On en sait un peu plus sur l'histoire évolutive de ce curieux groupe auquel appartiennent les varans. Des outils génétiques viennent de préciser l’origine de leurs ancêtres. Ces lézards carnivores et venimeux auraient conquis deux continents supplémentaires, l'Afrique et l'Australie, au départ de… l’Asie, mais à quelles périodes ?

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    Varanus komodoensis, le mythique dragon de Komodo. Ce spécimen mesure 3 m de long. © Bryan G. Fry

    Varanus komodoensis, le mythique dragon de Komodo. Ce spécimen mesure 3 m de long. © Bryan G. Fry

    Les varans sont une famille de lézards carnivores de l'Ancien Monde comprenant 73 espèces réparties entre l'Afrique et l'Australie. Ils forment avec les serpents, dont ils ne sont pourtant pas proches, et les iguanes, un grand groupe appelé Toxicofera en raison de leur capacité à produire du venin.

    Ces reptiles sont très bien représentés en Asie, en Indonésie et en Australie puisque 67 espèces peuplent ces contrées. Les membres indo-australiens vivant en Nouvelle-Guinée, sur les îles Salomon, sur les îles de la Sonde et en Australie (soit 27 espèces), présentent une très grande variété de tailles, de niches écologiques et de régimes alimentaires. On dénombre en effet :

    • de très petits insectivores comme Varanus brevicauda, le plus petit varan du monde (30 cm) ;
    • de petits prédateurs de reptiles comme Varanus eremius ;
    • des espèces aquatiques, dont on peut citer Varanus mertensi ;
    • de grands charognards à l'image de Varanus varius ;
    • et enfin des prédateurs géants comme Varanus giganteus et Varanus komodoensis, le dragon de Komodo, qui se nourrit de cerfs, de cochons sauvages et même exceptionnellement d'êtres humains.

    Pour bien comprendre l'histoire biogéographique de ces organismes, une équipe internationale comprenant des chercheurs français du laboratoire Systématique, adaptation, évolution (SAEUPMC) vient de séquencer 5 gènes nucléaires et mitochondriaux chez de nombreux représentants des familles de lézards anguimorphes, y compris donc chez 38 espèces de varans. Une telle approche a notamment permis une datation des différentes étapes de l'histoire évolutive du groupe. Les résultats ont été publiés dans la revue Biology Letters.

    <em>Varanus acanthurus</em>, qui peut atteindre 60 cm de long, est un membre de la radiation australienne des varans (Kununurra, Kimberley). © Freek Vonk

    Varanus acanthurus, qui peut atteindre 60 cm de long, est un membre de la radiation australienne des varans (Kununurra, Kimberley). © Freek Vonk

    Des varans proches de leurs cousins asiatiques

    En effet, si les varans sont une famille emblématique de reptiles, leur histoire biogéographique reste très controversée puisque trois hypothèses s'affrontent :

    1. Une origine asiatique suivie par des événements de dispersion vers l'Afrique et l'Australasie durant le Tertiaire.
    2. Une origine africaine puis une dispersion vers l'Asie et l'Australasie durant le Tertiaire.
    3. Une origine gondwanienne avant des événements de vicariancevicariance (spéciationspéciation) liés à la fragmentation des plaques continentales pendant le JurassiqueJurassique et le CrétacéCrétacé inférieur.

    Les résultats de l'étude permettent d'exclure, sans ambiguïté, une origine gondwanienne. Ils montrent que les lignées de lézards les plus proches des varans sont asiatiques, désignant ainsi l'origine des Varanus. Les espèces africaines se sont séparées de leurs homologues asiatiques voici 40 millions d'années, durant le PaléogènePaléogène.

    C'est donc bien à partir de l'Asie que les varans ont colonisé l'Afrique, puis, toujours à partir de ce continent, et il y a environ 30 millions d'années, l'Australie, où ils occupent maintenant les niches habituellement prises par les carnivores placentaires sur les autres continents.