En 2015, lorsqu'un mur de crânes a été découvert sur le site de Mexico-Tenochtitlan, l'ancienne capitale de l'empire aztèque, les recherches ont pu avancer à grand pas concernant cet élément architectural particulier. Ce qui est connu sous le nom de Huei Tzompantli, correspond en archéologie à une palissade de bois sur laquelle étaient transpercés des crânes humains. Mais qui était sacrifié et pourquoi ? De nouvelles hypothèses émergent depuis 2015 à ce propos.


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    En découvrant, en 2015, un murmur de crânecrâne sur le site de l'ancienne capitale aztèque, les archéologues ont pu commencer à travailler dessus pour tenter de comprendre les raisons de leur présence. Avant de découvrir de véritables Huei Tzompantli en archéologie, comme ce fut le cas ici, nous n'avions connaissance de ces représentations impressionnantes que par le biais des codex illustrés, et de bas reliefs représentant des crânes. Ainsi, la découverte d'un vrai mur de crâne a été l'occasion d'une part d'attester la pratique, et d'autre part de se pencher dessus en recherches. Une communication de l'archéologue Raúl Barrera Rodríguez apporte de nouveaux indices.

    Une construction entre 1486 et 1502

    Le Tzompantli, fouillé à partir de 2015, s'est avéré être une constructionconstruction érigée en plusieurs temps et de grande taille, tant en hauteur qu'en longueur. Au sein des multiples crânes retrouvés, des crânes de jeunes hommes, de femmes, et d'enfants sont présents. De quoi interroger davantage quant à la présence des femmes et des enfants au sein de ces murs particuliers. La présence de jeunes hommes corrobore l'hypothèse des sacrifices de guerriers ennemis, il est question de comprendre pourquoi on retrouve des personnes de l'autre sexe biologique et des individus bien plus jeunes.

    Représentation d'un tzompantli dans le Codex Duran. © Wikipedia
    Représentation d'un tzompantli dans le Codex Duran. © Wikipedia

    La vie comme nourriture des Dieux

    Bien souvent, lorsque la société aztèque est évoquée auprès du grand public, la pratique sacrificielle fait partie des caractéristiques de ces peuples. C'est une réalité qui s'explique dans la construction sociale et religieuse. Le sacrifice est alors un acte bénéfique pour l'ensemble des vivants dans leur rapport avec les Dieux à qui ils sont destinés. Grâce aux sources historiques, nous savons que les guerriers captifs étaient sacrifiés par cardiectomie, autrement dit extraction du coeur, et leur corps jeté dans les escaliersescaliers d'une pyramide. Mais le panel de mises à mort dans la société aztèque différait en fonction des sacrifices et des divinités à qui ils étaient adressés, et bien entendu des mythes. À Mexico-Tenochtitlan, la zone du Templo Mayor était dédiée aux pratiques rituelles. Le sacrifice faisait alors office de pratique religieuse, calendaire, mais aussi politique.

    Sculpture de Tzompantli au Templo Mayor de Mexico. © Juan Carlos Fonseca Mata pour Wikimedia
    Sculpture de Tzompantli au Templo Mayor de Mexico. © Juan Carlos Fonseca Mata pour Wikimedia

    Pourquoi a-t-on trouvé des femmes, si on sacrifiait des guerriers ?

    En se basant sur les sources textuelles, difficile de dire que des femmes étaient des guerrières dans la société aztèque, et qu'elles pouvaient par conséquent être affiliées aux hommes guerriers capturés et sacrifiés. En revanche, d'autres éléments peuvent entrer en compte. En effet, dans la pensée aztèque, celle où des inframondes existent, deux types de morts se retrouvent dans le même espace : les guerriers morts au combat, et les femmes mortes en couche. Par conséquent, la façon de mourir définit dans quelle stratestrate de l'inframonde le mort va se retrouver en fonction de sa fin de vie. Quant à la présence de femmes guerrières, si ces dernières ne sont pas explicitées, la possibilité de voir des femmes au combat n'est pas exclue, puisque des récits de combats face aux colons espagnols attestent que les femmes ont aussi pris les armes pour défendre leurs cités. Les femmes représentent 38 % des crânes dans le Huei Tzompantli de Mexico-Tenochtitlan.

    Une nouvelle hypothèse liée à un mythe majeur

    Pour expliquer la présence de femmes dans le Huei Tzompantli, considéré alors comme une construction qui peut représenter symboliquement un épisode mythologique, le combat entre le dieu solaire Huitzilopochtli et sa sœur lunaire Coyolxauhqui est envisagé. Par conséquent, le dieu solaire Huitzilopochtli représentait les valeurs guerrières et sa soeur Coyolxauhqui également. Si les deux divinités se sont battues, c'est tout simplement parce que la déesse Coyolxauhqui a cru sa mère infidèle le jour où cette dernière portait en son ventre Huitzilopochtli. Furieuse, elle fomente alors un piège en compagnie de ses autres frères pour la décapiter. De cet assassinat, le dieu Huitzilopochtli  émergea du ventre et tua tous ses frères et sa soeur faisant ainsi émerger le soleil et disparaître les ténèbres. Le Huei Tzompantli pourrait être une représentation de ce mythe fondateur du peuple aztèque.

    Lorsque d'autres édifices de ce type seront découverts, les recherches pourront alors continuer et corroborer les hypothèses. Ou à l'inverse, les réfuter.