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Pour démontrer qu'Arabidopsis thaliana (une plante souvent utilisée en laboratoire) réagissait à l'attaque de la chenille Pieris rapae, des chercheurs ont reproduit durant des sessions de deux heures les minuscules vibrations des feuilles, de 0,00254 mm d'amplitude, produites sous l'effet de la mastication de l'animal. © James K. Lindsey, Wikimedia Commons, cc by sa 2.5
Si les chenilles Pieris rapae friandes d'Arabidopsis thalianaArabidopsis thaliana, ou arabette de dames, faisaient moins de bruit en mangeant, peut-être pourraient-elles engloutir davantage de cellulose... Ce n'est pas le cas et cela semble profiter au végétal. En effet, une étude parue dans la revue Oecologia montre que cette brassicacée apparentée à la moutarde et au chou réagit aux vibrationsvibrations acoustiques produites par les gourmandes qui la consomment. « Notre travail est le premier exemple prouvant que les plantes sont sensibles à une vibration écologiquement pertinente », souligne l'auteur principal, Heidi Appel, de l'université du Missouri-ColumbiaColumbia, aux États-Unis.
Pour arriver à un tel résultat, les chercheurs ont minutieusement enregistré les vibrations acoustiques générées par le mouvementmouvement d'une feuille quand elle se fait grignoter par une goulue prédatrice. Puis, ils ont diffusé ces sons à des groupes de plantes, hormis un faisant office de témoin. Ils ont ensuite mesuré les réactions chimiquesréactions chimiques de chacun des groupes.
Le fait que les plantes réagissent aux bruits de leur prédateur pourrait être utilisé en agriculture pour améliorer naturellement la résistance des plantes aux insectes. Cela pourrait conduire à revoir certains usages et à éloigner des cultures agricoles de polluantes sources sonores, comme celle constituée par le trafic automobile. © Spedona, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
Une nouvelle science : la neurobiologie des plantes
Dans la nature, « quand les niveaux des glucosinalates et des anthocyanes sont plus élevés, les insectes s'en vont ou ne mangent pas la feuille », expliquent les scientifiques. Lors de leur expérience, les plantes exposées aux enregistrements de vibrations de mastication de chenille présentaient un taux de glucosinalate significativement plus élevé que dans les autres groupes, une preuve de la mise en route de leur réaction de défense sans qu'il y ait eu contact avec les chenilles. « Ce qui est remarquable, c'est que les plantes exposées à des vibrations différentes, y compris celles faites par un vent doux ou d'autres insectes, ayant [pourtant] des caractéristiques acoustiques communes avec les vibrations des chenilles, n'ont pas augmenté leurs défenses chimiques », commente Rex Cocroft, co-auteur de la recherche.
En d'autre termes, Arabidopsis thaliana pourrait différencier, parmi les nombreuses sources de vibration de son environnement, celles qui correspondent précisément à un comportement de prédation et agir en conséquence pour se défendre, concluent les scientifiques.
Des travaux à venir étudieront par quel moyen les végétaux distinguent ce type d'oscillation et comment ces stimuli interagissent avec d'autres éléments pour générer des mécanismes chimiques de défense. Les auteurs espèrent aussi démontrer que l'ensemble du monde végétal, comme le monde animal, est doté de telles capacités comportementales, mais au travers d'un système dénué de cerveaucerveau et de neuronesneurones ; ce que la communauté scientifique dénomme neurobiologie des plantes, un champs disciplinaire en développement.