En conjuguant prévention et accès gratuit aux traitements, le pays a réussi à juguler l'épidémie. Explosive : telle devait être la situation de l'épidémie de VIH/sida au Brésil...

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    Photo © Alexandre Meneghini/AP/Sipa, Paris: Depuis 1997, le Brésil produit des génériques à partir de médicaments antisida libres de droits.

    Photo © Alexandre Meneghini/AP/Sipa, Paris: Depuis 1997, le Brésil produit des génériques à partir de médicaments antisida libres de droits.

    En 1992, la Banque mondialeBanque mondiale prévoyait en effet que le nombre de cas dépasserait un million en 2000. La croissance démographique de ce pays de près de 170 millions d'habitants laissait craindre une évolution comparable à celle de l'Afrique. Or, si le Brésil est un des pays les plus touchés d'Amérique latine, avec plus de 600 000 personnes vivant avec le virus, les chiffres sont très en deçà des prévisions catastrophistes formulées il y a dix ans. Le pays fait même figure de référence pour de nombreux pays en développement aux prises avec l'épidémieépidémie. Il faut dire que la politique audacieuse des autorités de Brasilia, fondée sur des campagnes très actives de préventionprévention et, depuis 1996, sur une distribution gratuite des traitements aux personnes malades, s'est révélée particulièrement efficace.

    Actuellement, 140 000 Brésiliens, soit la totalité de ceux qui ont connaissance de leur maladie, bénéficient de médicaments gratuits.

    Résultat :

    La mortalité liée au sidasida a été réduite de moitié depuis 1997. Et contrairement à ce que redoutaient certains, la généralisation de l'accès aux traitements n'a pas nui à la prévention. Le nombre des nouvelles infections a atteint 22 000 en 2003, contre 25 000 dans les années 1990. De plus, les comportements à risque sont en recul. Ainsi, la proportion de conscrits de l'armée utilisant un préservatifpréservatif avec un partenaire payé est passé de 69% en 1999 à 77% en 2002.

    « Aujourd'hui, il est impossible de faire de la prévention en se désintéressant de la question des traitements. Cela n'a pas de sens de convaincre les gens d'être prudent si vous ne traitez pas ceux qui sont malades », déclare Alexandre Granjeiro, coordinateur national du programme brésilien de lutte contre le VIHVIH/sida et les MSTMST au ministère de la Santé. Pourtant, la mise en place de cette politique novatrice n'est pas allée de soi. A partir de 1997, le Brésil a commencé à produire des génériques à partir de médicaments anti-sida qui n'étaient pas, ou plus, protégés par des brevets. Pour les molécules encore sous brevet, le gouvernement a du entamer un véritable bras de fer avec les grands laboratoires pharmaceutiques pour faire baisser les prix de 40 à 70%.

    400 MILLIONS DE PRÉSERVATIFS

    Les efforts déployés sur le front de la prévention ne se sont pas pour autant relâchés. Le Brésil reste le pays qui distribue le plus grand nombre de préservatif au monde. Chaque année, le gouvernement en procure près de 400 millions aux détenus, aux toxicomanes, aux jeunes ou encore aux conscrits. Et en plus des initiatives ciblées en direction des transsexuels, des prostituées, des homosexuelshomosexuels ou des chauffeurs routiers, le ministère de la Santé lance trois fois par an une campagne nationale grand public. Il y a deux ans, un spot télévisé montrait par exemple un angeange gardien attendant le retour d'un jeune homme du carnaval. Irrité, l'ange gardien disait au jeune fêtard qu'il ne pouvait pas le protéger de toutes ses bêtises, et qu'il ne pouvait surtout rien pour lui lorsqu'il n'utilisait pas de préservatif. « Notre politique repose sur deux piliers. Le premier vise à rendre l'information largement disponible. Le second à imposer le préservatif comme le moyen le plus efficace de prévenir l'infection », explique Alexandre Granjeiro.

    Mais la réussite du Brésil doit aussi beaucoup à la mobilisation des ONG. « Ce dynamisme a été déterminant parce que la société civile peut atteindre des gens avec lesquels le gouvernement n'a pas l'habitude de travailler. Et il se trouve qu'au Brésil, contrairement à d'autres pays où ils doivent se battre pour leurs droits, les transsexuels, les prostituées ou les homosexuels, sont souvent très organisés », explique Cristina Raposo, responsable des programmes sida au bureau de l'UNESCO de Brasilia.

    L'absence de tabous sur le sexe dans la société brésilienne a également été un incontestable atout. Récemment, le gouvernement a lancé, avec le soutien de l'UNESCO, un programme pilote pour distribuer des préservatifs dans les lycées afin que d'ici 2006, 2,5 millions d'adolescents puissent en bénéficier.

    Ailleurs, l'initiative aurait suscité un tollé. Au Brésil, personne n'y a trouvé à redire.