Le loup de l'Himalaya, qui vit sur les hauts plateaux, à plus de 4.000 mètres d'altitude, possède des caractéristiques génétiques uniques adaptées à un environnement pauvre en oxygène. Sa divergence importante avec le loup gris commun plaide pour la création d'une nouvelle espèce, estiment de nombreux scientifiques. Mais tout le monde n'est pas d'accord.
Il existe trois espèces de loup officiellement recensées : le loup gris (Canis lupus), le loup rouge (Canis rufus) et le loup d'Abyssinie ou loup éthiopien (Canis simensis). Le plus répandu est de loin le loup gris, présent dans tout l'hémisphère Nord depuis la péninsule arabique jusque dans l'Arctique. Une diversité géographique qui a donné lieu à une grande variabilité morphologique. Le système d'information taxinomique intégré recense ainsi 38 sous-espèces de loup gris. Parmi elles, figure le loup de l'Himalaya (Canis lupus chanco ou Canis himalayensis). Or, ce dernier devrait être considéré comme une espèce à part entière, estime une nouvelle étude publiée dans la revue Journal of Biogeography le 19 février 2020, en se basant sur des analyses génétiques.
Le saviez-vous ?
Le loup de l’Himalaya vit sur les hauts plateaux, entre 3.900 et 5.600 mètres d’altitude. Sa population actuelle est estimée à 350 individus, vivant sur un territoire de 70.000 km2 réparti entre le Cachemire, le Népal et le Tibet. Quelques spécimens ont également été aperçus en Mongolie.
Plus petit que son cousin asiatique ou indien, le loup de l'Himalaya a un museau plus long et des pattes plus puissantes. Il est doté d'une épaisse fourrure laineuse gris pâle pour lutter contre le froid, et son hurlement est plus grave que celui du loup gris commun. Mais ce sont surtout les caractéristiques génétiques qui plaident en la faveur d'une nouvelle espèce. L'équipe de Geraldine Werhahn, du Centre de protection de la vie sauvage à l'université d'Oxford, a analysé 280 échantillons de crottes de loups prélevés au Tibet, au Kirgisistan et au Tadjikistan. Le séquençage ADN a permis d'identifier 86 loups d'Himalaya, sur la base de leur génome.
Des gènes spécialisés pour stimuler l’apport d’oxygène par le sang
Au total, le loup de l'Himalaya présente une « distance génétique » de 2,45 avec le loup gris holarctique, l'ancêtre commun des loups et des coyotes, contre 0,22 pour le loup indien ou 0,20 pour le loup ibérique. L'analyse montre en particulier des gènes spécialisés renforçant le cœur et stimulant l'apport d'oxygène par le sang, une évolution dictée par l'adaptation à la vie en altitude. « Sur la base de multiples marqueurs génétiques, nous pouvons affirmer que le loup de l'Himalaya forme une lignée phylogénétique unique et mérite une reconnaissance taxonomique », affirment les auteurs. Cette distinction est importante car elle permet à l'UICN de donner un statut de protection à une espèce, et donc d'aider à sa préservation.
Le plus vieil ancêtre commun de tous les canidés
Geraldine Werhahn n'en est pas à son coup d'essai pour tenter de faire reconnaître le loup de l'Himalaya. La scientifique est l'auteure de trois précédentes études depuis 2016 montrant des divergences génétiques et morphologiques significatives entre le loup gris et le loup de l'Himalaya. Plusieurs autres chercheurs estiment eux aussi qu'il s'agit bien d'une lignée différente.
Mais la question est un sujet controversé, du fait du haut degré d'hybridation entre les espèces et les sous-espèces (y compris avec d'autres canidés comme le chien domestique), de la forte dispersion géographique, ainsi que du déclin massif de la population, notamment à la fin de l'âge glaciaire, il y a environ 11.000 ans. Du coup, il est assez difficile de remonter à l'origine de toutes les lignées.
