Les tentatives de suicide seraient favorisées par des taux élevés d'acide quinolinique, une molécule produite en cas d’inflammation du cerveau. Des médicaments bloquant son effet seraient déjà en phase de tests cliniques. Prendra-t-on un jour des cachets pour éviter de se faire du mal ?

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    Aux États-Unis, on considère qu'il y a environ 37.000 suicides chaque année. En France, la mortalité tourne autour de 10.000. Le plus souvent mais pas systématiquement, les auteurs de l'acte sont en dépression. Si seulement un médicament pouvait rapidement ôter leurs idées noires... © Dnf-style, StockFreeImages.com

    Aux États-Unis, on considère qu'il y a environ 37.000 suicides chaque année. En France, la mortalité tourne autour de 10.000. Le plus souvent mais pas systématiquement, les auteurs de l'acte sont en dépression. Si seulement un médicament pouvait rapidement ôter leurs idées noires... © Dnf-style, StockFreeImages.com

    • Un dossier complet pour tout savoir de la dépression 
      Image du site Futura Sciences

    Depuis plusieurs décennies, certains psychologues ne jurent que par la sérotonine. Plusieurs médicaments contre la dépression permettent d'élever les taux de ce neurotransmetteur, que certains n'hésitent pas à qualifier d'hormone de l'humeur. Cependant, ces antidépresseurs ne sont pas toujours efficaces, obligeant les chercheurs à explorer d'autres voies.

    Lena Brundin et ses collègues de la Michigan State University sont de ceux-là. L'une de leurs précédentes trouvailles révélait que le cerveau des patients suicidaires présentait des taux élevés de moléculesmolécules appelées cytokines. Ces substances sont émises par le système immunitaire et induisent l'inflammation. Des résultats cohérents avec une autre étude, révélant que les souris les plus dépressives présentaient une immunitéimmunité trop active.

    De l’inflammation du cerveau jusqu’au suicide

    C'est pourquoi, dans un nouveau travail paru dans Neuropsychopharmacology, les auteurs ont focalisé leur attention sur l'un des fruits de cette inflammation : l'acideacide quinolinique (AQ). Cette molécule a la particularité de se fixer sur les récepteurs NMDA du cerveau, également sensibles au glutamateglutamate, l'un des plus importants neurotransmetteurs.

    L'acide quinolinique est une molécule plutôt simple, de formule C<sub>7</sub>H<sub>5</sub>NO<sub>4</sub>. S'il agit sur les canaux NMDA sensibles au glutamate, il serait impliqué dans d'autres troubles neurologiques, y compris dans la maladie d'Alzheimer. © Yizakruul, Wikipédia, DP © Yizakruul, Wikipédia, DP

    L'acide quinolinique est une molécule plutôt simple, de formule C7H5NO4. S'il agit sur les canaux NMDA sensibles au glutamate, il serait impliqué dans d'autres troubles neurologiques, y compris dans la maladie d'Alzheimer. © Yizakruul, Wikipédia, DP © Yizakruul, Wikipédia, DP

    Cette expérience a suivi 100 volontaires suédois. Parmi eux, 64 ont été recrutés dans un hôpital après une tentative de suicide, les 36 autres ne présentant pas de troubles de l'humeur. Le liquide céphalorachidienliquide céphalorachidien (dans lequel baignent le cerveau et la moelle épinièremoelle épinière) de ces patients a été dosé afin de déterminer la concentration en AQ.

    Le résultat semble clair : les patients suicidaires présentaient des taux d'acide plus élevés que les témoins. L'analyse va plus loin : ceux qui étaient le plus déterminés à mourir atteignaient des sommets dans les concentrations en AQ. La molécule semble donc associée au désir d'en finir. Six mois après les faits, les volontaires ont eu droit à un nouveau prélèvement du liquide céphalorachidien. Les idées noires avaient disparu, et l'acide quinolinique avec.

    Les antagonistes du glutamate au pouvoir ?

    Cette étude manque de clarté, car elle compare des patients suicidaires avec des individus en bonne santé, et non des personnes dépressives. Ainsi, l'AQ est-il un marqueur de la dépression ou du désir de suicide ? Il est impossible de conclure de manière ferme.

    Cependant, ce travail est cohérent avec de précédentes recherches démontrant l'importance de la voie du glutamate dans les troubles de l'humeur. La kétamine, inhibiteur des récepteurs NMDA, a déjà été testée comme antidépresseur, avec succès : les symptômessymptômes reculant en seulement quelques heures, même si la prise s'accompagne d'effets secondaires importants.

    Désormais, d'autres médicaments aux propriétés identiques entrent dans les phases cliniques et vise à faire reculer très rapidement l'état dépressif, en s'affranchissant des nausées violentes ou des confusions causées par la kétamine. Après l'heure de gloire de la sérotoninesérotonine, entrerons-nous dans l'ère des antagonistes du glutamate ?