Étonnamment, pour mieux observer la Terre et s'assurer que les données numériques des satellites Pléiades Neo montrent ce qu’il y a vraiment au sol, c'est-à-dire que les couleurs vues sur les images traduisent des paramètres physiques du terrain observé, l'observation de la Lune est nécessaire ! Les explications de Gil Denis, ingénieur chez Airbus Defence and Space, blogueur sur le spatial et l'observation de la Terre.


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    Il y a quelques mois, entre le 19 et le 29 juin, le satellite Pléiades Neo 3 a acquis toute une série de clichés de la Lune. Récemment mis sur orbite par un lanceur Vega, le 29 avril 2021, ce satellite est en phase de recette. C'est-à-dire qu'avant sa mise en service, prévue en fin d'année, les équipes au sol s'assurent que le satellite et sa charge utile fonctionnent nominalement. Comme nous l'explique Gil Denis, ingénieur chez Airbus Defence and Space, blogueur sur le spatial et l'observation de la Terreobservation de la Terre, « l'observation de la Lune fait partie de ce processus qui s'étale sur plusieurs mois ». Techniquement, il s'agit de « la calibration radiométrique absolue, effectuée par le Cnes ». Explications.

    Cette série d'observations de la Lune peut surprendre de la part d'un satellite conçu pour observer la Terre mais, elle est nécessaire. Il y a en effet un « réel intérêt technique à observer la Lune ». Étonnamment, ces « images sont nécessaires pour vérifier le bon fonctionnement de l'instrument d'observation ».

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    Pour comprendre cet aspect peu connu de la recette des satellites Pléiades, il faut savoir qu'Airbus Defence and Space qui commercialise les données du satellite a besoin de vérifier « que ce que le satellite voit à distance, c'est-à-dire la réflectance, une caractéristique intrinsèque du sol observé, correspond bien à la réalité du terrain ». Dit autrement et de façon plus simple, ce qui intéresse les clients, c'est que les données numériquesnumériques « montrent ce qu'il y a vraiment au sol, que les couleurs vues dans les images traduisent des paramètres physiques du terrain observé ». Une calibration est nécessaire.

    Une image de la Lune acquise par le satellite Pléiades Neo 3 le 23 juin 2021. C’est presque la Pleine Lune et elle est presque au périgée. © Pléiades Neo, Airbus DS 2021
    Une image de la Lune acquise par le satellite Pléiades Neo 3 le 23 juin 2021. C’est presque la Pleine Lune et elle est presque au périgée. © Pléiades Neo, Airbus DS 2021

    Observer la Lune pour mieux observer la Terre

    Et pour le faire depuis l'orbite, il est nécessaire d'étalonner le satellite notamment à partir de la Lune. Idéalement, on pourrait penser qu'il est préférable d'observer des régions terrestres mais « très peu de régions, les zones polaires par exemple, se prêtent à ces observations notamment parce que l'on ne connaît pas précisément les modèles de luminositéluminosité et la nature des sols, et l'atmosphèreatmosphère terrestre perturbe les mesures ». À contrario, la Lune est parfaite pour cet étalonnage car « elle n'a pas d'atmosphère et les informations nécessaires sont connues avec précision ».

    Pour réaliser cet étalonnage à partir de la Lune, il « s'agit d'estimer un coefficient de calibration radiométrique absolu », ce que l'on peut faire en utilisant un « modèle détaillé de la réflectance lunaire en fonction des positions relatives du SoleilSoleil, de la Lune et du satellite ». Cette opération se fait au moment de la Pleine Lune quand la face est éclairée de face, au plus  proche de la Terre. Ce type d'étalonnage est réalisé à intervalles réguliers, tout au long de la duréedurée de vie du satellite, « parce que les caractéristiques des instruments évoluent au cours du temps et qu'il faut en tenir compte pour s'assurer en permanence que ce que montrent les données numériques restitue parfaitement ce qu'il y a sur le terrain ».

    Pour réaliser ces acquisitions, un guidage spécial dit « inertiel » a été mis en place : « à l'échelle de temps de la prise de vue de quelques secondes, la Lune ne "défile pas" sous le satellite, mais reste dans une direction fixe ».

    Si les observations sont techniques, les images réalisées sont tout de même très photogéniques, voire bluffantes en raison du piqué des images qui « illustre la performance du satellite ». L'instrument qui produit des images à 30 cm de résolutionrésolution à la surface de la Terre ne nous offre évidemment pas la même résolution. À cette « distance, près de 360.000 kilomètres de la Terre, la résolution sur le sol lunaire n'est pas de 30 cm : chaque pixelpixel couvre un carré d'environ 175 mètres de côté ». On ne peut donc pas voir les engins des missions Apollo, mais le relief et l'ombre des cratères, ainsi que le terminateurterminateur lunaire, observés par Pléiades Neo 3 pourraient laisser penser que le satellite se trouve bien plus proche de la Lune qu'il ne l'est réellement.