Le fermion de Weyl : pendant 85 ans, les physiciens du monde entier ont déployé des trésors d’ingéniosité pour l'observer. En vain. Et voici que deux équipes de chercheurs distinctes apportent, simultanément, des preuves concrètes de son existence, levant un coin de voile sur les fermions, ces particules formant les briques de base de la matière.

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    Pour observer le fermion de Weyl, les chercheurs du MIT se sont appuyés sur un cristal structuré en gyroïde, ici surmonté d'une pièce de monnaie. © Ling Lu et Qinghui Yan

    Pour observer le fermion de Weyl, les chercheurs du MIT se sont appuyés sur un cristal structuré en gyroïde, ici surmonté d'une pièce de monnaie. © Ling Lu et Qinghui Yan

    L'information est parue la semaine dernière dans les colonnes du magazine Science : pour la toute première fois, des preuves de l'existence du fermion de Weyl ont pu être observées en laboratoire. Qui plus est, dans deux laboratoires distincts. C'est au cœur de structures cristallines que les physiciensphysiciens du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et ceux de l'université de Princeton ont mis la main sur la particule qui était restée insaisissable pendant presque un siècle.

    Rappelons que les particules élémentaires se divisent en deux grands groupes. Les bosons sont responsables des forces qui régissent notre univers et les fermions sont les briques de base de la matière. L'existence du fermion de Weyl avait été prédite dès 1929 par le physicien et mathématicienmathématicien allemand du même nom. Longtemps, les chercheurs l'ont assimilé au neutrino. Mais, en 1998, ils ont découvert que le neutrino présentait une faible massemasse. Or, la particule de Weyl, contrairement à tous les autres fermions, est sans masse.

    De l'avis des spécialistes, il est encore trop tôt pour savoir si la découverte trouvera des applicationsapplications concrètes. Certains, les plus optimistes, espèrent qu'elle aidera au développement d'une nouvelle électronique, plus rapide, plus efficace et donc plus performante. D'autres souhaiteraient s'en servir pour concevoir des laserslasers monomodes plus puissants.

    L'équipe de Zahid Hasan, professeur de physique à l'université de Princeton, a utilisé un spectromicroscope à effet tunnel pour s'assurer de la structure du cristal d'arséniure de tantale utilisé pour observer des fermions de Weyl. © Danielle Alio, <em>Princeton University, Office of Communications</em>

    L'équipe de Zahid Hasan, professeur de physique à l'université de Princeton, a utilisé un spectromicroscope à effet tunnel pour s'assurer de la structure du cristal d'arséniure de tantale utilisé pour observer des fermions de Weyl. © Danielle Alio, Princeton University, Office of Communications

    Le fermion de Weyl observé grâce à deux types de cristaux

    Il y a quelques semaines déjà, l'équipe de l'université de Princeton avait théorisé l'existence de fermions de Weyl dans un cristal d'arséniure de tantaletantale. Les chercheurs ont ensuite simulé des dizaines de structures cristallines avant de s'arrêter sur le cristal d'arséniure de tantale asymétriqueasymétrique. Une structure qui a été validée à l'aide d'un spectromicroscope à effet tunneleffet tunnel refroidi au niveau du zéro absoluzéro absolu et suspendu au plafond pour éviter les vibrationsvibrations. Les cristaux ont ensuite été soumis à un faisceau de photonsphotons issu d'un accélérateur à haute énergieénergie. En sortie, la forme, la taille et la direction du faisceau ont révélé la présence jusqu'alors insaisissable du fermion de Weyl.

    Du côté du MIT, la méthode a été sensiblement la même. Mais les physiciens ont employé un cristal photonique structuré en gyroïde. Un gyroïde, c'est ce que les mathématiciens appellent une surface minimale, une surface qui minimise son aire tout en réalisant une contrainte. Et, depuis quelque deux années, les physiciens supposaient que de briser les symétries d'une telle surface pourrait faire apparaître des fermions de Weyl.

    Le fermion de Weyl, une particule étrange et prometteuse

    Si le fermion de Weyl intéresse tant les scientifiques, c'est que la physiquephysique qui lui est liée semble à la fois bien étrange et porteuse de promesses. Les chercheurs de l'université de Princeton le désignent sous le terme de quasi-particule, une perturbation du milieu qui se comporte comme une particule. Leur description dans un cristal fait intervenir un espace abstrait dans lequel émergentémergent des équationséquations qui ressemblent beaucoup à celles qui régissent des monopôles magnétiques, dans un espace réel. Dans cette espace abstrait les fermions de Weyl portent des analogues des charges magnétiques (elles peuvent être opposées). On peut alors montrer que cela implique que ces fermions peuvent se déplacer indépendamment dans la matière et avec un grand degré de mobilité.

    L'autre caractéristique qui intéresse les scientifiques, c'est que, contrairement aux électronsélectrons qui sont facilement rétrodiffusés lorsqu'ils rencontrent un obstacle, les fermions de Weyl ne se dispersent jamais. Ils n'interagissent qu'avec d'autres fermions de Weyl et, en attendant, suivent imperturbablement leur trajet. De quoi transporter des charges à grande vitessevitesse, sur de longues distances et sans dégager de chaleurchaleur afin de potentiellement accroître considérablement l'efficacité des systèmes électroniques.