Très loin sous nos pieds, le manteau terrestre, bien que solide, bouge. Ce mouvement de convection est cependant si lent qu’il nous est totalement imperceptible et étudier ses mécanismes est un véritable défi. Une nouvelle étude vient d’ailleurs de montrer que le manteau ne se déformerait pas du tout comme on le pensait jusqu’à présent.


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    Il y a des processus qui nous sont totalement imperceptibles et qui, pourtant, régissent le monde qui nous entoure. C'est le cas de la convectionconvection mantellique. Car si la surface terrestre est animée d'un mouvementmouvement perpétuel que l'on appelle « tectonique des plaques », cette dynamique est intimement liée au fluagefluage du manteau, loin sous nos pieds.

    Ce fluage de matériel à très haute pressionpression et très haute température, que l'on appelle la convection mantellique, est d'ailleurs le véritable moteur du mouvement des plaques. Il se produit cependant à une échelle de temps bien supérieure à la nôtre : en d'autres termes, si nous pouvions observer l'évolution du manteau au cours d'une vie humaine, nous ne noterions quasiment aucun changement. L'évolution est certes infime, de l'ordre du centimètre par an, mais elle est continue et se poursuit ainsi de façon infaillible depuis 4,5 milliards d'années.

    La Terre profonde : un monde encore si mal compris

    Comprendre la façon dont « bouge » cette gigantesque massemasse de matériel mantellique au cours des millions d'années n'est donc pas chose aisée, puisque nous ne disposons, grâce aux méthodes d’imagerie géophysique, que d'une photographiephotographie instantanée de l'architecture du manteau terrestre. Autre problème : il nous est impossible de l'échantillonner directement, d'où la difficulté de connaître exactement sa composition, notamment celle des régions les plus profondes.

    La convection mantellique : un processus extrêmement lent qui représente le moteur de la tectonique des plaques. © Surachit, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0
    La convection mantellique : un processus extrêmement lent qui représente le moteur de la tectonique des plaques. © Surachit, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Difficile également de reproduire en laboratoire les conditions de pression et température régnant dans le manteau inférieur à plus de 2 000 km de profondeur : 135 gigapascals et quelque 3 000 °C ! Il en résulte d'importantes incertitudes sur le fonctionnement réel de la convection mantellique et sur les processus minéralogiques associés.

    Il faut se rappeler que le manteau n'est pas un liquideliquide. Les roches le composant sont solidessolides. Pourtant, elles sont capables de se déformer, très lentement. Il s'agit d'un fluage plastiqueplastique, c'est-à-dire que les roches se déforment de façon ductile, sans se fracturer. Cette déformation a lieu au niveau atomique, au sein du réseau cristallin. AtomeAtome après atome, la déformation se propage ainsi dans des roches soumises à une pression énorme. Ce qui actionne ce mouvement, ce sont les importantes différences de température qui règnent entre la partie supérieure et la base du manteau. La convection mantellique est ainsi le mécanisme permettant le transport de la chaleurchaleur de l'intérieur de la Terre vers la surface.

    Voilà pour le premier ordre. Dans le détail, les choses sont bien plus complexes, et encore bien mal connues.

    Bridgmanite ou périclase : qui est la noisette ?

    Le manteau inférieur est principalement constitué d'un minéral silicaté riche en magnésiummagnésium que l'on appelle bridgmanite (MgSiO3). Il contient également 25 % de périclase, un oxyde de magnésium (MgO). Si l'on sait par des expériences en laboratoire que le périclase se déforme plus facilement que la bridgmanite, la façon dont se comportent ces deux minérauxminéraux dans les conditions du manteau inférieur et sur des échelles de temps de l'ordre du million d'années, était encore inconnue.

    La bridgmanite est le principal minéral composant le manteau terrestre inférieur. © Chi Ma
    La bridgmanite est le principal minéral composant le manteau terrestre inférieur. © Chi Ma

    Une récente étude, réalisée par des scientifiques de l'Université de Lille et publiée dans la revue Nature, aurait cependant en partie résolu cette question grâce à des modèles numériquesmodèles numériques complexes. Et là, surprise ! Il s'avère que, sur de très longues périodes, la périclase possède un comportement inverse à celui que l'on considérait jusqu'à présent. Ce minéral serait en réalité plus résistant que la bridgmanite. Et cela change beaucoup de choses.

    Pour comprendre, imaginons une pâte à tartiner contenant des morceaux de noisettesnoisettes. Jusqu'à maintenant, on pensait que le périclase était la partie pâteuse, et la bridgmanite les noisettes. Il faut, dans ce cas, imaginer une pâte composée majoritairement de noisettes. D'après les résultats, ce serait tout l'inverse : le périclase représentant les noisettes et la bridgmanite la pâte. Dans ce cas, la pâte est en quantité dominante et se déforme autour de grains plus résistants de périclase.

    Ce serait donc la phase minérale principale qui régirait la déformation du manteau profond, et non pas la phase minoritaire. Ces résultats devraient avoir de fortes implications sur notre façon de considérer et de modéliser la convection mantellique sur la Terre mais également sur d'autres planètes.