Le classement Highly Cited Researchers répertorie chaque année les scientifiques les plus cités. Les Américains se taillent la part du lion, mais quelques pointures françaises tirent leur épingle du jeu. Ce type de liste basé sur le nombre de publications fait toutefois grincer des dents certains chercheurs, et encourage les magouilles voire les fraudes.


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    La moitié des chercheurs les plus influents du monde sont américains, révèle le sixième classement annuel de Web of Science, un service d'information universitaire en ligne géré par Clarivate Analytics et donnant accès à des bases de donnéesbases de données bibliographiques. Le groupe identifie chaque année les chercheurs ayant écrit ou cosigné les 1 % des articles les plus cités dans leur discipline respective sur la période 2008-2018. Sur les 6.219 auteurs répertoriés en 2019 dans le Highly Cited Researchers (HCR), 2.737 sont ainsi basés aux États-Unis. Pas de grosse surprise : les Américains écrasaient déjà les autres pays en 2018, avec 2.639 auteurs sur les 4.058 de la liste. La nouveauté provient plutôt de la Chine, qui devance pour la première fois le Royaume-Uni (636 contre 517). La France arrive 7e avec 156 auteurs, et gagne une place par rapport à l'an dernier.

    Le saviez-vous ?

    Certains chercheurs apparaissant dans plusieurs disciplines peuvent être comptés plusieurs fois, leurs publications étant alors pondérées en fonction du seuil de citations requis pour chaque catégorie.

    Comme l'an dernier, l'université de Harvard accueille le plus grand nombre des chercheurs les plus influents, avec 203 auteurs, suivie de l'université de Stanford (103) et de l'Académie chinoise des sciences (101). La première université française, celle de Paris Saclay, n'arrive que 24e avec 36 chercheurs affiliésaffiliés.

    Près de la moitié (44 %) des chercheurs ayant signé le plus d’articles parmi les plus cités sont basés aux États-Unis. © C.D, d’après <em>Highly Cited Researchers</em>
    Près de la moitié (44 %) des chercheurs ayant signé le plus d’articles parmi les plus cités sont basés aux États-Unis. © C.D, d’après Highly Cited Researchers

    23 lauréats de prix Nobel

    Mais qui sont ces fameux chercheurs ? Sans surprise, on trouve notamment 23 lauréats du prix Nobel, dont trois ont été récompensés cette année : Gregg Semenza, de l'université Johns Hopkins (médecine), John Goodenough, de l'université du Texas (chimie), et la Française Esther Duflo (économie), malheureusement recensée comme Américaine puisqu'elle travaille au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Cinquante-sept chercheurs figuraient également sur la liste des lauréats potentiels, se félicite Clarivate Analytics qui y voit là le signe de la pertinence de son classement. Parmi les Français, l'immunologue Éric Vivier, du centre d'immunologie de Marseille (26.545 citations pour 368 articles), Patrice Simon, professeur en sciences des matériaux à l'université Toulouse III et au CNRS (43.802 citations pour 211 articles), Valérie Masson-Delmotte, climatologueclimatologue au Laboratoire des sciences du climatclimat et de l'environnement (LSCE) ou encore l'économiste Thomas Piketty, qui s'est fait mondialement connaître avec son best-seller Le capital au XXIe siècle.

    Course à la publication : certains chercheurs particulièrement prolifiques signent jusqu’à un article tous les cinq jours. © Nature
    Course à la publication : certains chercheurs particulièrement prolifiques signent jusqu’à un article tous les cinq jours. © Nature

    Fraude, magouilles et corruption

    Ce genre de classement, basé uniquement sur le critère des publications, est toutefois vivement critiqué par certains chercheurs, qui y voient une vaine course à la gloire au détriment du vrai travail de recherche. Le fameux « publier ou périr », bien connu des scientifiques. Un système qui encourage les magouilles en tout genre. En 2018, une étude du magazine Nature avait ainsi montré que certains scientifiques avaient publié jusqu'à 72 articles par an en 2016, soit un article tous les cinq jours ! Certains se contentent en effet d'apposer leur signature sur des articles qu'ils n'ont parfois même pas relus. « Personnellement, je ne les considère pas comme "mes papiers" et je ne les ai pas sur mon CV en tant que tels », avoue l'un d'eux à Nature. Un autre explique que la paternité d'un article est souvent attribuée à l'ancienneté.

    Sans compter les fraudes, encouragées par cette course au chiffre. Une vingtaine de ces auteurs hyper prolifiques sont basés en Chine. « Un chiffre important qui pourrait être lié aux politiques chinoises qui récompensent la publication avec de l'argent comptant ou à une éventuelle corruption », soupçonnent les auteurs de l'article de Nature. En novembre dernier, plusieurs scientifiques coréens se sont également fait épingler pour avoir indiqué comme coauteur... leur propre rejeton, histoire d'accélérer leur carrière scientifique ou de favoriser leur entrée dans telle ou telle université.