Il a rejoint le corps des astronautes de l’ESA quelques années après la sélection de Thomas Pesquet. Depuis, l’Allemand Matthias Maurer a fait une mission de six mois dans l’ISS, après celle de Thomas.


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    Sa mission Cosmic Kiss est désormais terminée. L'astronaute allemand Matthias Maurer de l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (ESA) revient de la phase d'après-vol. Récapitulatif de deux entretiens exclusifs avec Futura à l'occasion du Salon international de l'astronautique (IAC) à Paris en septembre 2022, et de l'annonce de la nouvelle promotion d'astronautes de l'ESA en novembre.

    Futura : Comment s’est passée votre mission Cosmic Kiss dans l’ISS ? Que restait-il à faire une fois revenu sur Terre ? 

    Matthias Maurer : Je suis revenu en mai (2022) et je suis super ravi de la mission parce que c'était vraiment un succès. Il y a eu la phase « post-flight » de six mois, dont les six premières semaines après le vol sont plutôt consacrées aux tests médicaux. Après un peu de vacances, j'ai beaucoup voyagé dans tous les pays en Europe pour présenter les succès de la mission au public.

    Matthias Maurer dans le module européen Colombus de l'ISS montre l'expérience <em>Touch me if you can</em>. © ESA, Nasa
    Matthias Maurer dans le module européen Colombus de l'ISS montre l'expérience Touch me if you can. © ESA, Nasa

    Futura : Quelles sont les expériences scientifiques qui vous ont le plus marqué au cours de votre mission ? 

    Matthias Maurer : Il y avait des expériences qui avaient plus d'impact. Par exemple, j'avais l'expérience « Touch Me If You Can » (Touche-moi si tu peux, clin d'œilœil au film). On a testé des matériaux antimicrobiens. Ils bloquent la transmission des germesgermes, c'est super important dans ce contexte de pandémiepandémie. Comme autre expérience, j'ai produit du bétonbéton dans l'espace. On étudie cela car la production du béton dans le monde dégage encore plus de CO2 dans l'atmosphèreatmosphère que toute l'industrie de l'aviation.

    Futura : Quel est le poids de la camaraderie entre astronautes ? 

    Matthias Maurer : Dans l'espace, on est des êtres humains et donc on travaille avec les autres. Pour nous, la nationalité des collègues n'est pas du tout importante. On est des copains, des frères et des sœurs. Il faut avoir 100 % confiance entre nous sinon on ne peut pas travailler efficacement dans l'espace et résoudre n'importe quel problème.

    La promotion 2009 de l'ESA « les Shenanigans ». De gauche à droite : Alexander Gerst, Tim Peake, Thomas Pesquet, Luca Parmitano, Matthias Maurer, Samantha Cristoforetti, et le D.G. de l'ESA au milieu, à l'occasion de l'annonce de la nouvelle promotion 2022. Seul Andreas Mogensen est manquant, il s'entraîne à Houston pour sa future mission. © Daniel Chrétien, Futura
    La promotion 2009 de l'ESA « les Shenanigans ». De gauche à droite : Alexander Gerst, Tim Peake, Thomas Pesquet, Luca Parmitano, Matthias Maurer, Samantha Cristoforetti, et le D.G. de l'ESA au milieu, à l'occasion de l'annonce de la nouvelle promotion 2022. Seul Andreas Mogensen est manquant, il s'entraîne à Houston pour sa future mission. © Daniel Chrétien, Futura

    Futura : Quel est votre travail maintenant que la phase « post-flight » est terminée ? 

    Matthias Maurer : Je suis responsable du projet Luna de l’ESA. C'est un centre d'entraînement d'astronautes et d'essais de nouvelles technologies sur terrain lunaire. C'est un nouveau bâtiment que l'on va construire à côté du centre des astronautes (EAC) à Cologne, en Allemagne. Nous préparerons les voyages vers la Lune. 

    Futura : Aller sur la Lune, la grande envie ? 

    Matthias Maurer : C'est le grand rêve de tous les astronautes. Le premier rêve, c'est de voler dans l'espace. Le second, c'est de sortir de la Station spatialeStation spatiale. J'ai pu faire ces deux-là. Le troisième rêve, c'est de voler vers la Lune et de marcher sur la Lune. 