Une étude de 2004 estime que loup de l'Himalaya aurait divergé des autres lignées de loup il y a 800.000 ans. C'est justement à cette époque que le plateau du Qinghai-Tibet s'est soulevé, ce qui aurait créé de nouvelles conditions pour le loup, l'obligeant à s'adapter génétiquement à l'altitude. Si le loup de l'Himalaya devait être reconnu comme nouvelle espèce, cela pourrait néanmoins ouvrir une véritable boîte de Pandore. L'an dernier, des chercheurs norvégiens ont ainsi suggéré que le loup doré (Canis lupaster) pourrait être considéré comme une espèce à part.
- Le loup de l’Himalaya présente des caractéristiques génétiques uniques adaptées à sa vie en altitude.
- Il formerait ainsi une lignée complètement à part du loup gris commun, que l’on retrouve sur tout le reste de l’hémisphère Nord.
- La distinction entre une sous-espèce et une véritable espèce est cependant très difficile à établir.
Le loup gris commun, maître d'Europe et d'Asie Le loup gris commun (Canis lupus lupus) est une sous-espèce de loup gris (Canis lupus). Aussi appelé loup eurasien, c'est le loup le plus commun en Europe et en Asie. Il imprègne, en bien ou en mal, les cultures indo-européennes : associé au dieu grec Apollon, représenté par Fenrir dans la mythologie nordique, etc.Autrefois largement répandu à travers tout le continent, depuis l'Atlantique jusqu'à la Chine, il a aujourd'hui quasiment disparu d'Europe de l'Ouest, suite à des persécutions débutées durant le Moyen Âge. II survit principalement en Asie Centrale. Bien qu'il ait été exterminé dans certains pays d'Europe, sa population est stable et l'UICN le considère dans un état de préoccupation mineure.© Cloudtail fotolia
Le loup de Sibérie, un rôdeur dans la toundra Le loup de Sibérie (Canis lupus albus) est une sous-espèce de loup gris (Canis lupus) vivant dans la toundra et les forêts d'Eurasie. On l'appelle à juste titre en anglais « loup de toundra ». Son aire de répartition couvre toute la Sibérie, s'étire entre la Scandinavie et la péninsule de Kamtchatka située à l'extrémité orientale de la Russie. Il se nourrit principalement de renne. Son équivalent sur le continent nord-Américain est le loup arctique (Canis lupus arctos).Historiquement réputé pour sa fourrure plus riche que celle de ses congénères originaires de régions plus clémentes, le loup de Sibérie n'est toutefois pas en danger. L'UICN considère que son état est peu préoccupant.© Bert de Tilly CC by-sa 4.0 + freyer CC0
Le loup d'Arabie, taillé pour le désert Le loup d'Arabie ou loup arabe (Canis lupus arabs) est une sous-espèce de loup gris (Canis lupus) originaire de la péninsule arabique. Ce loup est de petit gabarit et possède un petit crâne. Il est considéré comme le plus petit loup connu.Ce loup-là est proche du loup gris commun (Canis lupus lupus), sauf qu'il est taillé pour la vie dans le désert. Il se serait hybridé avec d'autres canidés – chiens domestiques, chacals, autres loups gris – ce qui risque de compromettre sa survie car ces espèces ne sont pas aussi bien adaptées que lui à son environnement.© Ahmad Qarmish12 CC by-sa 4.0 + skeeze CCO
Le loup des steppes ou loup de la mer Caspienne Le loup des steppes (Canis lupus campestris) est une sous-espèce de loup gris (Canis lupus) résidant dans les steppes et les déserts de Russie, du Caucase et d'Asie centrale. Aussi appelé loup de la mer Caspienne, il est relativement plus petit que son congénère le loup gris commun (Canis lupus lupus), ou loup eurasiatique, et sa fourrure est plus drue, plus clairsemée et plus courte.On considère qu'il ne forme qu'une seule et même sous-espèce avec le loup du Caucase (Canis lupus cubanensis) et le loup du désert (Canis lupus desertorum).© Tatiana Morozova, fotolia
