Les structures tectoniques que l’on observe en Méditerranée témoignent de l’histoire complexe de ce bassin. Grâce à la sismologie, il est possible de retrouver les traces d’anciennes plaques entrées en subduction et plongeant désormais dans le manteau. Les scientifiques ont ainsi remarqué que celle au niveau de Gibraltar se serait littéralement retournée !


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    Résidu d’un ancien océan, la Méditerranée représente une zone complexe où se mélangent l'héritage tectonique de ce passé océanique et celui, plus récent, de l'affrontement entre plusieurs plaques. L'ouest de la Méditerranée est ainsi marqué par la convergence entre l'Afrique et l'Eurasie, qui a notamment donné naissance aux Alpes et aux Pyrénées. Moins connue, la chaîne de montagnes Bétique qui marque le sud de l'Espagne et celle du Rif au Maroc sont également les témoins de cette rencontre titanesque. À l'origine de ce relief, une zone de subductionzone de subduction considérée aujourd'hui comme inactive. Les données sismologiques mettent en effet en évidence la présence d'un slab, reste d'une plaque tectonique entrée en subduction, et plongeant désormais dans le manteaumanteau au niveau de l'arc de Gibraltar. La nature de ce slab et l'histoire de cette zone de subduction restent toutefois encore mal connues.

    Schéma d’une subduction montrant la plaque plongeante (le slab). La partie supérieure est riche en eau © USGS, modifiée par William Crochot et Eudemon, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Schéma d’une subduction montrant la plaque plongeante (le slab). La partie supérieure est riche en eau © USGS, modifiée par William Crochot et Eudemon, Wikimedia Commons, domaine public

    D’étranges séismes dans les profondeurs du manteau

    Entre autres curiosités tectoniques, cette zone est capable de produire des séismes très profonds. Depuis 1954, 5 séismes ont en effet été enregistrés sous la ville de Grenade à des profondeurs de plus de 600 km, avec des caractéristiques qui intriguent les scientifiques. Toutefois, l'analyse du séisme d'avril 2010, situé à une profondeur de 623 km, pourrait apporter certaines réponses.

    Les scientifiques ont en effet remarqué que les ondes résiduelles que l'on observe à la fin du sismogramme et que l'on appelle la coda duraient un temps inhabituellement long. En plus de cela, des ondes P additionnelles et tardives ont été enregistrées. Une signature sismique inhabituelle, donc, qui a permis aux scientifiques de construire un modèle du slab dans le manteau.

    Un slab qui se retrouve à l’envers

    Habituellement, la plaque entrée en subduction possède un niveau supérieur riche en eau, qu'elle transporte au sein du manteau. Or, la présence d'eau dans cette partie du slab ralentit le passage des ondes sismiques. La modélisationmodélisation du slab à partir des ondes enregistrées a donc permis de retrouver ce niveau à faible vitessevitesse, mais avec une petite surprise : au lieu de se situer sur la partie supérieure, ce niveau hydraté se situe ici à la base du slab ! Pour les auteurs de l'étude publiée dans la revue The Seismic Record, l'hypothèse la plus vraisemblable est que le slab s'est entièrement retourné !

    L'arc de Gibraltar, avec au nord la chaîne bétique et au sud la chaîne du Rif © Tyk, <em>Wikimedia Commons</em>, cc by-sa 3.0
    L'arc de Gibraltar, avec au nord la chaîne bétique et au sud la chaîne du Rif © Tyk, Wikimedia Commons, cc by-sa 3.0

    Des résultats qui permettent de mieux comprendre l'origine des séismes profonds, via la déshydratationdéshydratation des silicates qui se produit à ces grandes profondeurs. Les données révèlent également que, malgré leur présence dans le manteau profond, les roches du slab sont encore relativement froides, ce qui suggère que la plongée de celui-ci aurait été plutôt rapide, de l'ordre de 70 mm par an.