Après la semaine des quatre jours, va-t-on assister à une petite révolution managériale au sein des entreprises ? Cette firme japonaise pourrait bien avoir lancé un mouvement en bouleversant son organisation pyramidale classique : voilà cinq ans que les salariés choisissent eux-mêmes leurs managers, et les bénéfices pour l'entreprise sont impressionnants.


au sommaire


    Sakura Kozo, un cabinet d'architectearchitecte basé à Hokkaido, dans le nord du Japon, a instauré ce nouveau système managérial en 2019. À l'époque, l'entreprise nippone était confrontée à un turnover qui avoisinait les 11 %, d'après la chaîne publique japonaise NHK. Un taux de rotation du personnel très élevé qui laissait craindre le pire pour Sakura Kozo dans un pays en proie à d'importantes pénuries de main-d’œuvre

    Le groupe a donc décidé de repenser son management pour fidéliser ses quelque 120 collaborateurs. Une fois par an, les salariés de Sakura Kozo sont invités à remplir un questionnaire dans lequel ils évaluent leurs responsables hiérarchiques selon 14 critères. Ils jugent notamment leur capacité à prendre en compte les angoisses de leurs subordonnés ou leurs compétences en matière de partage de connaissances.

    Les managers font leur propre examen de conscience en remplissant une fiche d'auto-évaluation. Tous les employés de l'entreprise reçoivent ensuite un bilan qui détaille les qualités et les points faibles de chaque encadrant. Ils peuvent alors choisir avec lequel d'entre eux ils souhaitent travailler durant les douze prochains mois. 

    Ce changement qui bouleverse l'organisation hiérarchique classique permet de s'épanouir au travail, estiment les salariés interrogés. © Jacob Lund, Adobe Stock
    Ce changement qui bouleverse l'organisation hiérarchique classique permet de s'épanouir au travail, estiment les salariés interrogés. © Jacob Lund, Adobe Stock

    Des jeunes générations fidélisées par ce système

    L'idée peut sembler saugrenue mais elle porteporte ses fruits. Le taux de rotation des employés est désormais passé sous la barre des 1 %, selon NHK. Les employés de la firme nippone sont globalement satisfaits de cette nouvelle politique interne. « Il est vrai que c'est un peu rude de mal noter quelqu'un. Mais c'est pour le bien de tous. C'est plus facile [de choisir son n+1] quand on a quelque chose de tangible sur lequel s'appuyer », a déclaré l'un d'entre eux à la chaîne publique japonaise. 

    Choisir son manager permet non seulement de renverser les rapports hiérarchiques classiques, mais aussi d'instaurer une meilleure ambiance en entreprise. Car les jeunes générations de salariés sont particulièrement sensibles à leur environnement professionnel. Pour elles, le bureau n'est pas qu'un simple lieu de travail. C'est surtout un lieu de vie où ils souhaitent s'épanouir en présence de leurs collègues. Comme le souligne la revue Harvard Business Review, « la fidélité à l'entreprise n'est non plus liée à la peur de perdre son emploi, mais plutôt à la volonté d'être heureux au travail »

    Pas question pour les jeunes actifs de rester dans un emploi où ils ne se sentent pas épanouis. Ils n'hésitent pas à poser leur démission s'ils identifient des dysfonctionnements sur leur lieu de travail, et en particulier s'ils entretiennent de mauvaises relations avec leur manager. Une intransigeance que les entreprises japonaises subissent de plein fouet. En effet, une jeune recrue sur dix quitte son emploi dans l'année qui suit son embauche, tandis que 30 % le font dans les trois ans, d'après des chiffres du ministère du travail nippon cités par NHK. Elles s'attarderont peut-être plus longtemps chez leur employeur s'il leur propose de choisir leur n+1.