Le génocide arménien est le massacre orchestré et planifié qui a coûté la vie à plus d'un million d'Arméniens entre 1915 et 1923. Qu'est-ce qui a conduit à cette tragédie du début du XXe siècle ?


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    Entre 1915 et 1923, le gouvernement ottoman orchestre un génocide qui coûte la vie à plus d'un million d'Arméniens dans le contexte du déclin de l'Empire ottoman et de l'affirmation des prétentions nationalistes.

    Quel est le contexte qui a conduit au génocide ?

    À la veille de la Première Guerre mondiale, les Arméniens font partie des communautés cosmopolites qui composent l'Empire ottoman. Cet empire à majorité musulmane compte jusqu'à 40 % de chrétiens arméniens au cœur de la région de l'Anatolie. Cette minorité chrétienne monophysite est en effet essentiellement installée dans l'est de la péninsulepéninsule anatolienne et bénéficie d'une relative clémence du pouvoir en raison de son statut de dhimmi. Certains sont également installés à Istanbul. Ils représentent un peu plus de 2 millions de personnes à la fin du XIXe siècle. 

    Or c'est à cette époque que s'opère un changement radical d'attitude de la part du pouvoir ottoman à leur encontre. Lors du congrès de Berlin en 1878, le Sultan vit comme une humiliation le démembrement des territoires de son Empire au profit du pouvoir russe. Ce dernier annexe une partie des Balkans et des territoires arméniens du Kars et du Batoum et ne cache pas ses ambitions de conquérir Constantinople. Le sultan craint alors une dislocation territoriale qui porterait atteinte à l'intégritéintégrité de l'empire. Le sultan Abdul-Hamid II va alors attiser la haine religieuse et désigner les Arméniens comme des traîtres en raison de leur prétendue collusion avec l'ennemi.  

    Le congrès de Berlin par Anton von Werner (1881). © Wikimedia Commons, domaine public
    Le congrès de Berlin par Anton von Werner (1881). © Wikimedia Commons, domaine public

    Lorsque les Arméniens demandent une modernisation des institutions, il lui est alors facile de s'en servir comme de boucs émissaires. En réaction à ces revendications, le sultan ordonne leur massacre. Entre 1895 et 1896, ce sont 200 000 Arméniens qui sont tués. Mais cette politique haineuse à l'encontre des minorités chrétiennes n'empêche pas l'émergenceémergence de mouvements nationalistes au début du XXe siècle. Le sultan est accusé de complaisance envers les puissances européennes telles que l'Allemagne. Le mouvement des Jeunes-Turcs dépose le souverain et installent sur le trône un nouveau sultan, Mohammad V. Ce changement de pouvoir marque un regain de violence à l'égard des Arméniens. Dans une volonté d'uniformisation de la nation, les Jeunes-Turcs massacrent entre 20 000 et 30 000 Arméniens à Adana en 1909. Dès 1914, les Jeunes-Turcs établissent des milices spéciales, les « Teshkilat-i Mahsusa ». Elles seront impliquées par la suite de manière systématique dans les massacres et les déportations. 

    Corps d'Arméniens massacrés dans la ville d'Adana, avril 1909. © Wikimédia Commons, domaine public 
    Corps d'Arméniens massacrés dans la ville d'Adana, avril 1909. © Wikimédia Commons, domaine public 

    Le déclenchement de la Première Guerre mondiale marque une escalade incontestable de la politique à l'encontre de cette minorité. Dès le début du conflit, l'Empire ottoman est défait par les troupes russes dans le Caucase lors de la bataille de Sarikamish et les territoires ottomans sont envahis par les forces russes. Lors de leur repli, les Ottomans s'en prennent aux minorités chrétiennes dont font partie les Arméniens : leurs liens supposés avec la Russie en font des cibles toutes désignées.

    1915 : le déclenchement du génocide arménien

    Le génocide arménien débute le 24 avril 1915 avec l'arrestation et le massacre de 600 intellectuels arméniens à Constantinople sur ordre du ministre de l'Intérieur. Cette mesure marque le début d'une campagne encadrée par le gouvernement ottoman et qui a vocation à faire disparaître la communauté arménienne. Cette action est suivie d'exécutions sommaires et de déportations forcées avec les marches de la mort dans le désertdésert syrien. Les Arméniens sont conduits dans les camps de concentration de la région de Deir-ez-Zor. Le sultan fait promulguer la « loi provisoire de déportation », le 27 mai 1915. Celle-ci encadre de manière officielle et légale la déportation des survivants aux massacres d'avril 1915. Parmi les quelques centaines de milliers de survivants aux marches de la mort, les femmes et les jeunes filles sont notamment vendues comme esclaves ou mariées et converties de force. En 1916, le sultan ordonne le massacre des Arméniens déportés et parqués dans des camps.

    Ce génocide conduit à la mort de plus d'un million d'Arméniens, soit les deux tiers de la population arménienne de l'Empire Ottoman. 

    Selon l'USHMM, «<em> les forces militaires ottomanes conduisent des hommes arméniens de Kharput vers un site d'exécution à l'extérieur de la ville ».</em> Kharput, Empire ottoman, mars 1915-juin 1915. © Wikimédia Commons, domaine public 
    Selon l'USHMM, « les forces militaires ottomanes conduisent des hommes arméniens de Kharput vers un site d'exécution à l'extérieur de la ville ». Kharput, Empire ottoman, mars 1915-juin 1915. © Wikimédia Commons, domaine public 

    La reconnaissance du génocide des Arméniens à l'international

    L'Allemagne, alliée de l'Empire, censure les informations qui parviennent à la presse concernant le génocide et accueille les auteurs du génocide. Dans le reste de l'Europe, l'émotion est vive. Si le traité de Sèvres de 1920 prévoit le jugement des responsables en accord avec l'Empire ottoman, l'action de Moustafa Kémal et son traité d'amnistie de 1923 empêchent toute action de la justice. 

    C'est l'apparition des mouvements terroristes arméniens qui revendiquent la reconnaissance du génocide dans les années 1970 et 1980 qui remet sur le devant de la scène cette tragédie du début du XXe siècle. Les États-Unis évoquent le terme de « génocide » en 1984 mais ne le reconnaissent qu'en 2019 alors que l'Organisation des Nations unies (ONU) l'intègre dans un rapport d'une sous-commission en 1985 mais ne l'a toujours pas officiellement reconnu à ce jour. Le parlement européen le reconnaît en 1987 alors que la France ne reconnaît que tardivement ce génocide avec la loi du 29 janvier 2001. Cependant, la Turquie moderne nie toujours officiellement l'ampleur et la qualification de génocide de ces événements.