La fabrication de ciment est extrêmement polluante. Il serait pourtant possible de s’en passer totalement, en recyclant des résidus issus de centrales à charbon ou d’usines d’aluminium. Au final : ce serait un béton plus écolo, plus durable et plus solide.

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    Le ciment Portland, le liant utilisé pour la fabrication du béton, est le matériaumatériau de constructionconstruction le plus utilisé au monde, avec plus de 4 milliards de tonnes produites chaque année. Issu généralement d'un mélange de calcairecalcaire et d'argileargile cuit à très haute température (clinker), sa fabrication est très polluante : pour chaque mètre cube de ciment produit, une tonne d'équivalents carbonecarbone est relâchée dans l'atmosphèreatmosphère. On estime ainsi que 7 % des émissionsémissions mondiales de CO2 sont dues à la fabrication de ciment.

    Une recette sans chauffage, prête à l’emploi

    Des chercheurs de l'université de technologie de Kaunas, la KTU, en Lituanie, assurent avoir mis au point un nouveau béton sans ciment, fabriqué à partir de résidus industriels : cendres volantes issues de la combustioncombustion des centrales à charboncharbon, cendres de biocarburant, laitier de haut fourneau ou métakaolin (un silicatesilicate d'aluminiumaluminium généré lors de la production de kaolinite, notamment utilisé pour la fabrication de porcelaines). Selon Vytautas Bocullo, chercheur en ingénierie civile et en architecture à la KTU, il est ainsi possible d'utiliser n'importe quel matériau contenant une forme active de silicesilice et d'aluminealumine. Il suffit ensuite d'ajouter de l'eau et le ciment durcit à température ambiante (20 °C). Contrairement au ciment Portland, ce liant géopolymère « prêt l'emploi » ne nécessite pas un chauffage à haute température, ce qui économise autant de CO2

    Le béton à base de silico-aluminates présente une résistance aussi élevée que le béton à base  de ciment Portland. © KTU

    Le béton à base de silico-aluminates présente une résistance aussi élevée que le béton à base  de ciment Portland. © KTU

    Plus résistant, plus durable et adapté au réchauffement climatique

    En plus de ses bénéfices environnementaux, le béton fabriqué avec ce substitut est plus résistant au feufeu et à l'attaque par des ionsions chlorures, par exemple dans les endroits exposés aux embruns marins. Grâce à son pH plus élevé, il protège mieux les armatures en métalmétal contre la corrosioncorrosion. Il n'est pas non plus sensible aux réactions alcali-granulat (un phénomène qui entraîne la formation de gelsgels silico-calco-alcalins qui gonflent et fissurent le béton), car les hydrosilicates de calciumcalcium formés lors de l'hydratationhydratation du ciment « piègent » les alcalins, les rendant indisponibles pour activer une réaction. Enfin, contrairement à l'idée que l'on pourrait avoir, le laitier est une poudre blanche donnant au béton un aspect plus clair, offrant donc un meilleur albédoalbédo. Une propriété utile alors que les épisodes de canicule vont être appelés à se multiplier dans les villes !

    Le ciment à base de laitier donne un aspect plus clair au béton, ce qui limite l’accumulation de chaleur dans les villes. © Nate Watson, Unsplash

    Le ciment à base de laitier donne un aspect plus clair au béton, ce qui limite l’accumulation de chaleur dans les villes. © Nate Watson, Unsplash

    Le lobby du ciment à l'œuvre

    Le laitier de hauts fourneaux et les cendres volantes sont déjà utilisés aujourd'hui comme adjuvantsadjuvants dans la fabrication de béton. Le groupe franco-irlandais Ecocem produit ainsi des liants hydrauliquesliants hydrauliques à partir des laitiers granulés des hauts-fourneaux d'aciéries. Selon l'entreprise, la fabrication d'une tonne de laitier moulu émet 20 kgkg de CO2, soit 38 fois moins que celle du ciment Portland ; elle évite l'extraction de 1,3 tonne de matièresmatières premières. « Malheureusement, il y a en France au puissant lobby cimentier qui a imposé des normes limitant la part de laitier dans le béton pour la construction », soupire Katia Nataf, la porte-parole d'Ecocem. Ce substitut était pourtant largement utilisé avant la première guerre mondiale : « La ligne 1 du métro ou le palais du Trocadéro à Paris ont été fabriqués avec du béton contenant au moins 70 % de laitier », rapporte Katia Nataf. 

    Pour que ce béton soit encore plus rentable et économique, il est préférable de s'approvisionner auprès d'usines locales, conseille Vytautas Bocullo. Certaines cendres nécessiteront toutefois un traitement additionnel, comme celles issues des biocarburantsbiocarburants qui doivent être broyées plus finement avant d'être incorporées au béton. L'université lituanienne n'en est pas à son premier coup d'essai concernant les matériaux écologiques. En février, ses chercheurs avaient déjà mis au point un béton à ultra haute performance fabriqué à partir de verre moulu recyclé.