Les sursauts gamma se répartissent pour la plupart en deux grandes classes, les uns causés par des hypernovae, les autres par des collisions d'étoiles à neutrons. Selon des simulations numériques de Matthieu Brassart et Jean-Pierre Luminet, de l'Observatoire de Paris-Meudon, certains sursauts s'expliqueraient par l'effet des forces de marée des trous noirs galactiques lorsqu'une étoile passant près de leur horizon est aplatie deux fois avant d'être déchiquetée par une explosion thermonucléaire.
C'est une année qui commence en fanfare pour Jean-Pierre Luminet, l'astrophysicien et cosmologiste bien connu des lecteurs de Futura-Sciences. Après avoir publié sa dernière biographie romancée des fondateurs de l'astronomie moderne, La perruque de Newton, dans laquelle il montre que le symbole de la science positiviste, Isaac Newton, était aussi « le dernier des magiciens », selon les mots de l'économiste britannique John Keynes , il propose aujourd'hui, avec son collègue Matthieu Brassart, une nouvelle explication pour rendre compte des sursauts gamma.
Pour la comprendre il faut remonter aux travaux d'Edouard Roche, le mathématicien et astronome français à l'origine de la fameuse limite de Roche. Elle exprime le fait qu'il existe une distance limite d'approche d'un petit corps céleste au voisinage d'un corps plus grand.
En deçà, les forces de marée du corps principal sont si importantes qu'elles disloquent le petit corps, incapable de maintenir sa cohésion sous sa propre gravité. Originellement limitée aux planètes, la notion de limite de Roche a été étendue à la stabilité des amas globulaires et des petites galaxies approchant des grandes et on parle alors de rayon de marée. Cette même notion de rayon de marée est utilisée aussi lorsqu'une étoile approche d'un trou noir.
En mars 1982, Jean-Pierre Luminet et Brandon Carter avec déjà publié dans le journal Nature un article dans lequel ils avaient montré qu'une étoile pénétrant dans la zone définie par le rayon de marée d'un trou noir galactique devait d'abord être aplatie comme une crêpe par les forces de marée. Dans un second temps, expliquaient-ils, des réactions thermonucléaires doivent se produire au sein de l'étoile, conduisant à des détonations capables de la disloquer.
Ce travail a depuis été repris une première fois par Jean-Pierre Luminet pour faire l'objet de simulations numériques en collaboration avec son collègue Matthieu Brassart.
Il vient maintenant d'être étendu au cas où l'étoile passe si près de l'horizon d'un trou noir galactique qu'elle se retrouve sur une trajectoire parabolique la conduisant à subir deux compressions successives lors de son périple autour du trou noir.
Les calculs d'hydrodynamique de l'intérieur de l'étoile en régime relativiste montrent que des ondes de chocs se produisent et chauffent la surface à trois reprises avant l'explosion thermonucléaire de l'astre. La surface de l'astre atteint alors des températures de l'ordre du milliard de degrés, ce qui doit générer d'importantes émissions dans le domaine des rayons gamma.
Remarquablement, on connaît quelques courbes de lumière associées à des sursauts gamma qui présentent justement des pics de luminosité successifs que l'on expliquait mal jusqu'ici. Si l'on se fie à la densité d'étoiles au voisinage des trous noirs galactiques, comme celui occupant le centre de notre Voie lactée, on peut s'attendre à des sursauts gamma de ce type tous les mille à cent mille ans.