Grâce au design génératif, les créateurs optimisent la fabrication et l’usage de leurs sièges. Une approche entièrement nouvelle de la conception, même si certaines notions échappent encore aux algorithmes, comme le fait de pouvoir… s’assoir sur la chaise.


au sommaire


    L'intelligence artificielleintelligence artificielle ne se loge pas que dans votre enceinte connectéeenceinte connectée. Elle va bientôt s'inviter chez vous sous une forme bien plus prosaïque et fonctionnelle : la chaise. Deux de nos plus grands designers français, Philippe Starck et Patrick Jouin, viennent chacun d'annoncer leur premier siège créé par design génératif (générative design). Cette technologie consiste à utiliser un algorithme pour concevoir un produit répondant à différentes contraintes (poids, résistance, technique de fabrication...). Spécialiste de ce type de logiciellogiciel, l'entreprise américaine Autodesk aide ainsi Airbus à alléger ses avions en créant des cloisons inspirées de la structure osseuse, ou expérimente avec la NasaNasa l'impression 3Dimpression 3D d’habitats en matériau compositematériau composite fait de déchetsdéchets de sédimentssédiments (terre, poussière, pierre cassée...) et de plastiqueplastique recyclé.

    Philippe Starck : une chaise « qui n’est liée à aucune culture ou influence »

    Toujours à l'avant-garde de la technologie, les architectesarchitectes et designers se sont emparés du concept. Cet été, la première chaise créée par intelligence artificielle va ainsi être commercialisée par le fabricant de meubles italien Kartell. Ce dernier s'est allié avec Philippe Starck et Autodesk pour mettre au point une chaise nécessitant le moins de matièrematière possible tout en ayant la résistance et la solidité nécessaires. Nommée « A.I » (pour artificial intelligence), « c'est le premier siège qui n'a pas été façonné par notre cerveaucerveau, nos habitudes et notre raisonnement habituel, se félicite Philippe Starck. Il n'est lié à aucune culture, souvenir ou influence ». Le résultat est pourtant loin d'être révolutionnaire, avec une chaise de couleurcouleur, au stylestyle minimalisme où l'on reconnait immédiatement la patte de Starck.

    La chaise AI de Philippe Starck a été conçue de manière à minimiser la quantité de matériau et assurer sa solidité. © Philippe Starck
    La chaise AI de Philippe Starck a été conçue de manière à minimiser la quantité de matériau et assurer sa solidité. © Philippe Starck

    C’est quoi une chaise « belle » ?

    Il faut dire qu'en réalité, c'est bien lui qui l'a largement dessinée. « Au départ, Philippe Starck s'imaginait qu'il suffisait de décrire sa chaise au programme informatique et qu'elle allait ressortir toute prête à l'autre bout », témoigne Mark Davis, directeur du design chez Autodesk, dans une interview à Fast Company. Pas si simple, car si le logiciel est très performant pour les contraintes techniques, il n'a aucune notion du « beau », un critère essentiel pour le designer. De même, il faut aussi tout simplement... pouvoir s'assoir dessus ou bien encore que la chaise soit bien stable, des concepts là encore un peu difficiles à intégrer pour l’algorithme. Du coup, la plus grande part du travail créatif a été réalisée par les humains qui ont peaufiné les propositions itératives du logiciel en améliorant les lignes ou la symétrie par exemple.

    Patrick Jouin : un siège pliable imprimé en 3D qui ne pèse que 2 kilos

    La chaise Tamu, présentée par Patrick Jouin au dernier salon du meuble à MilanMilan début avril, présente quant à elle un design plus audacieux : l'enchevêtrement de fibres de polyamidepolyamide, imprimé en 3D par frittage de poudre, fait penser à une grande toile d'araignéearaignée. Le designer, qui travaille sur l'impression 3D depuis 2004, s'est allié avec Dassault Systèmes pour mette au point son siège imprimable en 48 heures chrono. Formé de 1.647 pièces, il pèse à peine 2,38 kgkg et se replie à plat comme un origami. Objectif de l'algorithme : concevoir une chaise la plus légère possible tout en enlevant un maximum de matière. « La chaise se plie dans le volumevolume de son assise, elle est donc optimisée à la fois dans sa fabrication et dans son usage », explique Patrick Jouin. Reste qu'il n'est pas toujours facile de s'adapter à l'imagination débordante de la machine : « La difficulté réside dans l'appréhension de ces nouvelles formes inédites que nous n'imaginions pas », avoue le designer.

    La chaise Tamu de Patrick Jouin pèse à peine 2,38 kg et se replie comme un origami. © Patrick Jouin, Dassault Systemes Design Studio
    La chaise Tamu de Patrick Jouin pèse à peine 2,38 kg et se replie comme un origami. © Patrick Jouin, Dassault Systemes Design Studio

    Le design génératif n'en n'est encore qu'à ses balbutiements. Mais, au fur et à mesure de son apprentissage, il sera bientôt capable de réaliser de véritables créations. Autodesk travaille déjà sur un algorithme expérimental nommé DeepStyle en mesure d'imiter le design d'un créateur ou d'une marque. Après les IA peignant des tableaux façon Rembrandt, composant des chansons dans le style des Beatles ou écrivant la suite de Harry Potter, l'IA s'attaque maintenant aux meubles. Ce qui n'a pas l'airair de faire peur à nos vedettes du design. « Il faudra toujours un homme au bout de la machine pour lui transmettre ses idées et ses instructions », assure Patrick Jouin.