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    Déjà deux loups tués dans les Alpes. Depuis l'autorisation des ministres de l'ÉcologieÉcologie et de l'AgricultureAgriculture d'abattre jusqu'à 4 loups d'ici à fin 2004, la brêche est ouverte. Ainsi, l'État fait abattre un animal qu'il protège ! À quand une gestion visant la cohabitation entre loup et bergers ?

    Les loups vivent en meute. © Holger Uwe Schmitt, <em>Wikimedia commons</em>, CC by-sa 4.0

    Les loups vivent en meute. © Holger Uwe Schmitt, Wikimedia commons, CC by-sa 4.0

    Le ministre de l'Écologie, Serge Lepeltier, a pris, le 21 juillet 2004, avec le ministre de l'Agriculture, Hervé Gaymard, un arrêté autorisant l'abattage de quatre loups dans les Hautes- Alpes, les Alpes de Haute-Provence et les Alpes-Maritimes. Étendue à l'Isère, la Savoie et la Drôme par arrêté du 17 septembre, cette décision a conduit à l'abattage d'une louve de 18 mois le matin du 21 octobre dans le Vercors, suivi, six jours plus tard, par celui d'un loup dans le massif du Taillefer. Quelques jours plus tôt, l'Assemblée nationale adoptait un amendement prévoyant des « zones d'exclusion des prédateurs » dans les territoires de montagne traditionnellement dédiés au pastoralisme et permettant, par autorisation du préfet, « l'abattage ou le prélèvement des prédateurs à la demande des communes, après délibération du conseil municipal ».

    Image du site Futura Sciences

    Le gouvernement a rendu un avis défavorable à cet amendement inclus dans le projet de loi sur les affaires rurales (qui sera bientôt en seconde lecture au Sénat).

    Deux textes internationaux fondamentaux, la Convention de BerneConvention de Berne et la Directive HabitatsDirective Habitats, définissent, respectivement pour les pays du Conseil de l'Europe et de l'Union européenne, les espècesespèces et les milieux naturels que les États membres doivent protéger sur leurs territoires. Ces textes indiquent que le prélèvement et l'élimination de certaines espèces, comme le loup, est possible, «pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ». La condition est « qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartitionaire de répartition naturelle ».

    A - Entre le marteau et l'enclume

    Le gouvernement, opposé à l'idée de territoires d'exclusion des grands prédateurs, décide de l'abattage de loups. Mais en quoi la mort de deux loups quelques jours plus tard serait-elle plus conforme à l'esprit des textes internationaux que l'amendement adopté par l'Assemblée ?

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    Plusieurs associations ont engagé des recours en justice contre ces démarches visant à contourner les textes internationaux et destinées surtout à offrir du pain bénit à quelques élus et leaders syndicalistes. Ceux-ci persuadent les éleveurs et les bergers de refuser de protéger leurs troupeaux car cela reviendrait à accepter la présence du loup. Mais devant l'offensive des opposants au loup, le manque de courage politique et les contradictions de l'État sont flagrants. L'État finance, avec l'argent des contribuables, les mesures de protection du loup, et le même État, avec le même argent, détruit désormais des loups. Cette mesure n'est pas vraiment nouvelle puisque de tels tirs étaient théoriquement possibles les années précédentes. Mais comme aucun n'avait eu lieu, cela a provoqué l'impatience et la colère des opposants au loup et contraint le gouvernement à passer à l'acte.

    B - Blocage du plan loup

    Pendant ce temps, le loup poursuit sa progression en France, malgré un braconnage mal réprimé. Une cinquantaine de loups vivent actuellement dans les Alpes, et au moins deux dans les Pyrénées orientales. L'État finance aussi les mesures de protection des troupeaux mises en place depuis quelques années : parc de regroupement nocturnenocturne des troupeaux, gardiennage, chienschiens de protection... Celles-ci réduisent la prédation sur le bétail et sont complémentaires de l'indemnisation des dégâts aux troupeaux.

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    Un «plan loup» prévoit de développer ces mesures de bon sens qui contribuent au retour naturel du loup en facilitant son acceptation. Bien qu'elles représentent une contrainte certaine par le surcroît de travail qu'elles imposent, ces mesures, correctement appliquées, sont efficaces pour réduire de façon très significative la prédation comme on le constate dans d'autres pays d'Europe et d'Amérique du Nord.

    C - Sensibiliser les éleveurs et les élus

    Avec son partenaire Ferus (ex Groupe Loup France (devenue "FERUS") et ARTUS),le WWFWWF travaille depuisplusieurs années à promouvoir la cohabitation entre grands carnivorescarnivores et élevage.

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    Ce travail de sensibilisation et de formation du monde de l'élevage aux techniques de protection des troupeaux est le fer de lance d'une action appelée à se développer dans les années à venir dans les Alpes et dans les Pyrénées, avec d'autres associations.Beaucoup de temps est consacré à informer,à faire pression sur les parlementaires et le gouvernement, et à participer à des réunions de concertation avec l'État et les professionnels de l'élevage.

    Ces actions en «coulisse» ne sont pas médiatisées, mais elles sont indispensables. C'est grâce à cet effort que le pire a, jusque-là, été évité. Car des projets législatifs avaient proposé d'octroyer des permis de tirs aux chasseurs, laissé à la discrétion des maires. Il a même été question de retirer purement et simplement de la nature loups, lynx et ours pour les enfermer dans des parcs de vision.

    Il s'agit, surtout, dans la période critique que nous traversons et qui est propre à l'exacerbation des passions, de ne pas rompre le dialogue avec les éleveurs et les bergers, et de trouver avec eux des solutions acceptables par tous.