Chaque jour de la décennie écoulée, les Etats-Unis ont disposé d'un ou plusieurs vaisseaux en orbite ou autour de la planète Mars, afin de mieux comprendre ce monde des extrêmes et mieux appréhender son potentiel comme soutien de la vie.

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    Durant toute cette période, ces représentants de la race humaine se sont retrouvés pratiquement isolés environ deux semaines tous les deux ans. La raison en est purement astronomique, et se produit lorsque le Soleil s'interpose entre la Terre et Mars, rendant temporairement les planètes invisibles entre elles et empêchant toute communication radio. Nous vivons actuellement une telle situation depuis le 18 octobre, et les liaisons ne seront à nouveau possibles qu'après le 29 octobre.

    A la Nasa, les contrôleurs de mission du JPL (Jet Propulsion Laboratory) prennent une série de dispositions. Ils commandent l'arrêt de plusieurs instruments, tandis que d'autres appareils stockent leurs données dans leurs mémoires internes afin de les délivrer plus tard. D'autres continuent d'envoyer leurs indications vers la Terre, sachant qu'elles seront de toutes façons perdues. Mais cela permettra aux grandes oreilles réparties tout autour de notre planète de déterminer le moment exact où l'écoute pourra reprendre.

    Il est tout aussi impossible de transmettre des instructions aux sondes et rovers durant la période de conjonction solaire, même si Mars n'est pas entièrement occultée, car on ne peut prévoir quelle partie de l'information pourrait être perdue suite aux interférencesinterférences avec les particules chargées émises par le Soleil, et surtout, si cette perte d'informations pourrait altérer un programme informatique et représenter un danger pour le vaisseau spatial. Au lieu de cela, les techniciens transmettent la valeur de deux semaines d'instructions à l'avance, puis attendent...

    Alors que cela pourrait paraître risqué, le pilotage automatique peut déplacer les appareils au sol sur une longue distance. Les ingénieurs sont maintenant devenus suffisamment habiles, aidés par une excellente connaissance topographique du terrain, pour laisser leurs rejetons se débrouiller seuls, à l'instar de parents qui n'hésitent plus à confier leurs enfants partir en vacances avec des amis ou en colonie.

    La grande question : mettre en sommeil...

    "Nous nous inquiétons toujours un peu parce qu'il est toujours possible que quelque chose d'inattendu se produise", déclare Jake Matijevic, chef de l'équipe en charge de l'exploration martienne par les robotsrobots SpiritSpirit et OpportunityOpportunity. "Mais ils se sont parfaitement comportés lors de la dernière conjonction et nous pensons qu'ils se montreront encore à la hauteur".

    Les planificateurs de mission ont transmis des instructions détaillées aux deux robots géologuesgéologues. Ainsi, Spirit balayera le ciel martien à la recherche de nuagesnuages, mesurera la poussière atmosphérique, qu'il analysera chimiquement, ainsi que le sol et les roches, et prendra régulièrement des images de son environnement. Opportunity restera plus passif, en prévision de la grande aventure qui l'attend au font du cratère Victoria. Les deux engins transmettront leurs données à la Terre dès la période de black-out terminée.

    En outre, cette période d'inactivité relative se révèle être un moment opportun pour quelques membres de l'équipe prennent un repos bien mérité, ou quelques jours de vacances.

    Les rovers jumeaux Spirit et Opportunity arpentent infatigablement la surface de Mars.

    Les rovers jumeaux Spirit et Opportunity arpentent infatigablement la surface de Mars.

    ... ou ne pas se reposer ?

    En revanche, il est difficilement concevable que l'équipe de Mars Reconnaissance OrbiterMars Reconnaissance Orbiter se repose. La dernière mission à avoir abordé la Planète rouge a récemment commencé à actionner tous ses instruments pour la première fois. Tous s'attendent à recevoir bientôt certaines des images les plus détaillées jamais reçues de Mars, ainsi que de nouvelles données qui nous amènerons probablement à réécrire entièrement certains pans d'histoire de l'environnement martien. Et cela se prépare! De plus, bien que la caméra de bord soit momentanément mise en veille, la plupart des autres composants de la sonde continuent d'emmagasiner des données qui seront transmises et analysées ultérieurement.

    "Les vaisseaux ne communiquent plus avec la Terre, mais chacun d'entre eux continue de travailler comme si de rien n'était", commente Robert Sharrow, technicien système au JPL, ajoutant que l'énergieénergie économisée par certains instruments arrêtés peut être employée à d'autres tâches comme des autodiagnostics ou de la maintenance.

    Mars Reconnaissance Orbiter

    Mars Reconnaissance Orbiter

    C'est vrai aussi pour l'équipe de Mars OdysseyMars Odyssey, qui peut être plus occupée qu'en temps habituel durant ces prochaines semaines. "La conjonction solaire n'est pas regardée comme du temps perdu", déclare le directeur scientifique de la mission Gaylon McSmith, "au contraire, nous optimisons la manoeuvre délicate qui sera entreprise dès la fin de la période d'occultationoccultation, et qui consistera à modifier l'assiette de la sonde afin de modifier l'angle de prise de vues. Cette technique, connue sous l'appellation d'off-nadirnadir, nous permettra d'obtenir des images stéréoscopiques de la surface afin de percevoir la profondeur et la position relative de certains reliefs".

    Mars Odyssey

    Mars Odyssey

    Et cela d'autant que Mars Odyssey ne se contente pas d'observer et cartographier Mars. Outre l'envoi de ses propres données, elle sert aussi de relais radio aux deux rovers Spirit et Opportunity. En se basant sur l'expérience passée, les techniciens savent qu'ils perdront quelques informations, car après la conjonction solaire, ils savent qu'ils devront effectuer tout un travail de tri et de nettoyage afin d'indiquer aux deux explorateurs quelles informations ils doivent transmettre par le canal relativement étroit de Mars Odyssey, et ce qu'ils doivent "oublier".

    Les choses s'améliorent avec l'âge

    Toutes ces activités ne posent désormais plus de problèmes. Ainsi Tom Thorpe, chef du projet Mars Global Surveyor en orbiteorbite autour de la Planète rouge depuis 1999, se souvient qu'en sortant d'une conjonction, on s'était aperçu que l'antenne principale à haut gain de la sonde s'était désalignée, et que cela s'était reproduit lors de chaque occultation. Puis le problème avait soudain disparu, laissant penser qu'il s'était produit un défaut dans les raccordements électriques lors de l'assemblage de la sonde, ou du lancement.

    Mars Global Surveyor

    Mars Global Surveyor

    "C'est notre cinquième conjonction solaire" ajoute Tom Thorpe, "et nous avons beaucoup plus confiance en notre expérience qu'auparavant. Une année martienne est presque équivalente à deux années terrestres, et nous faisons encore de nouvelles découvertes pratiquement à chaque heure. Occultation ou non."