Les physiciens savent faire léviter en laboratoire des objets depuis des décennies. Ils utilisent pour cela des champs électriques ou magnétiques, mais aussi des ondes sonores. La lévitation acoustique a des applications intéressantes, notamment pour l'obtention de nouveaux matériaux pour l'électronique ou pour la synthèse de médicaments. Des chercheurs japonais ont créé un nouveau dispositif de lévitation acoustique qui donne des résultats visuels impressionnants.

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    La performance que vient d'accomplir un groupe de chercheurs de l'université de Tokyo n'est pas vraiment nouvelle, mais elle frappe par l'élégance et la beauté du contrôle qu'elle permet sur des objets en lévitation acoustique. Sur l'une des vidéos qu'ils ont mises sur YouTubeYouTube, on peut voir un impressionnant ballet de billes de polystyrène flottant comme par magie. Les physiciensphysiciens y rappellent que la lévitation acoustique au moyen d'ondes sonores stationnaires générées par des haut-parleurs remonte au moins à 1975 avec des travaux états-uniens. C'est un peu comme si l'on piégeait des objets dans une région à la surface de l'eau avec des vaguesvagues convenablement produites.

    Cette technique a progressé au cours des années, et on est devenu capable non seulement de suspendre de petits objets dans une région de l'espace à une hauteur modulable, mais aussi de les déplacer selon trois dimensions. La solution trouvée par les chercheurs japonais permet toutefois visiblement un meilleur contrôle que dans les expériences réalisées par les chercheurs états-uniens. En outre, ils utilisent des convertisseurs du type des triplets de Langevin pour générer des ultrasons au moyen de cristaux piézoélectriques, ce qui est nettement moins gênant pour l'oreille que dans le cas de certaines expériences menées pour la Nasa dans les années 1980.


    Grâce à leurs émetteurs d'ultrasons focalisés, les chercheurs piègent dans des ondes stationnaires des objets de différentes tailles et compositions. On commence par voir des billes de polystyrène. © Yoichi Ochiai (université de Tokyo), Takayuki Hoshi (Nagoya Institute of Technology), Jun Rekimoto (université de Tokyo, Sony CSL)

    La lévitation acoustique est certes élégante, mais elle fait a priori moins rêver que la lévitation magnétique. Elle semble avoir bien moins d'applications, alors que la découverte de supraconducteurssupraconducteurs à température ambiante pourrait permettre de répandre largement la technologie des Maglev ou de réaliser les rêves de l'exposition Supradesign. Et pourtant, la Nasa a investi dans des recherches sur la lévitation acoustique dès les années 1970. Elle fait encore l'objet de recherches récentes au laboratoire national d'Argonne, célèbre pour son rôle dans le projet Manhattan.

    Lévitation acoustique et microgravité

    Voilà quelques décennies, on fondait beaucoup d'espoir sur la production de nouveaux matériaux, notamment des semi-conducteurssemi-conducteurs, en apesanteur à bord de stations spatiales permanentes. L'obtention de certaines substances avec des applications pharmaceutiques était aussi envisagée. La lévitation acoustique offrait déjà un moyen d'explorer au sol certaines techniques de fabrication et de simuler des effets de la microgravité. Surtout, elle permettait de manipuler des objets flottant dans l'espace à volonté et de réaliser des expériences sans contact avec des parois.


    Une chambre de lévitation acoustique construite en 1987 pour une expérience de microgravité pour la Nasa. Des plaques de plexiglas forment une cavité résonnante cubique avec trois haut-parleurs connectés au cube par des guides d'onde acoustique en aluminium. En envoyant des ondes sonores (600 Hz) et en ajustant la relation d'amplitude et de phase entre les trois haut-parleurs, on pouvait contrôler la lévitation et le mouvement dans toutes les directions. Cette expérience a été utilisée pour étudier sur Terre les effets des conditions de microgravité qui existaient dans la navette spatiale en orbite. © drdeak, YouTube

    Il faut savoir, par exemple, qu'il est plus facile d'obtenir la forme amorpheamorphe de certaines substances médicamenteuses en laissant s'évaporer une solution en lévitation acoustique. En contact avec les parois d'un récipient, c'est plutôt la forme cristallineforme cristalline que l'on obtient. Or, celle-ci est moins facilement assimilable par un patient, et donc le traitement est moins efficace et nécessite des doses plus élevées de produit : ce qui peut être un inconvénient à plus d'un titre.

    Utiliser la lévitation acoustique pour la microrobotique et les mousses

    Ce qui vient probablement à l'esprit des chercheurs japonais, c'est la possibilité de manipuler de petits composants électroniques ou microrobotiquesmicrorobotiques sans les toucher avec des sortes de pinces ultrasoniques. On peut aussi manipuler des gouttelettes de métauxmétaux ou d'autres substances fondues, des plastiquesplastiques par exemple, pour les déposer de façon sélective sur ces composants.

    Une autre application moins connue concerne les mousses, dont l'industrie fait usage par exemple sous forme de détergent pour nettoyer des machines ou lutter contre des marées noiresmarées noires. Malheureusement, la gravitégravité fait obstacle à la compréhension de la physique des mousses. La lévitation acoustique permet d'étudier cette physiquephysique dans des conditions d'impesanteurimpesanteur. On le voit, les travaux des physiciens japonais n'ont aucune raison d'être considérés comme de simples jeux avec les ultrasons pour réaliser des expériences amusantes.