Des chercheurs du groupe d'électronique moléculaire du Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (CEMES-CNRS, Toulouse) et du Département de physique et d'astronomie de l'Université de Aarhus (Danemark), décrivent, dans le numéro du 12 avril 2002 de la revue Science, une molécule spécialement conçue en forme de nano-gabarit qui permet l'auto-assemblage de fils atomiques sur une surface de cuivre. Ces résultats ouvrent une nouvelle voie pour l'interconnexion électrique des composants moléculaires et dans le futur, des circuits mono-moléculaires.

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    La molécule conçue et synthétisée au CEMES-CNRS par André Gourdon, PingPing Jiang et Christian Joachim a la forme d'une table à 4 pieds : son plateau est un fil moléculaire maintenu à une distance de 0.36 nm de la surface du cuivre par ces 4 pieds moléculaires. Après avoir déposé cette molécule à la surface d'un cristal de cuivre, Federico Rosei, Michael Schunack et Flemming Besenbacher de l'Université de Aarhus ont observé son comportement avec un microscope à effet tunnelmicroscope à effet tunnel. Ce microscope permet non seulement de fournir des images de la surface et de la molécule à l'échelle atomique mais également de déplacer ces molécules une par une, à volonté. En combinant microscopie et manipulation, les chercheurs ont pu observer que chaque molécule agit comme un nano-gabarit. Limitée latéralement par les 4 pieds, la cavité moléculaire nanoscopique qui se forme entre le plateau de la molécule et la surface capte des atomes de cuivre de la surface qui se retrouvent ainsi piégés sous le plateau. Le fil atomique se forme au cours du déplacement de la molécule sur la surface, la molécule laissant les atomes de cuivre derrière elle. Le travail théorique du groupe du CEMES-CNRS à Toulouse a également permis une description précise du processus de formation de ces fils atomiques et donc une meilleure compréhension des petites différences (de l'ordre de 0.01 nm) dans la géométrie du gabarit moléculaire nécessaire à l'assemblage d'un fil atomique.

    Ces travaux franco-danois ont été réalisés dans le cadre du projet européen « Bottom Up NanomachinesNanomachines » (BUN) dont un des objectifs est la mise au point de nouvelles méthodes de nanofabrication moléculaire pour la réalisation de composants et de circuits en électronique moléculaire. Il s'agit de fournir une alternative technologique viable à l'approche traditionnelle « top-down » de l'industrie des semi-conducteurs qui utilise des techniques de lithographielithographie pour la fabrication de composants électroniques de plus en plus miniaturisés. Une voie explorée dans BUN est l'approche « Bottom-up » basée sur la réalisation d'unités fonctionnelles à partir de blocs atomiques ou moléculaires préfabriquéspréfabriqués présentant par exemple les propriétés de fils ou de commutateurscommutateurs électriques. Les molécules sont considérées comme la limite ultime pour la miniaturisation des composants électroniques et des ordinateursordinateurs avec des tailles de l'ordre du nanomètre. Même si cette approche peut apparaître comme visionnaire, il est important de se rappeler qu'il y a seulement 20 ans, les standards de la microélectronique d'aujourd'hui étaient considérés comme irréalistes.