Contrairement aux idées reçues, le milieu le plus pollué n’est ni l’air ni l’eau, mais bien nos sols. En France, 80 % d’entre eux sont contaminés notamment par les métaux lourds qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour la biodiversité et la santé. Pour les connaître, les soigner et les préserver, Biomede a mis au point une solution de dépollution par les plantes.
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Il n'aura fallu à l'humain que 200 années d'industrialisation pour mettre à mal les centaines de siècles que le sol a mis à développer sa richesse incroyable. Pour les dépolluer, Biomede lutte en faveur d'une méthode biologique plutôt que les traitements physico-chimiques ou l'excavation, comme l'explique avec enthousiasme Ludovic Vincent, cofondateur de la société.
Futura : Pouvez-vous expliquer votre concept à ma grand-mère ?
Ludovic Vincent : Biomede propose de la phytoremédiationphytoremédiation, c'est-à-dire de dépolluer les sols par les plantes qui en absorbent notamment tous les métauxmétaux lourds. Ces plantes dites phytoextractrices sont hyperaccumulatrices et se nourrissent des éléments toxiques pour se protéger, mais aussi réussir à pousser dans des zones stériles.
Quelle est votre solution ?
Ludovic Vincent : Notre expertise porteporte sur la dépollutiondépollution par les plantes des métaux dans les sols agricoles et urbains. Pour cela, nous menons en amont tout un travail de recherches botaniquesbotaniques, notamment dans la collection Roland Bonaparte, qui comporte plusieurs millions de spécimens, dont malheureusement certains ont disparu... Cela permet de comprendre quelle plante capte quel élément et en quelle quantité, mais aussi de pouvoir les croiser pour en améliorer les capacités. Nous menons aussi des expérimentations dans des zones calaminaires, donc polluées en métaux lourds. Lorsque nous sommes sollicités, nous menons une analyse fine des sols pour y planter les plantes les plus efficaces. Après une certaine période, parfois longue jusqu'à 10 ans, nous les récupérons et pour certaines, essayons de leur donner une seconde vie, notamment pour celles qui contiennent du cuivrecuivre qui peut servir pour les industries cosmétiques par exemple. Les agriculteurs, qui ont donc forcément un rapport fort au sol, ont enfin une solution de dépollution.
Pourquoi votre start-up va-t-elle changer le monde ?
Ludovic Vincent : Une étude publiée par Santé publique France en 2021 a permis de montrer que la population française - les adultes mais aussi les enfants - est contaminée par des métaux lourds. Un constat grave compte tenu de leurs effets néfastes sur la santé (cancérogénicité, effets osseux, rénaux, cardiovasculaires, neurotoxiques...)). Notre enjeu est donc de penser santé globale, à savoir de l'environnement comme des individus car tout est lié. Tous ces polluants représentent des dangers potentiels pour les écosystèmesécosystèmes, leur biodiversité et les humains qui y habitent, car les métaux lourds contenus dans le sol pourront finir dans la chaîne alimentairechaîne alimentaire. D'autant que les terres fertiles qui ne représentent que 2 % de la surface terrestre sont pour la plupart contaminées. On parle beaucoup de l'airair et de l'eau, mais pas assez des sols qui sont pourtant des écosystèmes d'une richesse incroyable, qui ont mis des millénaires à se constituer et qu'il faut vraiment connaître, préserver et soigner.
Comment est né le projet ?
Ludovic Vincent : J'ai une formation d'ingénieur agronomeingénieur agronome. La volonté de créer une initiative en phytoremédiation m'est venue suite à la sollicitation d'un agriculteur qui a dû abandonner sa parcelle à cause d'un taux trop important de métaux lourds dans son sol. Je me suis alors associé à Patricia Gifu, chercheuse en cancérologiecancérologie, avec qui nous avions une synergiesynergie évidente entre santé et environnement. Nous avons réussi à valider des essais en chambre de culture avec peu de moyens au début. Plusieurs prix nous ont pourtant permis d'amorcer le développement, pour ensuite créer la société, nouer des partenariats et être labellisés par la fondation AgroParisTech. Depuis, nous avons développé une clientèle sur plus d'une vingtaine d'appellations classées en Bordelais, Bourgogne, ChablisChablis, Champagne, Cognac, Côtes-du-Rhône. Biomede est aussi labellisé Frenchtech seeds BPI.
Quelles sont les prochaines étapes ?
Ludovic Vincent : Après une première levée de fonds de 740.000 d'euros, nous en lançons une seconde de 2 millions d'euros pour développer la clientèle, s'ouvrir à l'international et surtout renforcer notre R&D (Recherche & développement) pour identifier et sélectionner de nouvelles solutions biologiques pour les sols.
À quoi va ressembler le monde en 2050 ?
Ludovic Vincent : Quand on entreprend, on doit forcément être positif. Mais nous sommes dans une situation dramatique et surtout face à une inertieinertie telle, que ça va être compliqué. La science ne sauvera pas l'humanité d'elle-même si elle continue dans cette voie. Elle a permis beaucoup de choses mais ne peut rien contre un monde qui ne cherche bien souvent qu'à s'auto-détruire. Les 10 % de personnes qui essaient ne suffiront pas à changer les choses face aux 90 % qui continuent à détruire la planète, par inertie, non-connaissance ou en préférant regarder ailleurs, sans comprendre que tous les écosystèmes sont reliés, qu'ils font autant partie de nous que nous en faisons partie.
Si vous étiez Premier ministre, quelle mesure phare mettriez-vous en place ?
Ludovic Vincent : Je ne pense pas qu'il faille attendre des lois ou des mesures gouvernementales pour agir. Notre force doit être avant tout collaborative. Je crois beaucoup dans les sciences participatives comme le fait Biomede, mais aussi dans toutes ces initiatives vertueuses qui créent une énergieénergie collective. Il faut s'informer, il y a beaucoup de moyens pour ça et notamment Futura qui permet de sensibiliser le plus grand nombre aux sujets essentiels comme la planète et la santé.
D’ailleurs, quel sujet d'actualité de Futura vous a passionné ?
Ludovic Vincent : J'apprécie énormément de sujets mais pour rester dans notre lien avec la nature, j'invite les lecteurs à découvrir cet article de Futura. L'être humain a besoin de nature. Nous sommes un assemblage, une fraction et une fonction d'elle. La dernière étude de la Boston University School of Public Health le montre encore, alors préservons-la, pour elle mais aussi, un peu pour nous...