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    VA : Le séquençageséquençage du génomegénome humain est pratiquement achevé. Dans votre dernier livre « L'avenir n'est pas écrit », vous dites : « Dans ce domaine de recherche (passer de la séquence primaire des gènesgènes à la compréhension de leurs fonctions) il reste encore au moins un siècle de travail. ». Devrons-nous réellement, compte tenu des progrès impressionnants de l'informatique, patienter tant d'années avant de comprendre la signification de l'alphabet génétiquegénétique ? (Le séquençage a été réalisé beaucoup plus rapidement que prévu par exemple).

    Axel KahnAxel Kahn : Quoi qu'en pensent certains, la meilleure métaphore du programme « génome » et du déterminisme génétique est un langage constitué d'un alphabet génétique (4 lettres au lieu de 26 dans l'alphabet latin).

    La plus petite réunion des lettres de notre alphabet possédant un sens forme un mot. La plus petite réunion des lettres génétiques ayant une signification individuelle est un gène.

    La signification d'un mot est totalement contextuelle : elle dépend bien de la phrase et de son contexte. La signification d'un gène l'est également ; elle est liée aux autres gènes et à leur environnement.

    Le niveau d'étude génétique auquel nous sommes parvenus aujourd'hui est le début de l'édification d'un dictionnaire, comprenant une suite de mots « gènes » associés à une première définition. Naturellement, lorsque vous disposez d'un dictionnaire, vous n'avez pas encore écrit « A la recherche du temps perdu de Proust », les poèmes de René Char ou de Victor HugoVictor Hugo...

    Un « dictionnaire génétique » permet seulement de faire de la biologie ; il ne résume pas la biologie. Le séquençage du génome offre de nouvelles perspectives, de nouveaux moyens. C'est en ce sens que nous sommes seulement au début de l'histoire.

    VA : Vous êtes Commissaire de l'exposition « L'homme et les gènes », présentée à la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette, à partir d'avril prochain. Cette exposition posera la question « des enjeux et des limites de la connaissance de l'homme par les sciences » (je vous cite). Quelles sont les grandes options de votre exposition ? Et, à quelles limites faites-vous allusion ?

    Axel Kahn: Le thème de l'exposition « L'homme et les gènes » trouve son origine au cœur de ma propre réflexion. L'homme, produit de l'évolution, est poussière d'étoile, il est matière. La matière, qui s'est transformée en vie, a acquis la conscience. C'est l'apparition de l'homme. L'homme se prétend libre du fait des caractéristiques neurobiologiques et cognitives qu'il a acquises. La conscience de l'homme et ses capacités cognitives l'ont poussé à s'interroger sur son origine matérielle (l'origine en tant qu'avataravatar de l'évolution) et sur sa responsabilité.

    Nous nous trouvons donc face à un homme qui s'interroge et est capable d'engranger de nombreuses connaissances. Mais ces connaissances ne lui indiquent en rien -parce qu'il est libre- dans quel sens utiliser le pouvoir de ce savoir.

    La question de la responsabilité se situe au cœur de la réalité anthropologique de notre espèceespèce. Cette exposition essaiera de tracer le chemin « de la matière à la vie et à la conscience ». Une conscience qui revient sur ses origines et met en lumière le problème de l'humain, c'est-à-dire la responsabilité d'un être libre d'utiliser ses pouvoirs au profit ou au détriment du monde et de l'homme.

    Dans « L'avenir n'est pas écrit » (Bayard. 2001) le journaliste Fabrice Papillon anime le débat entre Axel Kahn et Albert JacquardAlbert Jacquard autour des grandes questions éthiques, philosophiques, scientifiques, de notre temps.