colonisé, du nord vers le sud, et les actuels Amérindiens en seraient donc bel et bien les descendants. « À présent, nous disposons de deux descendants d'un même ancêtre commun venu d'Asie, se réjouit Michael Waters, directeur du Centre pour l'étude des premiers Américains au Texas. Tous deux sont génétiquement reliés à des Améridiens qui ne peuvent donc pas être une population de remplacement. Ils se sont différenciés avec le temps, mais on ne sait pas pour quelles raisons. »
Une adaptation à leurs conditions de vie est une hypothèse. Le passage d'un mode de vie nomade, de chasse et de cueillette, à une sédentarisation des populations pourrait avoir sélectionné les individus aux traits les plus ronds et les plus doux. Ce processus appelé néoténisation, qui voit l'apparition au cours des générations de traits plus juvéniles chez les adultes, est observé dans l'hémisphère nord, du Pléistocène à nos jours. « Les formes les plus domestiques apparaissent quand les femmes prennent davantage le contrôle de la nourriture et qu'elles sont plus indépendantes des hommes agressifs », rapporte l'archéologue James Chatter, auteur principal de l'étude et gérant d'Applied Paleoscience, une agence américaine et privée de recherche scientifique. Cela dit, il faudrait trouver bien d'autres échantillons génétiquesgénétiques et osseux pour confirmer cette théorie.
Naia, morte d’une chute de 30 m
Les chercheurs ont par ailleurs tenté d'expliquer la mort de Naia, il y a entre 12.000 et 13.000 ans. L'adolescente d'une quinzaine d'années serait entrée dans la caverne pour y chercher de l'eau à l'époque rare en extérieur. La présence de très nombreux fossiles d'animaux dont des tigres à dents de sabretigres à dents de sabre, des paresseuxparesseux géants ou des gomphothères, de la famille des éléphants, corroborent cette théorie. Après une chute 30 mètres, la jeune femme se serait cassé le pelvis et serait morte sur le coup.
À partir d'échantillons d'ADNADN extrait de la pulpe d'une des molairesmolaires de la défunte, « la découverte du génomegénome complet de Naia nous permettra de déterminer si les maladies génétiques des Mexicains contemporains viennent ou non des premiers occupants du continent, de l'époque préhispanique, ou du métissage lié à la colonisation espagnole », ajoute José Concepción Jiménez, chercheur en anthropologie physiquephysique. Un destin hors norme pour ce petit bout de femme qui n'a pas révélé tous ses mystères.