Les trous noirs ont la fâcheuse tendance à avaler tout ce qui passe à leur proximité. Fâcheuse ? Pas tant que ça. Car les chercheurs peuvent profiter de l’occasion pour percer quelques-uns de leurs secrets.


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    De petits morceaux de pâtes collés dans de la sauce tomatetomate. Quelques éclaboussures de yaourtsyaourts. Autant d'indices laissés sur une chaise haute qui peuvent vous aider à savoir de quoi était fait le repas du petit dernier... Pour un trou noir, c'est un peu pareil, nous apprennent les chercheurs aujourd'hui. Le déferlement de rayonnements qui se produit lorsqu'un tel objet déchire une étoile avant de l'engloutir peut fournir aux astronomesastronomes des informations précieuses sur sa nature. Les chercheurs parlent d'événement de rupture par effet de marée. Et la lumière qui est alors émise peut éclipser celle de toutes les étoiles de la galaxie hôte du trou noir pendant des mois. Voire des années.

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    La rencontre apocalyptique entre une étoile et un trou noir

    Un tel événement a été enregistré sous le nom de J2150. « Le fait que nous ayons pu attraper un trou noir alors qu'il dévorait une étoile offre une opportunité remarquable d'observer ce qui serait autrement invisible », souligne Ann Zabludoff, astronome, dans un communiqué de l’université de l’Arizona (États-Unis). C'est plus précisément le rayonnement X émis à ce moment qui a été, ici, étudié par les chercheurs.

    Notez que des dizaines d'événements de rupture par effet de marée ont déjà été observés par les scientifiques au centre de galaxies de taille semblable ou plus grande que notre Voie lactée et qui hébergent des trous noirs supermassifs. Ceux-ci font entre 1 million et 10 milliards de fois la massemasse de notre SoleilSoleil. Et lorsqu'ils avalent de la matièrematière, c'est un véritable cataclysme.

    Sur cette illustration, le flux de lumière provenant d’une étoile déchirée en lambeaux au moment de se faire dévorer par un trou noir. Ce dernier s’entoure d’un anneau de poussière, un peu comme l’assiette du petit dernier à la fin de son repas. © Nasa, JPL-Caltech
    Sur cette illustration, le flux de lumière provenant d’une étoile déchirée en lambeaux au moment de se faire dévorer par un trou noir. Ce dernier s’entoure d’un anneau de poussière, un peu comme l’assiette du petit dernier à la fin de son repas. © Nasa, JPL-Caltech

    Un trou noir intermédiaire trahit par son appétit

    L'événement de rupture par effet de marée J2150 correspond, quant à lui, à la rencontre malchanceuse d'une étoile avec un trou noir de masse intermédiaire. Un trou noir qui ne pèse pas plus que 10.000 fois la masse de notre Soleil. C'est ce que les astronomes ont appris de leur analyse. De la manière dont les débris de l'étoile morte ont émis des rayons Xrayons X. Le tout passé au crible de quelques modèles théoriques sophistiqués.

    Ce n'est pas la première fois qu'un événement de rupture par effet de marée est observé dans une galaxie réputée trop modeste pour héberger un trou noir supermassiftrou noir supermassif -- les plus grandes galaxies abritent en effet les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs les plus imposants. Mais jusqu'alors, aucune donnée n'avait été suffisamment détaillée pour prouver que l'événement était alimenté par un trou noir de masse intermédiaire.

    Nous savons encore très peu de choses sur ces trous noirs intermédiaires.

    « Nous savons encore très peu de choses sur l'existence de trous noirs au centre de galaxies plus petites que la Voie lactée, remarque Peter Jonker, chercheur à l'université Radboud (Pays-Bas). En raison des limitations d'observation, il est difficile d'observer, au centre des galaxies, des trous noirs beaucoup plus petits qu'un million de masses solaires ». Mieux comprendre les populations de trous noirs intermédiaires par ce type d'études pourrait mettre les astronomes sur la piste des origines des trous noirs supermassifs. Certains imaginent en effet que les premiers se développent en les seconds avec le temps.

    Lorsqu’une étoile s’approche trop près d’un trou noir, les forces gravitationnelles créent des marées intenses qui déchirent l’étoile en un flux de gaz, entraînant un phénomène cataclysmique connu sous le nom d’événement de rupture par effet de marée. D’énormes quantités d’énergie sont libérées, provoquant une perturbation qui peut parfois éclipser une galaxie tout entière. © <em>Goddard Space Flight Center</em>, Nasa, Chris Smith (Usra, Gestar)
    Lorsqu’une étoile s’approche trop près d’un trou noir, les forces gravitationnelles créent des marées intenses qui déchirent l’étoile en un flux de gaz, entraînant un phénomène cataclysmique connu sous le nom d’événement de rupture par effet de marée. D’énormes quantités d’énergie sont libérées, provoquant une perturbation qui peut parfois éclipser une galaxie tout entière. © Goddard Space Flight Center, Nasa, Chris Smith (Usra, Gestar)

    Des indices sur la matière noire

    Mais les chercheurs de l'université de l'Arizona ne se sont pas arrêtés là. Ils ont aussi réussi à mesurer, grâce à cet événement de rupture par effet de marée, la manière dont ce trou noir intermédiaire tourne sur lui-même. Ils espèrent en tirer des informations sur la croissance de ces objets étonnants. « Nous excluons aujourd'hui que ce trou noir ait pu se développer sur une longue période. Mais il est possible qu'il se soit formé ainsi sans beaucoup changer depuis. Ou qu'il soit le résultat de la fusionfusion de deux autres trous noirs intermédiaires », explique Ann Zabludoff, à partir de la mesure de la « rotation rapide, mais pas la plus rapide possible » du trou noir étudié.

    Les astronomes soulignent aussi que leurs résultats exclus une large classe de bosonsbosons ultralégers comme candidats particules de matière noire. Ceux-ci empêcheraient en effet un trou noir intermédiaire de tourner aussi vite que ce qu'ils ont mesuré. Mais pour préciser tout cela, les chercheurs auront encore besoin d'étudier bien d'autres événements de rupture par effet de marée. Grâce, ils l'espèrent, à une nouvelle génération d'instruments.