Il faut des dizaines de milliers de neurones artificiels et une puissance de calcul colossale pour apprendre à reconnaître une photo de chat. Des chercheurs ont pourtant réussi à faire effectuer un créneau grâce à un réseau composé d’à peine 12 neurones, en s’inspirant du système nerveux d’un petit ver d’un millimètre de long.


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    Et dire que les constructeurs automobilesautomobiles ont mis en œuvre une débauche de technologie et des dizaines d'années pour parvenir à des voitures qui se garent toutes seules. Et encore, dans la plupart des cas, il s'agit d'une simple assistance : il faut toujours s'occuper soi-même de l'embrayage, de l'accélérateur et du frein. Eh bien, figurez-vous qu'un simple ver d'un millimètre de long est capable, lui, d'effectuer un créneau avec moins de 12 neuronesneurones !

    Des chercheurs de l'université de Vienne (Autriche), en collaboration avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont fabriqué un réseau de neurones ultra-simple inspiré du ver C. elegans, le seul organisme vivant dont le système nerveux a été entièrement modélisé en 2019. Ce petit ver possède ainsi entre 302 et 385 neurones reliés entre eux par environ 8.000 synapsessynapses. Dans une étude publiée sur le site de pré-publication ArXiv, Ramin Hasani et ses collègues ont reproduit une version électronique de ce système nerveux comprenant seulement 12 neurones, et ils sont parvenus à lui apprendre à réaliser des tâches simples, comme manœuvrer une petite voiture robotisée selon un parcours prédéfini.

    Doté de 12 neurones seulement, cette intelligence artificielle arrive à diriger une petite voiture dans un emplacement donné. © mlech26l, YouTube

    Un réseau neuronal évolutif dont les liaisons varient au cours du temps

    L'intérêt de ces travaux n'est évidemment pas d'apprendre à un ver la conduite d'une voiture (encore que ?). Il est surtout de rapprocher le fonctionnement des réseaux de neurones artificiels de celui du cerveau biologique. « Dans notre nouvelle architecture, le lien entre un neurone A et un neurone B de la couche inférieure n'est pas constant, mais il varie dans le temps selon une fonction non linéaire », explique Ramin Hasani. Cette architecture rend possible le traitement des informations qui arrivent de façon progressive, par exemple lorsqu'une personne prononce un discours en direct ou bien lorsque nous devons adapter notre comportement à un environnement en mouvementmouvement. Ce genre de tâche nécessite des réseaux de neurones dits « récurrents » (RNN), dans lesquels l'information peut se propager dans les deux sens et qui permettent donc de se « souvenir » d'anciennes informations. Mais la « mémoire » de ces RNN est relativement limitée (ils « oublient » les informations trop lointaines) et ils sont incapables d'anticiper une information future.

    Les chercheurs ont constitué un réseau de 12 neurones constitué de 4 couches : des neurones « sensoriels » (en rouge) qui récoltent l’information, des interneurones supérieurs (en vert) qui traitent les données, des interneurones de commande (en bleu) qui donnent les instructions, et les neurones «moteurs» (en jaune) qui déclenchent l’action. © Université de Vienne
    Les chercheurs ont constitué un réseau de 12 neurones constitué de 4 couches : des neurones « sensoriels » (en rouge) qui récoltent l’information, des interneurones supérieurs (en vert) qui traitent les données, des interneurones de commande (en bleu) qui donnent les instructions, et les neurones «moteurs» (en jaune) qui déclenchent l’action. © Université de Vienne

    Un réseau ultra simple, bien loin des « boîtes noires » des algorithmes d’apprentissage habituels

    Les chercheurs sont parvenus à enseigner à leur réseau ultra-simplifié des tâches relativement complexes, comme garer un véhicule dans une place de stationnement le long d'une trajectoire prédéfinie. « La sortie du réseau neuronal, qui dans la nature contrôlerait le mouvement des vers, est utilisée dans notre cas pour diriger et accélérer le véhicule », précise Ramin Hasani. L'autre intérêt de ce nouveau type de réseau, c'est qu'on a besoin de beaucoup moins de neurones et de liaisons. Les RNN classiques, composés de milliers de nœudsnœuds, sont devenus de véritables boîtes noires à la logique si complexe que seul le résultat final peut être analysé. « Comme notre réseau est très simplifié, il est aussi très facile à interpréter, et donc à contrôler », se félicite le chercheur. Qui aurait cru qu'un ver serait plus fort que GoogleGoogle ?