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Ce 11 décembre, Axel Kahn était de passage à Lyon pour le colloque Création de savoirs, création de valeurs, organisé par l'Ecole normale supérieure, à l'occasion des vingt ans de l'établissement. Dans le même temps se déroulait à Paris l'élection du futur président de l'université René Descartes, qui réunit de nombreuses disciplines : médecine, pharmacie, dentaire, philosophie, mathématiques, sciences humaines et sociales... Seul candidat, il était déjà certain d'être élu (« à moins d'un infarctus du myocardeinfarctus du myocarde » nous a-t-il précisé).
Futura-Sciences : Quel est selon vous le principal défaut de l'enseignement supérieur dans les universités françaises ?
Axel KahnAxel Kahn : Il y a une déconnexion entre deux choix pris dans le passé. Le premier est la décision d'amener 50 % d'une classe d'âge au baccalauréat. Le second est l'absence totale de filières spécifiques pour accueillir tous ces bacheliers. On arrive à ce résultat extravagant que dans plusieurs filières (droit, sociologie, sport...)), il y a jusqu'à vingt fois plus d'étudiants en première année que le nombre de places disponibles au niveau des diplômes finaux. En droit, il y a 60 % de perte entre la première année et la deuxième. Et on ne sait pas quoi faire de ceux qui partent... On ne peut pas se satisfaire de cette situation ! Cela ôte toute signification à la décision de départ (« amener 50 % d'une classe d'âge au bac »). C'est comme si on avait construit une belle route menant tout droit à un précipice !
FS : Comment comptez-vous vous y prendre à l'université René Descartes pour améliorer cette situation ?
Axel Kahn : Je vais faire flèche de tout boisbois... Par exemple, essayer de trouver des voies de sortie pour les étudiants qui ne seront pas passés en deuxième année. Plus généralement, il faudra trouver le moyen de rendre utiles les années d'études effectuées à l'université même en cas d'échec avant le diplôme final.
FS : Quelles évolutions de l’université pensez-vous mettre en œuvre ?
Axel Kahn : Je veux ouvrir l'université sur l'extérieur. D'abord en profitant de l'emplacement de l'université Descartes, installée au cœur de Paris. Ma personnalité et ma crédibilité scientifique peuvent aussi jouer un rôle. Il faut que l'université soit un lieu où le citoyen peut s'enrichir. Par exemple, il doit s'y dérouler des débats contradictoires. Il faut des moyens pour cela. Ils peuvent provenir de partenaires économiques. J'y pense...
« La crédulité des gens est un fait tangible » © JL Goudet / Futura-Sciences
FS : Etes-vous favorable à la réforme des universités prévue par le gouvernement, et donnant davantage d'autonomieautonomie aux établissements ?
Axel Kahn : Oui, j'y suis favorable. Le seul défaut de cette réforme est le manque de moyens disponibles pour en profiter pleinement. Les autres critiques qui lui sont faites ne sont pas fondées. La représentation étudiante dans les instances de direction telle qu'elle est prévue - jusqu'à cinq personnes plus cinq suppléants -, est en fait supérieure à la situation actuelle. Le pouvoir de nomination du président se limite à un droit de veto, ce qui, pour moi, est une bonne chose. Quant à la compromission de l'université avec l'industrie privée, il faut être sérieux. Si, à René DescartesRené Descartes, je parviens à obtenir deux millions d'euros du privé, ce sera un grand maximum et cela ne représentera pas grand-chose par rapport au budget global. Enfin, l'idée que la réforme instaurerait une université à deux vitesses se heurte à une vérité : c'est déjà le cas... Toutes les universités n'ont pas la même reconnaissance.
FS : Observez-vous ce que l’on appelle la désaffection des jeunes pour la science ?
Axel Kahn : Elle est réelle. En médecine, ce n'est pas le cas, sauf pour les filières qui mènent vers la recherche. Les conditions financières et les moyens de travail ne sont pas assez attractifs.
FS : Croyez-vous à l'avènement de la médecine personnalisée, qui serait permise, un jour, par le décryptage du génomegénome de chaque patient ?
Axel Kahn : Cela peut générer un business, oui... Car il serait basé sur la crédulité des gens, qui, elle, est un fait tangible. Pour l'industrie pharmaceutique, elle n'est pas crédible car elle signifierait qu'un médicament donné n'est utilisable que pour un nombre réduit de malades. Quant à imaginer que la connaissance du génome d'un patient permettrait de lui imposer certaines habitudes de vie, là, c'est une foutaise... Regardez la difficulté et l'énergie nécessaires pour inciter les gens à arrêter de fumer alors que les preuves de la nocivité du tabac sont connues de tout le monde ! En revanche, si de telles études permettent de mieux comprendre l'effet des produits actifs sur des personnes présentant certaines particularités génétiquesgénétiques, bien sûr, ce sera un progrès.