Dans un article publié en 2008, des scientifiques français, chiliens et bulgares annonçaient le séisme survenu samedi au Chili en ces termes. « Dans le pire des cas, la région présente déjà la probabilité d'un tremblement de terre d'une magnitude aussi grande que 8 ou 8,5, qui pourrait survenir dans un futur proche. » L'un des auteurs explique à Rue89 toute la difficulté de prévoir précisément un tel événement.

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    Un habitant dans sa maison à Constitucion, le 2 mars (Enrique Marcarian/Reuters)

    Un habitant dans sa maison à Constitucion, le 2 mars (Enrique Marcarian/Reuters)

    Le tremblement de terre qui a frappé le Chili ce 27 février a finalement atteint une magnitudemagnitude de 8,8, ce qui en fait le septième plus fort jamais enregistré. Avec le tsunami consécutif, plus de 800 morts sont à déplorer, et la reconstruction prendra trois à quatre ans, selon la Présidente sortante du Chili, Michelle Bachelet.

    Dans un article publié en février 2008 dans la revue Physics of the Earth and Planetary Interiors (sous le titre Interseismic strain accumulation measured by GPSGPS in the seismic gapgap between Constitución and Concepción in Chile), huit géologuesgéologues et géophysiciens de l'Institut de physiquephysique du globe de Paris (IPGP) et de l'Ecole normale supérieure (France), de l'université du Chili à Santiago et de l'académie des sciences bulgare écrivaient : « La région de Concepción et Constitución, dans le centre-sud du Chili, est très probablement une lacune sismique mûre, puisqu'aucun séisme important [...] n'y est survenu depuis 1835 ».

    Huit pages de mesures, de démonstrations et de schémas plus loin, ils en arrivaient à la conclusion citée plus haut. L'un des co-auteurs, le géophysicien français Jean-Bernard de Chabalier (IPGP), a répondu aux questions de Rue89 alors qu'il se trouvait sur les flancs de la Soufrière (il dirige aujourd'hui l'Observatoire volcanologique et sismologique de Guadeloupe).

    Rue89 : Peut-on dire que cet article avait prévu le séisme du 27 février ?

    Jean-Bernard de Chabalier : Non, car il est impossible de prévoir à l'avance la date d'un séisme. Ecrire « dans un futur proche » signifie « dans les prochaines décennies ». S'il n'y a pas eu de séisme depuis un certain temps dans un lieu où il y en a fréquemment, on parle de lacune sismique.

    Dans la région de Concepción, le dernier séisme de cette importance remontait à 1835. Cet endroit faisait donc partie des dernières lacunes sismiques du Chili. C'était aussi l'une des plus évidentes, mais on ne peut pas faire mieux que des précisions à moyen terme. Il y a des centaines d'articles scientifiques comme celui-ci.

    Rue89 : Est-ce qu'ils sont pris en compte par les autorités des pays comme le Chili ?

    Jean-Bernard de Chabalier : Oui, et surtout au Chili, qui subit généralement des séismes de très grande magnitude. Des équipes scientifiques font des recherches sur les failles, analysent les résultats, émettent des hypothèses qui sont discutées et précisées par des comités... Puis ces conclusions sont peu à peu prises en compte par les autorités.

    Rue89 : Pensez-vous que le Chili était suffisamment préparé à ce séisme ?

    Jean-Bernard de Chabalier : Pour l'aménagement du territoire, globalement, oui, puisque les Chiliens ont une culture du séisme centenaire. Mais il y a eu beaucoup de victimes. Un grand immeuble a été touché, ce qui devrait provoquer un retour d'expérience de la part des autorités.

    Le principal problème, comme dans d'autres pays, est celui de l'habitat traditionnel, constitué de vieux bâtiments non adaptés aux séismes et habités par les classes moyennes et pauvres. Mais il est difficile de ne pas garder les bâtiments historiques...

    Cela dit, le Chili est un des pays au monde les plus en pointe en matièrematière de lutte para-sismique. Un tel séisme aurait aussi fait beaucoup de victimes dans des pays plus développés comme les Etats-Unis ou le Japon. Souvenez-vous de Kobe, en 1995.

    Rue89 : Vous dites qu'il reste encore des lacunes sismiques au Chili ?

    Jean-Bernard de Chabalier : Oui, il en reste au moins deux. Toute la côte chilienne va subir des séismes de magnitude légèrement inférieure, autour de 8, dans les prochaines années.