Voilà plusieurs mois que le déploiement de réseaux haut débit publics, et particulièrement des réseaux sans fil Wi-Fi, est au coeur d'un débat des plus houleux aux Etats-Unis.

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    Haut débit municipal américain : le grand débat

    Haut débit municipal américain : le grand débat

    Face à la volonté de certaines villes américaines de proposer un réseau Wi-Fi ou en fibre optique à leurs administrés, la guerre fait ragerage avec les opérateurs privés dont c'est le business. Pour ces derniers, l'offre municipal haut débit, financée par les impôts, constitue simplement une concurrence déloyale. Comme le soulignent les économistes de Wharton, l'école de gestion de l'université de Pennsylvanie, le débat se concentre sur quelques questions essentielles, qui se posent également ailleurs qu'aux Etats-Unis : l'accès internet peut-il être considéré comme une infrastructure urbaine au même titre que la voirie ? L'intervention publique peut-elle vraiment changer la situation des utilisateurs éloignés ou à faibles revenus ? L'impact sur l'innovation et la concurrence est-il si important que les opérateurs le prétendent ?

    Chaque partie se renvoie ses arguments à coups d'études, comme le remarque Jim Hu de Cnet : "Les mensonges des compagnies de téléphones et la vérité sur les réseaux haut débit municipaux" répond à "Ce n'est pas d'intérêt public : le mythe des réseaux Wi-Fi municipaux" (voir liens en bas de page). Même les estimations du coût du déploiement des réseaux sans fils varient du simple au double (entre 75 000 et 150 000 $ le mile carré - 2,59 km²) selon les études, comme le constate MunicipalNet.

    En attendant, beaucoup de villes se précipitent sur l'opportunité de construire leur réseau Wi-Fi de peur d'en être bientôt empêchées par le législateur. En effet, un certain nombre d'Etats ont voté des lois pour empêcher les villes de se lancer dans la constructionconstruction d'infrastructure à très haut débit et préserver le business de leurs opérateurs locaux. Au Sénat, les projets de loi, tantôt en faveur des opérateurs, tantôt en faveur des municipalités, se multiplient et s'empilent les uns sur les autres.

    Il faut dire que près de 300 villes américaines ont des projets de réseaux haut débit, à divers stades d'avancement. Les projets se différencient principalement selon la taille des villes qui les portent. Du côté des grandes villes, qui disposent déjà d'offres haut débit commerciales, il s'agit, selon Greg Richardson de la société de conseil Civitium - cité par la Technology Review - d'apporter la connexion à des publics éloignés ou défavorisés, de développer l'usage mobilemobile de l'internet et enfin, d'attirer des entreprises par la qualité des connexions offertes.

    Pour les petites villes, la construction d'un réseau haut débit est devenu une nécessité économique et le seul moyen d'espérer pouvoir se connecter à l'internet dans de bonnes conditions. Ces deux situations provoquent des réactions tout à fait différentes. Autant les commentateurs seraient enclin à encourager les petites communautés oubliées des opérateurs à se lancer dans l'aventure, autant la fronde des grandes villes apparaît bien souvent comme un crime de lèse-marché. Pourtant, au pays de la libre-entreprise, il est frappant de constater la relative sympathiesympathie, ou a minima la compréhension, que suscitent souvent ces projets publics. Celle-ci est peut-être due au traumatisme que suscitent aux Etats-Unis les études de l'Union internationale des télécommunicationsUnion internationale des télécommunications (UIT) qui, pour 2004, plaçaient les Etats-Unis au 16e rang mondial en termes de pénétration du haut débit, en recul de 3 places et juste devant la France qui, elle, progresse.

    A Philadelphie, la pionnière, les premiers quartiers sans-fil devraient être desservis dès octobre 2005. Si l'on en croit le projet original, l'abonnement au réseau devrait tourner entre 10 et 20 dollars par utilisateur. Ses objectifs, rappelle Dianah Neff, chargée du projet, sont de jeter un pont sur la fracture numérique en redynamisant le voisinage, de stimuler le développement économique et de permettre à tous d'accéder aux technologies du 21e siècle. Les premiers profits du réseau sans fil (qui ne sont pas attendus avant quatre ou cinq ans) devraient être redistribués aux foyers les plus modestes sous forme d'ordinateursordinateurs.

    Nombre de grandes villes se lancent dans des projets similaires : à San Francisco, la municipalité projette de développer un réseau sans fil abordable et accessible à tous les citoyens.

    En attendant que les projets sortent du sol, les interrogations s'accumulent. Que se passera-t-il si ces réseaux municipaux deviennent générateursgénérateurs de revenus pour les villes ? Celles-ci ne seront-elles pas tentées de grimper de nouveaux échelons dans la fourniture de services de nouvelles génération - au détriment de la concurrence privée - s'interroge Gerald Faulhaber de Wharton ?

    La réponse sera peut-être esquissée lors de la conférence MuniWireless 2005 qui se tiendra fin septembre à San Francisco et qui ne manquera pas d'interroger toutes les responsabilités des constructeurs d'infrastructures publics comme privés. Une conférence qui s'annonce dès à présent passionnante et dont on pourra suivre le déroulement sur le blogblog dédié à ces questions.