    Vue d'artiste de la future salle d'entraînement aux missions lunaires de l'ESA. Matthias Maurer est désormais responsable du projet Luna. © ESA, DLR, F. Rometsch
    Vue d'artiste de la future salle d'entraînement aux missions lunaires de l'ESA. Matthias Maurer est désormais responsable du projet Luna. © ESA, DLR, F. Rometsch

    Futura : Plus de 22 000 candidatures pour la sélection astronaute 2022 de l’ESA. Est-ce que ça vous met en joie que l'astronautique soit aussi populaire aujourd'hui en Europe ? 

    Matthias Maurer : Oui c'est clair : les jeunes s'intéressent à l'espace. C'est un sujet vraiment important pour l'avenir et pour notre société. Pendant ma sélection, on avait seulement 8 500 candidats. S'il y en avait eu 22 000, peut-être qu'on ne m'aurait pas choisi. 

    Futura : Comment s'était passée votre sélection ?  

    Matthias Maurer : Ma sélection, c'était en 2009. Je faisais partie d'un groupe de 10 finalistes. On avait passé tous les examens avec beaucoup de succès, donc je croyais déjà que j'allais devenir astronaute. Puis, le directeur général de l'ESA est venu, et a dit que, malheureusement, il n'avait que six billets, et que les quatre autres, dont je faisais partie, n'allaient jamais devenir astronaute. Pour moi, c'était vraiment un moment super dur car j'y croyais. Le directeur général nous a proposé à tous les quatre de travailler pour l'ESA, dans une autre fonction. Les trois autres n'ont pas voulu, j'ai dit oui. Quatre ans après, l'ESA prolonge sa contribution au programme ISS, soit plus de vols à venir. Alors le directeur général est venu me voir, il m'a dit « Matthias, tu te rappelles encore tout ton rêve ? Est-ce que tu as encore envie ? » Et moi, je dis « Ah, mais bien sûr ! » Comme quoi, il faut avoir un rêve mais il faut aussi avoir de la persévérance. Si ça ne fonctionne pas aujourd'hui, peut-être que ça va fonctionnera demain. 

    Futura : Quel sera votre rôle dans l’intégration des nouveaux ?

    Matthias Maurer : Nous les anciens, on va les aider, leur donner des conseils, comme des mentors. C'est mon collègue Alexander Gerst qui va être responsable de ce nouveau groupe pendant les deux à trois prochaines années. Peut-être qu'il y aura une rotation dans notre équipe. De toute façon, nous, les astronautes, on est une petite famille !

    De gauche à droite : Alexander Gerst, Thomas Pesquet, Luca Parmitano, Matthias Maurer. Gerst sera responsable du nouveau groupe d'astronautes de l'ESA, mais les autres feront eux aussi les mentors. © Daniel Chrétien, Futura
    De gauche à droite : Alexander Gerst, Thomas Pesquet, Luca Parmitano, Matthias Maurer. Gerst sera responsable du nouveau groupe d'astronautes de l'ESA, mais les autres feront eux aussi les mentors. © Daniel Chrétien, Futura

    Futura : Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui voudraient devenir astronaute ? 

    Matthias Maurer : On ne sait pas quand aura lieu la prochaine sélection. Le spatial est vraiment dynamique, avec le secteur commercial, et on va voir beaucoup plus d'opportunités de voler dans l'espace. Peut-être que la prochaine sélection viendra plus tôt ? L'important, c'est qu'il faut avoir ce rêve, et aussi de la persévérance parce que ça ne va pas être facile. Il faut être bon dans ce qu'on fait, à l'école, dans les études, et il faut vraiment avoir envie de faire tout ce qu'on fait. Et le plus important, c'est de bien travailler en équipe. Un astronaute qui travaille seul ne devient pas un bon astronaute. 

    Futura : Parmi les missions que les nouveaux pourront faire, il y aura la Lune 

    Matthias Maurer : D'abord, ils vont voler vers la Station spatiale internationale, puis ils auront la chance de voler vers la Lune. Et comme ils sont encore assez jeunes, peut-être qu'ils vont même voler vers Mars

    La Lune pour Matthias Maurer ? Daniel Chrétien, Futura
    La Lune pour Matthias Maurer ? Daniel Chrétien, Futura