La rumeur frétille depuis le début du mois de juillet : Microsoft aurait envisagé le rachat de l'éditeur de spyware Claria (ex Gator). L'éditeur aurait même modifié son anti-spyware pour offrir à Claria un traitement de faveur qui, finalement, se révèle ne pas en être un. Et à la fin, il y a bien un éditeur de spyware racheté par un géant de la communication, mais ce n'est pas ceux que l'on croyait. Vous n'avez pas tout saisi ? Retour sur le feuilleton de l'été.

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    Microsoft fournisseur de spyware ?

    Microsoft fournisseur de spyware ?

    Tout est parti du New York Times : le 30 juin dernier le quotidien révélait que MicrosoftMicrosoft envisageait l'achat de l'éditeur de spyware Claria pour 500 millions de dollars. L'information, bien sûr, a immédiatement fait hurler la communauté : Claria est de ces éditeurs qui utilisent toutes sortes de mensonges et d'arnaques pour pousser les internautes naïfs à cliquer sur un lien piégé. C'est par exemple Claria qui affiche ces fausse boîtes de dialogue Windows prétendant que votre "horloge est peut-être déréglée" (l'horloge, bien sûr, n'a rien : le message ne vise qu'à vous faire cliquer sur la bannière qui installera un parasiteparasite publicitaire sur votre ordinateur). Les programmes ainsi installés affichent alors des publicités supplémentaires et observent au passage toute votre navigation afin que Claria puisse vendre ces informations au plus offrant.

    Non, vous ne rêvez pas : il s'agit vraiment d'un business.

    A ce stade de l'affaire l'incompréhension est totale et, à vrai dire, personne n'y croit vraiment. C'est d'ailleurs pourquoi nous n'avons rien publié à ce sujet. Car que viendrait faire Microsoft dans cette galère : l'éditeur est désormais lui-même fournisseur d'anti-spyware (et d'un bon en plus !) et il tente depuis trois ans de se racheter une conduite en matièrematière de sécurité avec son programme d'informatique "de confiance" (le fameux Trustworthy Computing). L'idée que cet effort qui commence tout juste à porter ses fruits puisse être ruiné par le rachat d'une société à la réputation aussi nauséabonde que Claria semblait alors tout bonnement impossible. Après tout, dans le terme "informatique de confiance", on retient surtout le mot "confiance". Et Claria, justement, base son business model sur la tromperie. Ca ne collait pas.

    Pourtant quelques jours à peine après la publication de l'article du New York Times, une seconde information vient ébranler les certitudes : Microsoft aurait diminué le "danger" attribué aux programmes espions de Claria lorsqu'ils sont détectés par son propre anti-spyware. En termes simples, Claria est devenu du jour au lendemain tolérable aux yeuxyeux de l'anti-spyware de Microsoft alors qu'il était considéré jusqu'à présent comme une nuisancenuisance malfaisante. Concrètement, là où le programme de Microsoft conseillait de supprimer Claria, il suggère désormais de l'ignorer. Et donc de le laisser infecter le PC (bien qu'il soit toujours possible de le retirer si l'utilisateur le souhaite). Ce comportement est d'autant plus incompréhensible que la totalité des produits concurrents considèrent toujours les programmes de Claria comme des parasites à exterminer d'office.

    Commence alors pour Microsoft une période agitée. Selon des sources internes citées par la presse anglo-saxonne, le débat fait ragerage au sein de l'entreprise. Steve Balmer pousse énergiquement en faveur de ce rachat tandis qu'un front d'opposition se forme. Ses membres craignent que l'association avec Claria ne plombe de manière magistrale la réputation de Microsoft, déjà bien difficile à faire reluire. L'éditeur est en effet sous le feufeu quasi-permanent de la critique, et cela pour à peu près tout et n'importe quoi (et pas toujours de manière très justifiée, soyons honnête).

    Pourtant, les partisans du Oui ont aussi des arguments : Claria pourrait être l'arme tant attendue dans le face-à-face avec GoogleGoogle. Car ce n'est un secret pour personne que Microsoft a désormais le moteur de recherche dans son collimateur. Et aujourd'hui, le maître mot de ce nouveau combat est "personnalisation". Tout le monde lorgne avec envie sur le marché des services personnalisés aux internautes avec, à la clé, la manne de la publicité personnalisée. Et avec ses outils capables de surveiller le comportement de l'internaute et ses 120 teraoctets d'habitudes de surf engrangées au fil des années, Claria est incontestablement en position d'intéresser Microsoft dans ce domaine.

    Ce serait d'ailleurs elle qui l'aurait approché pour lui proposer un nouveau service baptisé BehaviorLink, a priori destiné à observer le comportement des internautes et leur "pousser" des publicités adaptées. Largement de quoi intéresser un MSNMSN, par exemple...

    Tandis que dans les bureaux de Microsoft on négocie - ou peut-être pas - le rachat de Claria, dehors en tout cas, la rumeur enfle. A tel point que l'éditeur est contraint de publier une lettre officielle expliquant les raisons du changement de traitement des outils de Claria. Pas un mot au sujet du rachat mais le document laisse bien sûr sous-entendre que cela n'a rien à voir. Selon Microsoft, tous les éditeurs de logiciels peuvent demander à ce que leur cas soit réétudié s'ils estiment que leur produit est injustement accusé d'être un spyware. C'est ce qu'aurait fait Claria bien avant que toute cette affaire ne commence, au même titre d'ailleurs que beaucoup d'autres éditeurs pourtant bien vicieux. Et Microsoft aurait accédé à ces demandes en fonction, dit-il, de critères objectifs. C'est une digression, mais connaissant les méthodes perfides et mensongères de Claria et de la poignée d'autres spywares que le produit de Microsoft considère désormais comme "tolérables", on peut franchement douter de la pertinence de ces critères.

    Arrive aujourd'hui. Le soufflet semble être retombé : selon une source proche des négociations (la même, toujours citée dans la presse anglo-saxonne), les discussions seraient à l'arrêt. Certains commentateurs estiment même que la rumeur provient de Microsoft itself, tenté de "tâter le terrain" afin de voir comment l'idée d'un tel rachat pouvait être perçue. Si c'est le cas, l'éditeur n'aura pas été déçu. Mais comment aurait-il pu l'être : Claria, 180Solutions et les autres sont les sociétés les plus haïes du paysage informatique, dont le fond de commerce est le mensonge et l'abus de confiance. Difficile de souhaiter associer son nom à de telles pratiques.

    Il reste bien sûr la possibilité que tout ceci ne soit qu'un gros canularcanular. Après tout, cette histoire est tellement incroyable que c'est presque l'hypothèse la plus censée. Un site de rumeurs affirme en outre avoir entendu parler de l'affaire bien avant sa publication par le New York Times et aurait été en mesure de joindre un membre du conseil d'administration de Claria. Cette dernière aurait assuré qu'aucune négociation de rachat n'était en cours avec qui que ce soit. Mais bien sûr, ça ne serait pas la première fois qu'un dirigeant chez un éditeur de logiciel mentirait...

    Fin de l'histoire ? Pour ce qui est de Microsoft et Claria, certainement. Mais un tel feuilleton ne pouvait s'achever sans un dernier rebondissement : tandis que l'attention était braquée sur ce rachat potentiel, un autre géant de la communication, News Corp, s'offrait en douce l'éditeur de spywares Intermix pour 580 millions de dollars, soit à peu près le prix annoncé pour Claria.

    Il y avait finalement bien un feuilleton de l'été. Seul le casting était à revoir.