L'âge de la Lune est un paramètre important pour comprendre son histoire conjointe avec la Terre. Une étude moderne des échantillons d'Apollo 17 laisse penser qu'elle est plus vieille qu'on le croyait.


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    Une nouvelle publication dans Geochemical Perspectives Letters montre que l'héritage des missions ApolloApollo est bien vivant, même plus de 50 ans après l'arrivée mémorable de représentants de la noosphère à la surface de la Lune. Les cosmochimistes et planétologues de cette noosphère ont dès lors disposé de centaines de roches et d'échantillons du sol lunaire rapportés par les astronautes d'Apollo 11Apollo 11 à Apollo 17. Elles sont toujours depuis des sources d'inspiration pour ces chercheurs, qui profitent des outils modernes d'analyse de la composition isotopique des minérauxminéraux constituant ces roches.

    Déjà, au début des années 1970, les échantillons lunaires étudiés par les fameux « Quatre cavaliers » du programme Apollo, des géochimistes de formation - à savoir Gerald Wasserburg aux côtés de Bob Walker, Jim Arnold et Paul Werner Gast - avaient déjà commencé à se montrer bavards. Gerald Wasserburg et ses collègues avaient mené des travaux qui allaient conduire à avancer le modèle généralement accepté aujourd'hui de l'origine de la Lune, à savoir la collision entre une planète de la taille de Mars baptisée Théia et la jeune Terre. 

    Cette collision devait avoir eu lieu pas plus de quelques centaines de millions d'années après le début de la formation du Système solaire dont l'étude des météorites indique qu'il doit dater de 4,56 milliards d'années, à quelques millions d'années près.

    L'étude des roches lunaires nous indique que peu après le début de sa naissance, la Lune devait être recouverte d'un immense océan global de magmamagma qui, en se refroidissant, s'est cristallisé selon divers processus que l'on sait reproduire sur Terre en étudiant les processus magmatiques conduisant aux roches ignées terrestres.


    Vous êtes-vous déjà demandé comment se formaient les régions sombres et lumineuses de la Lune ? Dans cette courte vidéo, vous apprendrez comment ils ont émergé d’une ancienne Lune, entourée d’un océan de magma. La vidéo a été produite par le professeur Tim Swindle, du Laboratoire lunaire et planétaire de l'université d'Arizona, et qui fait partie du Centre LPI-JSC pour la science et l'exploration lunaires. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Lunar and Planetary Laboratory, University of Arizona

    La mémoire des zircons

    Or justement, parmi les échantillons rapportés par Apollo 17 en 1972, un groupe de chercheurs a trouvé des cristaux produits lors du refroidissement de l'océan magmatique. Il s'agit de zircons et sur Terre on les connaît bien. Il s'agit de minéraux formant un groupe des silicatessilicates, plus précisément des nésosilicatesnésosilicates, dont la formule chimique est ZrSiO4. Il apparaît comme l'un des produits précoces de la cristallisation primaire des roches magmatiquesroches magmatiques et il est particulièrement stable, ce qui fait que non seulement il traverse de grandes périodes de temps sans être altéré mais surtout, il conserve intacte la quantité d'isotopesisotopes qu'il contenait lors de sa formation, avec bien sûr les produits de désintégration radioactive. On peut donc dater fidèlement et précisément des zircons. Sur notre Planète bleue, cela fournit d’ailleurs des renseignements sur la tectonique des plaques anciennes et d’autres processus pouvant dater de l’Archéen, voire de l’Hadéen.

    En l'occurrence, les zircons trouvés et étudiés avec une méthode analytique, utilisant ce que l'on appelle une sonde atomique tomographique, repoussent l'âge de la Lune de 40 millions d'années, à au moins 4,46 milliards d'années. Ils se sont nécessairement formés lors de la cristallisation de l'océan de magma lunaire.

     Jennika Greer en plein travail. « <em>En tomographie par sonde atomique, nous commençons par aiguiser un morceau de l'échantillon lunaire en une pointe très pointue, à l'aide d'un microscope à faisceau ionique focalisé, presque comme un taille-crayon très sophistiqué. Ensuite, nous utilisons des lasers UV pour évaporer les atomes de la surface de cette pointe. Les atomes voyagent à travers un spectromètre de masse et la vitesse à laquelle ils se déplacent nous indique leur poids, ce qui nous indique de quoi ils sont faits</em> », explique la chercheuse. © Dieter Isheim, Université de Northwestern
    Jennika Greer en plein travail. « En tomographie par sonde atomique, nous commençons par aiguiser un morceau de l'échantillon lunaire en une pointe très pointue, à l'aide d'un microscope à faisceau ionique focalisé, presque comme un taille-crayon très sophistiqué. Ensuite, nous utilisons des lasers UV pour évaporer les atomes de la surface de cette pointe. Les atomes voyagent à travers un spectromètre de masse et la vitesse à laquelle ils se déplacent nous indique leur poids, ce qui nous indique de quoi ils sont faits », explique la chercheuse. © Dieter Isheim, Université de Northwestern

    Une datation radiométrique uranium-plomb

    « Ces cristaux sont les plus anciens solidessolides connus qui se sont formés après l'impact géant. Et parce que nous connaissons l'âge de ces cristaux, ils servent de point d'ancrage à la chronologie lunaire », explique dans un communiqué Philipp Heck, conservateur du Field Museum Robert A. Pritzker pour les météoritiques, un professeur à l'université de Chicago et auteur principal de l'étude publiée avec Jennika Greer, alors qu'elle était doctorante au Field Museum et à l'université de Chicago.

    La datation que les chercheurs ont effectuée est typique de celle que l'on utilise avec des isotopes d'uraniumuranium et de plombplomb, les premiers se désintégrant en les seconds par radioactivitéradioactivité. Lors de leur cristallisation, les cristaux de zircons vont piéger de façon stable et sans contaminationcontamination extérieure au cours de plusieurs milliards d'années un mélange de différents isotopes. Ceux d'uranium vont alors se comporter comme le sablesable d'un sablier en devant des noyaux de plomb. Plus le temps aura passé, plus on aura des noyaux de plomb. C'est un exemple classique, parmi d'autres, de datation radiométrique.

    C'est la proportion d'isotopes du plomb trouvée par les chercheurs qui indique que l'échantillon étudié avait environ 4,46 milliards d'années et que par conséquent, la Lune doit être au moins aussi vieille.

    Un grain de zircon lunaire au microscope. © Jennika Greer 
    Un grain de zircon lunaire au microscope. © Jennika Greer