Les abysses attisent depuis longtemps la convoitise de l'industrie minière en raison de la richesse des gisements de minéraux qu'ils recèlent dans leur plancher océanique. C'est notamment le cas de la vaste zone de Clarion-Clipperton située entre Hawaï et le Mexique. D'après un récent inventaire des scientifiques, quelque 90 % des espèces peuplant ces profondeurs ne sont pas encore décrites. Ils en appellent à une réglementation plus restrictive afin d'éviter la destruction de cet écosystème unique qui constituerait alors un « grave préjudice ».
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L'immense abysse entre Hawaï et le Mexique abrite des milliers d'espèces encore méconnues mais plus nombreuses et sophistiquées que prévu, selon de nouvelles études qui alertent sur leur fragilité face aux projets d'extraction minière des grands fonds marins.
Les compagnies minières s'intéressent en particulier à l'immense plaine abyssale de la zone de Clarion-Clipperton (CCZ), pour sa richesse en « nodules », ces concrétions disséminées sur le plancherplancher océanique et qui contiennent des minérauxminéraux cruciaux pour les batteries et autres technologies de la transition énergétique.
Ces profondeurs sans lumièrelumière, à plus de 3 000 mètres, étaient autrefois considérées comme un véritable désert sous-marinsous-marin, mais l'intérêt croissant pour l'exploitation minière a poussé les scientifiques à en explorer la biodiversitébiodiversité, en grande partie ces dix dernières années grâce aux expéditions financées par les entreprises privées. Et plus les scientifiques cherchent, plus ils découvrent : un concombre de mer géant surnommé « l'écureuilécureuil gélatineux », une crevette aux longues pattes velues, de nombreux petits vers, crustacéscrustacés et mollusquesmollusques, etc.
Un moratoire pour l'extraction minière sous-marine
Ces découvertes nourrissent les inquiétudes face aux projets industriels. Vendredi, l'Autorité internationale des fonds marins (AIFM) a adopté une feuille de route visant à l'adoption en 2025 des règles encadrant l'extraction minière sous-marine, au grand dam des ONG qui réclament un moratoiremoratoire.
Les plaines abyssales couvrent plus de la moitié de la Planète, mais restent encore largement inexplorées par l'humanité. Elles constituent la « dernière frontière », selon le biologiste Erik Simon-Lledo, qui a mené une recherche publiée lundi dans la revue Nature Ecology and Evolution. Cette étude a cartographié la répartition des animaux dans la CCZ et révélé un ensemble de communautés plus complexes qu'imaginé. « À chaque plongée, nous faisons une découverte », raconte Erik Simon-Lledo, du Centre océanographique national de Grande-Bretagne.
La faune unique des grands fonds marins
Pour les défenseurs de l'environnement, cette biodiversité est le véritable trésor des grands fonds, menacé par l'énorme panache de sédimentssédiments millénaires que l'exploitation minière ne manquera pas de soulever. Les nodules eux-mêmes constituent un habitat unique pour des créatures hors du commun.
La faunefaune unique de la CCZ s'explique par son âge et son immensité exceptionnelle. La région est « incroyablement vaste », souligne Adrian Glover, du Muséum d'histoire naturelle de Grande-Bretagne, coauteur de l'étude d'Erik Simon-Lledo et aussi du premier inventaire d'espèces de la région publié en mai dans Current Biology. Selon cet inventaire, plus de 90 % des quelque 5 000 espèces recensées sont nouvelles. Leur diversité est désormais considérée comme légèrement supérieure à celle de l'océan Indien, affirme M. Glover. Et il faut explorer très loin pour trouver deux fois la même créature.
“Selon cet inventaire, plus de 90 % des quelque 5 000 espèces recensées sont nouvelles”
Grâce à des véhicules sous-marins autonomes récents, les scientifiques ont constaté que les coraux et les ophiures, animaux proches des étoilesétoiles de mer, sont communs dans les régions de l'est de la CCZ, mais pratiquement absents dans celles plus profondes, où l'on trouve davantage de concombres de merconcombres de mer, d'éponges et d'anémones à corps mou. Toute réglementation future de l'exploitation minière devrait tenir compte de cette répartition « plus complexe que nous ne le pensions », selon Erik Simon-Lledo.
Un centimètre de sédiments par millier d'années
Les nodules, eux, se sont probablement formés sur des millions d'années : des fragments solidessolides -- dent de requin, os d'oreille de poissonpoisson -- se sont déposés sur les fonds, puis se sont agrandis à un rythme infiniment lent par l'accumulation de minéraux présents à des concentrations extrêmement faibles, explique Adrian Glover.
La zone est également « pauvre en nourriture », ce qui signifie que peu d'organismes morts dérivent vers les profondeurs pour se fondre dans la boue du plancher océanique. Selon Adrian Glover, certaines parties de la CCZ n'ajoutent qu'un centimètre de sédiments par millier d'années.
Contrairement à la mer du Nordmer du Nord, dont la formation s'est achevée il y a 20 000 ans lors de la dernière période glaciairepériode glaciaire, la CCZ remonte à « des dizaines de millions d'années ». Il est peu probable que l'environnement touché par l'exploitation minière se rétablisse à une échelle de temps humaine.
« Cet écosystèmeécosystème serait condamné pour des siècles, voire des milliers d'années, a averti Michael Norton, membre du Conseil consultatif scientifique des académies européennes (EASAC). Il est difficile de prétendre que cela ne constitue pas un préjudice grave ».