L’U.S. Copyright Office vient de clarifier sa position sur le droit d’auteur et l’intelligence artificielle. Si les éléments uniquement générés par les IA comme ChatGPT ou Midjourney ne sont pas éligibles, les œuvres mêlant création humaine et IA pourront être protégées en partie, selon les cas.


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    À qui appartiennent les œuvres créées par intelligence artificielle ? La question épineuse se pose depuis quelques mois et depuis l'explosion de l'IA accessible au grand public. Déjà l'été dernier, GPT-3 avait écrit un article scientifique sur elle-même, puis Midjourney avait remporté une compétition d'art. Les choses ont rapidement évolué depuis, avec une déferlante de livres écrits par ChatGPTChatGPT vendus sur AmazonAmazon, et le premier manga créé par IA est sorti au Japon.

    Aux États-Unis, la cour d'appel fédérale a décidé l'année dernière qu'une IA ne peut pas obtenir de propriété intellectuelle en son nom. Mais quelle est la limite ? Kris Kashtanova, auteur du roman graphique Zarya of the DawnDawn, avait obtenu le droit d'auteur aux États-Unis, mais le mois dernier, l'U.S. Copyright Office, le bureau américain du droit d'auteur, a jugé que les images générées avec Midjourney ne pouvaient pas être protégées par le droit d'auteur.

    La différence entre reproduction mécanique et conception mentale originale

    Dans un nouveau document, l'U.S. Copyright Office vient clarifier sa position qui indique que les œuvres peuvent être protégées, selon la manière dont l'intelligence artificielle a été utilisée. « Dans le cas d'œuvres contenant du matériel généré par IA, l'office examinera si les contributions de l'IA sont le résultat d'une "reproduction mécanique" ou d'une "conception mentale originale" de l'auteur, à laquelle il a donné une forme visible », indique le document. Le bureau fait la distinction entre les outils utilisés par les artistes, dont les résultats sont attendus, et la génération par IA, dont les résultats ne sont pas prévisibles.

    Cela signifie qu'une IA ne peut pas être considérée comme un auteur, mais que les parties de l'œuvre qui sont bel et bien le travail d'un humain sont éligibles au droit d'auteur. Dans le cas du roman graphique Zarya of the Dawn, les modifications et arrangements de l'auteur sont toujours protégés. Le bureau a également indiqué que toute nouvelle demande de protection par droit d'auteur doit spécifier explicitement si l'œuvre contient des éléments générés par IA.


    Pourquoi une IA ne peut pas obtenir de brevet pour une création ou une invention

    Une Intelligence artificielle ayant créé une œuvre d'art originale ou bien une invention peut-elle obtenir sa propriété intellectuelle en son nom ? Non, a tranché la cour d'appel fédérale des États-Unis. Explications.

    Article de Louis Neveu, publié le 13/08/2022

    Est-ce qu'une IA peut détenir le brevet, ou du moins la propriété intellectuelle, d'une de ses créations ? Face à cette question originale, la cour d'appel fédérale des États-Unis a tranché, et c'est non ! Mais, avant tout, pourquoi cette demande ? Il y a trois ans, en 2019, aux États-Unis, l'informaticien Stephan Thaler a créé une IA dédiée aux arts qui portait le nom de « Creativity Machine ».

    L'IA a conçu plusieurs œuvres d'arts autour de l'expérience de mort imminente (IME). Pour le créateur de l'IA, l'une de ces œuvres méritait d'obtenir un acte de propriété intellectuelle. C'est ainsi que Stephan Thaler a tenté de la faire breveter auprès de l’Office des brevets américains (USPTO). D'emblée, la législation lui a fait barrage, puisque le droit d'auteur est censé protéger une création émanant d'un être humain, ce qui n'est pas le cas d'une Intelligence artificielle aussi talentueuse soit elle. L'informaticien a fait appel de cette décision en considérant qu'elle est inconstitutionnelle. Il a alors tenté sa chance auprès d'autres juridictions, et même la Cour suprême, pour obtenir finalement la même réponse négative.

     L’œuvre d’art créée par la Creativity Machine méritait d’obtenir une protection en matière de droit d’auteur, selon son inventeur Stephan Thaler. © Steven Thaler, Creativity Machine
     L’œuvre d’art créée par la Creativity Machine méritait d’obtenir une protection en matière de droit d’auteur, selon son inventeur Stephan Thaler. © Steven Thaler, Creativity Machine

    L’IA n’est pas une personne physique

    Durant les audiences du tribunal fédéral de la cour d'appel, le juge s'est cependant interrogé en soulignant qu'une telle affaire devrait nécessiter une enquête plus aboutie sur le statut d'une IA et de ses inventions. Il s'est toutefois contenté d'appliquer strictement la loi sur les brevets qui indique qu'un titulaire est forcément un individu et qu'un individu reste une personne physiquephysique.

    Stephan Thaler a également créé une autre IA appelée Dabu, qui aurait créé un récipient alimentaire pouvant changer de forme, ainsi qu'une lampe de poche. Il a également cherché à breveter ces inventions en Afrique du Sud et en Australie et cela a fonctionné, du moins dans un premier temps. L'Australie a en effet invalidé ce brevet assez rapidement.

    Dans les autres pays, comme au Royaume-Uni ou auprès de l'Office de l'Union européenne, la demande n'a pas été accordée. Reste qu'avec des IA toujours plus performantes, il va devenir de plus en plus difficile de différencier une création générée par un humain ou une IA. La question de la propriété intellectuelle restera certainement en suspend dans les prochaines années.