En Birmanie, depuis son coup d’État du 1er février, l’armée utilise, en plus de son arsenal létal, des drones à vocation militaire et des outils liés à la guerre électronique pour surveiller les manifestants et traquer les meneurs. Des cyberarmes, pourtant interdites de vente en raison des sanctions prises à l’encontre du pays à la suite de l’expulsion des Rohingyas en 2018.


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    Depuis maintenant plus d'un mois, la Birmanie renoue de façon contrainte avec son régime militaire. Durant 50 ans, l'armée utilisait des moyens rudimentaires pour brider les populations. Aujourd'hui, avec des manifestants qui ont pris goût à la démocratie et qui sont équipés de smartphones, d'ordinateurs et maîtrisent les réseaux sociauxréseaux sociaux, les actions sanglantes ne suffisent plus et les militaires font leur propre cyber-offensive. Leurs armes : des drones de surveillance, de puissants outils de piratage de smartphones et d'ordinateurs, pour en collecter les données, localiser précisément les auteurs de publications sur les réseaux sociaux et les arrêter. Des technologies issues de pays comme Israël, les État-Unis ou certaines nations européennes, font partie de cet arsenal.

    C'est, en tout cas, ce que montrent les centaines de pages des derniers budgets de l'État que s'est procuré le New York Times (NYT). Ainsi, ces dernières années, les forces birmanes ont mis le paquet sur les technologies militaires de surveillance. Outre ceux proposés par la Chine ou la Russie, se trouvent des systèmes commercialisés, par exemple, par MSAB. Cette entreprise suédoise fournit aux armées des outils permettant de collecter le contenu des mobiles, ou encore les données effacées.

    On trouve aussi le logiciel MacQuisition de la société américaine BlackBag Technologie, conçu pour extraire les données issues d'ordinateurs AppleApple. Cette entreprise a d'ailleurs été rachetée en 2020 par Cellebrite, une firme israélienne qui a également fourni à la Birmanie des outils sophistiqués. Ils permettent de s'affranchir des systèmes de verrouillage et de protection par chiffrement des appareils pour en aspirer leurs données, y compris celles de localisation. Et pourtant, ces livraisons d'armes cyber, tout comme de nombreuses autres importations, furent interdites par les gouvernements de ces sociétés en raison de l'expulsion brutale des musulmans rohingyas par l'armée il y a trois ans. À l'unisson, toutes ces entreprises, dont les gouvernements ont imposé un embargo à la Birmanie, affirment avoir joué le jeu des sanctions et cessé de vendre leurs produits.

    Sous couvert de lutte contre le blanchiment d’argent et de la cybercriminalité, les militaires s’étaient massivement et légalement équipés durant la période de gouvernance démocrate. Des outils qui servent désormais à la répression des manifestants. © So9q, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 3.0 
    Sous couvert de lutte contre le blanchiment d’argent et de la cybercriminalité, les militaires s’étaient massivement et légalement équipés durant la période de gouvernance démocrate. Des outils qui servent désormais à la répression des manifestants. © So9q, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0 

    Des vendeurs d’armes cyber qui en cachent d’autres

    Tout comme pour la vente d'armes, celles des outils de surveillance ne se fait pas forcément directement avec les pays. Les États passent plutôt par des intermédiaires. Il s'agit généralement d'entreprises servant de couverture pour acheter ces armes cyber. Elles les revendent ensuite aux États. C'est ce scénario qui semble être privilégié en Birmanie. Le New York Times a ainsi relevé que l'un des intermédiaires les plus importants au Myanmar est le docteur Kyaw Kyaw Htun. Il est partenaire de plusieurs sociétés, dont une porteporte le nom de MySpace International. Le site de cette société cliente de Cellebrite a, du jour au lendemain, supprimé son site Web lors de l'enquête du NYT.

    De même, on trouve aussi la société birmane Future Science. Une entreprise qui s'occupe de la maintenance des drones de surveillance militarisés de l'israélien Elbit Systems. Des drones qu'avaient achetés les militaires birmans et qui sont justement utilisés pour surveiller les manifestations. La société affirme avoir refusé d'assurer la fourniture de pièces au gouvernement birman.

    Enfin, les véhicules militaires utilisés durant le coup d'État sont également de fabrication israélienne et trop récents pour avoir été vendus avant l'embargo. Ici encore, ce sont des sociétés écrans qui ont servi de couverture pour obtenir ces équipements à vocation militaire. À la fin, qu'elles soient cyber ou physiquesphysiques, les armes relèvent toujours des mêmes méthodes. Reste que leur emploi peut se retourner contre les populations.