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Pour survivre, de nombreux animaux se fondent littéralement dans le paysage, se camouflant aux yeuxyeux des prédateurs (cas des papillons qui ressemblent à des feuilles mortes une fois repliés). Cependant, cette relation est loin d'être unilatérale, puisque certaines espèces se rendent invisibles ou inoffensives... pour mieux capturer leurs proies (comme les fleurs carnivores). On parle alors de mimétisme agressif, et non défensif. Depuis plus d'un siècle, les scientifiques s'interrogent sur l'appartenance ou non à ce groupe de la mante Hymenopus coronatus, plus connue sous le nom de mante orchidéeorchidée.
Au cours de l'évolution, cet insecte prédateur a acquis une morphologiemorphologie pour le moins atypique. En effet, ses quatre pattes locomotrices ont l'apparence de pétales blancs et roses. Or, l'animal peut les agencer de manière à ressembler à une orchidée à tout moment, que ce soit sur une feuille ou une branche. Voici donc la question : ce comportement est-il utilisé pour se rendre invisible des prédateurs tels que les lézards et les oiseaux, pour attirer d'appétissants insectes pollinisateurs, ou pour les deux à la fois ?
Pour le déterminer, James O'Hanlon s'est rendu en janvier 2011 en Malaisie en espérant rencontrer cet insecte rare dans son milieu sauvage, bien loin de l'université Macquarie (Sydney, Australie) où il officie habituellement. Si nous parlons de lui, c'est bien évidemment qu'il y est parvenu, mais aussi qu'il a apporté des éléments de réponse. Oui, ce camouflage est bien utilisé pour chasser. D'ailleurs, selon l'article paru dans la revue American Naturalist, il attire plus d'abeilles et de papillons qu'une des fleurs imitées !
Les mantes orchidées femelles atteignent une longueur totale de 6 cm à l'âge adulte (après sept mues), ce qui signifie qu'elles sont deux fois plus grandes que les mâles. © James O'Hanlon, université Macquarie
De fausses orchidées plus attirantes que les vraies
Durant son séjour, le chercheur a notamment érigé trois piquets d'un mètre de haut. Il a ensuite placé une mante et une fleur Asystasia intrusa sur deux d'entre eux, et rien sur le troisième (dans des ordres qui ont varié au cours des réplicas). Enfin, il a regardé où les pollinisateurs se rendaient préférentiellement durant des périodes d'observation d'une heure, pour un total de 30 heures, et noté le nombre de fois qu'une proie potentielle s'est approchée à moins de 10 cm des stimuli. Conclusion : des hyménoptères ont bien été attirés par la mante, puisqu'ils s'en sont approchés sans se rendre compte du danger, parfois au péril de leur vie. Mais ce n'est pas tout. Étonnamment, les victimes ont été attirées en plus grand nombre et de plus loin par la mante orchidée. Que dire de plus, si ce n'est que la théorie proposée en premier lieu par Alfred Russel Wallace s'avère exacte ?
Pour chercher à comprendre l'attirance des insectes dupés, le chercheur a également comparé, au moyen d'un spectromètrespectromètre portable, les couleurscouleurs affichées par 14 Hymenopus coronatus à celles de 13 espèces de plantes sympatriques. Les tests ont été réalisés pour des longueurs d’onde visibles des pollinisateurs hyménoptères volants les plus à même de butiner les fleurs étudiées (principalement des abeilles et des papillons). Au final, les couleurs de la mante ne sont pas différenciables des autres. Le mimétisme est donc redoutable.
Habituellement, les insectes qui utilisent un mimétisme agressif se camouflent sur une fleur en attendant le passage d'une proie. C'est donc le végétal qui sert d'agent d'attraction. Ici, la mante orchidée a tout simplement la capacité de voyager avec son propre agent attracteur. Elle est donc libre de s'installer où bon lui semble pour chasser. Il s'agirait du premier exemple connu de ce genre. Dorénavant, c'est une autre partie du problème qui va attirer l'attention : les oiseaux et les lézards sont-ils également trompés par ce mimétisme ? Affaire à suivre.