Inscrite dans les roches du Grand Canyon du Colorado, la Grande discordance est le témoin d’un événement majeur dans l’histoire de la Terre. Sa fin serait d’ailleurs marquée par un impressionnant épisode d’inondation. Une nouvelle étude fait la lumière sur les causes possibles de cet événement durant lequel l’Amérique du Nord et aussi d’autres continents se seraient retrouvés en grande partie sous les eaux.


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    En géologie, l'étude de la succession des différentes unités de roche qui se sont superposées au fil du temps permet d'avoir de précieuses informations sur les conditions environnementales du passé. L'analyse des successions de profils sédimentaires permet ainsi de reconstruire les variations du niveau des océans par exemple, mais également les conditions d'oxygénation du milieu aquatique ou même de température. Il arrive cependant que la succession des strates ne soit pas continue : au lieu d'avoir une évolution graduelle des âges, on se retrouve avec deux unités certes en contact, mais dont les âges imposent un hiatus de temps, comme s'il manquait une ou plusieurs unités entre les deux. Ces types de structures sont appelés « discontinuités » en géologie. Elles représentent une rupture de l'enregistrement sédimentaire et marquent la survenue d'événements particuliers et parfois majeurs qui ponctuent l'histoire de la Terre. Comprendre l'origine des discordances est donc particulièrement important pour appréhender l'évolution d'un lieu, voire d'un continent.

    Plus d’un milliard d’années de l’histoire géologique de la Terre littéralement « effacé »

    Parmi les discordances les plus emblématiques, il y a celle que l'on observe dans le Grand Canyon du Colorado et que l'on appelle à juste titre « la Grande discordance ». Des roches sédimentaires du début du CambrienCambrien (environ 525 millions d'années) reposent ainsi sur des unités beaucoup plus vieilles. Ce hiatus temporel peut atteindre par endroits jusqu'à plus de 1,2 milliard d'années ! L'événement à l'origine de cet « effacement » d'un pan entier de l'histoire géologique de la Terre est donc majeur, d'autant plus que cette discontinuité est observée en de nombreux sites du continent américain.

    La Grande discordance vue dans le Grand Canyon. On note la différence d'angle entre les strates obliques de l'unité d'âge paléoprotérozoïque à la base et les strates horizontales de l'unité d'âge cambrien au-dessus. Un milliard d'années sépare la formation de ces deux unités. © Chris M Morris, Wikimedia Commons, CC by 2.0
    La Grande discordance vue dans le Grand Canyon. On note la différence d'angle entre les strates obliques de l'unité d'âge paléoprotérozoïque à la base et les strates horizontales de l'unité d'âge cambrien au-dessus. Un milliard d'années sépare la formation de ces deux unités. © Chris M Morris, Wikimedia Commons, CC by 2.0

    Origine de la Grande discordance

    Même si l'origine de cette Grande discordance est encore sujette à débat, il faut se souvenir que la fin du ProtérozoïqueProtérozoïque (vers 700 millions d'années) a été marquée par un refroidissement rapide et intense du climatclimat terrestre (épisode de la Terre boule de neige). Cet englacement massif des continents aurait ainsi abaissé le niveau global des océans, entraînant une érosion accrue des surfaces continentales par la formation et le mouvementmouvement des glaciersglaciers. Une étude récente suggère que plusieurs kilomètres de roches correspondant parfois à plus d'un milliard d'années de dépôt sédimentaire auraient ainsi été abrasés durant cette période.

    Représentation de la Terre boule de neige. © Nasa
    Représentation de la Terre boule de neige. © Nasa

    L’Amérique du Nord sous les eaux

    Les multiples études qui se sont penchées sur la Grande discordance montrent que si cet événement n'a pas forcément débuté de manière synchronesynchrone dans les différents États américains où il est enregistré, il se termine cependant toujours par un événement majeur d'inondationinondation. Même au milieu du continent américain, la fin de la Grande discordance est ainsi marquée par le dépôt de sédimentssédiments marins. Pour certains chercheurs, la cause de cet épisode unique d'inondation dans l'histoire géologique du continent nord-américain serait liée à une hausse globale du niveau des océans, en lien avec la tectonique des plaquestectonique des plaques. L'étude, publiée dans la revue PNAS, explique qu'à ce moment-là, la production de croûte océaniquecroûte océanique est importante. Or, une croûte jeune est chaude, et le fond de l'océan est donc relativement « haut » par rapport à la croûte continentalecroûte continentale. De plus, les chercheurs montrent qu'il y a 510 millions d'années, moment où se termine la Grande discordance, de nombreuses zones de subductionzones de subduction entourent le supercontinent nouvellement formé appelé Gondwana. En plongeant dans le manteaumanteau, la croûte océanique a ainsi tendance à « aspirer » la croûte continentale sous laquelle elle s'enfonce. Or, l'effet combiné du soulèvement du fond océanique et de l'enfoncement de la massemasse continentale du GondwanaGondwana aurait eu comme conséquence de faire monter encore plus le niveau global des océans. Le Gondwana ainsi que les terres d'Amérique du Nord qui font alors partie d'un autre supercontinentsupercontinent, la Laurasie, se retrouvent alors largement sous les eaux ! Une situation qui aurait pu durer quelques millions d'années.

    Un nouveau scénario qui trouve une résonancerésonance dans l'histoire évolutive de la vie terrestre, qui connaît un tournant majeur à ce même moment. L'existence de nombreuses mers peu profondes aurait en effet pu représenter des conditions favorables pour le développement d'organismes plus complexes.