Le loup mongol, un animal totem Le loup mongol (Canis lupus chanco) est une sous-espèce de loup gris (Canis lupus). Il vit en Mongolie, dans le nord et le centre de la Chine, et en Corée. On le rencontre également dans la région de l'Oussouri en Russie, qu'il aurait conquis depuis la Chine, fuyant les humains et profitant de la disparition de l'autre grand prédateur de la région, le tigre.En Mongolie, le loup imprègne les légendes et est considéré comme un animal totem. Pour loup, les Mongols disent « chono ». Une sous-espèce distincte du loup mongol a été proposée puis rejetée pour les individus vivant en Corée (Canis lupus coreanus), dont le museau est plus fin.© Albinfo CC by-sa 3.0
Le dingo, un superprédateur d'Australie Le dingo (Canis lupus dingo ou Canis dingo), aussi appelé warrigal, est un chien sauvage originaire d'Australie. Sa classification est encore disputée : sous-espèce du loup gris (Canis lupus), espèce de canidés distincte (Canis dingo) ou encore espèce férale issue de chiens domestiques retournés à l'état sauvage (Canis familiaris dingo). Le nom dingo vient de la langue Eora ou Dharuq parlée autrefois par un peuple aborigène du même nom, vivant dans la région de Sydney.Le dingo est le plus grand prédateur terrestre d'Australie, où il occupe le sommet de la chaîne alimentaire. Aujourd'hui menacé par l'hybridation avec les chiens domestiques, il est considéré comme une espèce vulnérable par l'UICN.© Newretreads CC by-sa 4.0
Deux loups du Canada pour le prix d'un On appelle loup du Canada à la fois le loup de l'Est (Canis lycaon) et le loup de l'Alberta, ou « loup du Nord-Ouest » pour les anglophones (Canis lupus occidentalis). Le premier est considéré soit comme une sous-espèce du loup gris commun (Canis lupus lycaon), soit comme une espèce à part entière (Canis lycaon). Il vit dans l'est du Canada, dans la région des Grands Lacs et dans le parc provincial d'Algonquin (Ontario).Le second, aussi appelé loup du Canada et de l'Alaska, est une sous-espèce du loup gris commun. Il vit en Alaska, dans l'ouest du Canada et dans le nord-ouest des États-Unis. Il descend de plusieurs vagues de migration de loups gris eurasiens arrivés en Amérique du Nord par le détroit de Béring autrefois émergé (Béringie).© Dennis Matheson CC by-sa 2.0
Le loup du Livre de la jungle en Inde Le loup des Indes (Canis lupus pallipes) est une sous-espèce de loup gris vivant en Inde. On le retrouve aussi à travers le Moyen-Orient et l'Asie centrale, entre le Pakistan et la Turquie, et en Israël. Il a été proposé que le loup indien en particulier appartienne à une espèce (Canus indica) distincte du loup gris (Canis lupus).Persécuté parce qu'il s'attaque aux troupeaux, le loup des Indes a vu sa population diminuer considérablement. En Inde, il a la fâcheuse tendance d'attaquer les humains et est accusé de kidnapper les enfants, ce que reflète le Livre de la jungle, dans lequel Mowgli est recueilli par une meute de loups.© Punithsureshgowda CC by-sa 3.0 + Paramjeet, Free-Photos CCO
Le loup rouge, un vestige rare du Nouveau Monde Le loup rouge ou loup roux (Canis lupus rufus ou Canis rufus) est un des loups les plus rares et un des canidés les plus menacés au monde. L'UICN le considère comme une espèce en danger critique d'extinction. Il vit dans le sud-est des États-Unis. Sa classification est encore débattue : sous-espèce de loup gris (Canis lupus rufus), espèce distincte (Canis rufus) ou encore espèce hybride entre le loup gris et le coyote.Le loup rouge doit son nom aux teintes de sa fourrure. Il tenait une place importante dans la culture des Cherokees, qui l'appelaient « wa'ya ». © Matthew Zalewski CC by-sa 4.0
El lobo, le loup vénéré puis détesté au Mexique Le loup du Mexique ou loup gris mexicain (Canis lupus baileyi), aussi appelé « lobo » en espagnol, est une sous-espèce de loup gris que l'on trouve au nord du Mexique, en Arizona, au Texas et au Nouveau-Mexique. C'est le plus petit loup d'Amérique du Nord et aussi le plus menacé. Persécuté durant le XXe siècle, il a bien failli disparaître. En 2017, on comptait 143 loups en liberté et 240 en captivité.Le lobo était considéré comme un symbole de la guerre et du Soleil dans les civilisations du Mexique précolombiennes.© Clark, Jim, jarmoluk CCO