Si la majorité des grandes puissances ont stoppé leurs essais nucléaires depuis la fin des années 1990, ce n’est pas le cas de la Corée du Nord et dans le contexte actuel de tension croissante entre certains États, mieux vaut rester vigilant sur ce qui peut se passer en sous-sol. Car les essais nucléaires sont désormais souterrains. Avantage : ils sont détectables par les instruments sismologiques. Pourtant, il n’est pas si simple de faire la différence entre un séisme naturel et une explosion.


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    Voilà près de 80 ans qu'a explosé la première bombe atomique. Depuis, plus de 2 000 essais nucléaires ont été réalisés et même si un accord a été trouvé entre les grandes puissances nucléaires pour arrêter ces tests, tous les pays ne sont pas encore prêts à jouer le jeu.

    Un traité d’interdiction des essais nucléaires qui n’est jamais entré réellement en vigueur

    Le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Ticen) a en effet été proposé en 1996. Bien qu'il ait de fait entraîné un arrêt des explosions expérimentales de la part des principaux pays possédant l'arme nucléaire (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni), il n'est toutefois jamais officiellement entré en vigueur. Ainsi, depuis 1996, l'Inde, le Pakistan et la Corée du Nord ont continué à réaliser des essais nucléaires. Cette dernière, qui s'est d'ailleurs retirée du traité de non-prolifération nucléaire, est cependant actuellement la seule à procéder à des tests, le dernier tir ayant eu lieu en 2017.

    Essai nucléaire aux États-Unis à la fin des années 1940. © Original: United States Department of Defense, Victorrocha, Wikimedia Commons, domaine public
    Essai nucléaire aux États-Unis à la fin des années 1940. © Original: United States Department of Defense, Victorrocha, Wikimedia Commons, domaine public

    Contrairement aux essais réalisés avant les années 1960, qui avaient lieu dans l'atmosphère ou sous l'eau, ces dernières explosions ont eu lieu sous terre. Pour des raisons évidentes de protection des populations et de l’environnement, les essais en surface ont en effet été interdits dès 1963. Mais le Ticen n'étant pas encore appliqué, les essais souterrains sont, de fait, toujours autorisés. Ils présentent d'ailleurs l'avantage d'être bien plus discrets qu'une explosion en surface.

    La sismologie pour surveiller le respect du traité

    L'objectif du Ticen est toutefois de les interdire également. Dans cette optique, il a donc été prévu des dispositions permettant de s'assurer que ce traité soit respecté, notamment par l'installation d'un réseau mondial de surveillance sismologique. Car une explosion produit des ondes sismiques qui peuvent être captées par les sismomètres, de la même manière que des ondes produites par un séisme.

    Tout comme un séisme, une explosion nucléaire produit des ondes sismiques qui peuvent être enregistrées par les sismomètres. © Negro Elkha, Adobe Stock
    Tout comme un séisme, une explosion nucléaire produit des ondes sismiques qui peuvent être enregistrées par les sismomètres. © Negro Elkha, Adobe Stock

    Mais voilà la difficulté : comment différencier un signal sismique produit par une explosion nucléaire souterraine de celui d'un tremblement de terretremblement de terre d'origine naturelle ? Comme le dit Mark Hoggard, auteur d’un article dans The Conversation, « surveiller les essais nucléaires souterrains c'est un peu comme chercher une aiguille potentiellement inexistante dans une botte de foin de la taille de la planète ». Car des séismes, il y en a des milliers tous les jours, de toutes les magnitudesmagnitudes et dans toutes les régions du globe. Parmi ce bruit ambiant, auquel s'ajoute celui des activités humaines diverses et variées, comment détecter celui d'une explosion nucléaire en particulier ?

    Une nouvelle méthode pour différencier une explosion d’un séisme

    Bien sûr, la première chose est d'effectuer un tri automatique en fonction de la localisation et de la profondeur de la source sismique. Si elle est située loin d'une zone volcanique et d'une limite de plaque tectonique, deux environnements qui sont habituellement très sismogènes, et à une profondeur de moins de trois kilomètres, on peut légitimement se poser des questions et s'intéresser à l'événement de manière plus précise. Cette méthodologie n'est toutefois pas suffisante, puisqu'il existe des séismes naturels dont la source est peu profonde et qu'il est envisageable que des centres d'essais nucléaires soient justement positionnés dans des régions à forte sismicité dans un but de camouflage.

    Dans un article publié dans la revue Geophysical Journal International, Mark Hoggard et ses collègues proposent cependant une autre méthode, qui pourrait permettre de détecter une explosion nucléaire avec une assurance de 99 %. Les chercheurs ont en effet découvert qu'il existait des différences fondamentales entre une explosion et un séisme naturel. Ces différences concernent la façon dont sont déplacées les roches au niveau de la source sismique. Et cela va se voir dans le signal sismique enregistré, après traitement de la donnée. La méthode a été testée sur le catalogue des événements sismiques américain et s'est avérée plutôt précise et rapide.

    Un bon moyen de garder un œilœil sur ce qui se passe un peu partout dans le monde, dans un contexte global d'augmentation des tensions géopolitiques.