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Si le virus de la grippe aviaire venait à être libéré, faudra-t-il porter un masque pour limiter l'épidémie ? © Yasser Alghofily, Flickr CC by 2.0
- À lire, notre dossier complet sur la grippe aviaire
La grippe aviaire a fait trembler la planète en 2007 alors que le virus H5N1virus H5N1 avait heureusement un handicap : il ne se transmet pas de l'Homme à l'Homme, et plus généralement, entre mammifèresmammifères. Pourtant, si, un jour, un virus équivalent venait à y parvenir, que se passerait-il ? L'humanité serait alors face à un risque de pandémie redoutable qu'il faudrait enrayer très vite. Aux Pays-Bas, Ron Fouchier et son équipe du Centre médical Erasmus de Rotterdam se sont attaqués à la question en... créant un tel virus par manipulation génétique, justement pour mieux comprendre ses armes et la manière de lutter contre.
Leurs résultats ont été présentés en septembre lors de l'Influenza Conference à Malte sur les recherches concernant les virus de la grippe. Depuis, la communauté scientifique est en émoi et débat vigoureusement pour savoir si l'information mérite d'être révélée ou si elle doit rester top-secrète. Car d'après les spécialistes, si une telle forme venait à se retrouver dans la nature, les morts se compteraient au minimum par dizaines de millions. À titre de comparaison, depuis 2003, l'OMS a dénombré 335 victimes de la grippe aviaire dans le monde.
Cinq mutations qui changent la donne
La grosse différence entre ces souches réside désormais dans la capacité à se disséminer au sein de la population humaine. Si la forme naturelle est très peu contagieuse, elle en reste néanmoins mortelle puisque 58 % des personnes infectées en sont mortes.
Ron Fouchier déclare avoir modifié le virus en induisant cinq mutations qui changent complètement son pouvoir de diffusiondiffusion. Les travaux menés sur des furets (modèle animal de référence pour étudier la grippe car leur réponse au virus se rapproche beaucoup de la nôtre) ont démontré que cette nouvelle souche se transmettait bien plus efficacement entre mammifères. Autrement dit, ils ont fourni au micro-organisme les clés pour infecter le corps humain en le laissant disposer de toute sa virulence.
Vers une meilleure connaissance de la grippe ?
Toute la question consiste désormais à savoir s'il faut ou non rendre publique cette information. L'étude a été livrée au journal Science mais celui-ci l'a d'abord remise (ce qu'il devait faire) entre les mains du National Science Advisory Board for Biosecurity (NSABB)), une autorité bioéthique américaine, pour que celle-ci donne son opinion sur l'intérêt de divulguer ou non ces résultats.
Au sein du monde scientifique, les avis sont partagés. Les uns, Ron Fouchier en tête, pensent que l'humanité doit être parée à toute éventualité et que disposer d'un tel sujet d'étude permettrait d'anticiper l'apparition dans la nature d'un fléau de la sorte en préparant le vaccinvaccin idoine et éventuellement en trouvant le moyen de contrecarrer une infection déjà déclarée.
Le virus de la grippe aviaire est l'un des plus dangereux mais n'est pas contagieux. Pour combien de temps encore ? © Dr. Eskine Palmer, Wikipédia DP
Les autres, dont le chercheur Thomas Inglesby, du Centre de la biosécurité de l'université de Philadelphie, déclarent que les risques encourus surpassent les bénéfices potentiels et qu'il faut rester très discret sur les méthodes nécessaires à la fabrication de ce virus dévastateur. Les virologues pensent que si la recette est publiée, il serait assez aisé pour celui qui dispose de quelques connaissances et de moyens financiers de recréer à son tour ce serial killer en puissance, qui pourrait devenir une arme biologique terrifiante. Un compromis serait de limiter l'accès aux informations sensibles aux seuls scientifiques autorisés. Là encore, on ne se met pas pour autant à l'abri des risques que le virus s'échappe des laboratoires, comme on soupçonne que cela a pu se produire en 1977 quelque part entre la Chine et la Russie. À l'époque, une épidémieépidémie de grippe s'était déclarée dans ces pays et il est possible que le coupable soit un virus H1N1 (peu agressif) qui se serait échappé, pour sévir jusqu'en 2009. Cependant, les conditions de sécurité actuelles sont bien plus drastiques qu'autrefois.
Le débat s'annonce compliqué et la décision qui en sortira pourrait avoir de lourdes conséquences sanitaires, dans un sens ou dans l'autre. En attendant le verdict, les écrivains et les cinéastes ont de la matièrematière première pour échafauder un nouveau scénario de la fin du monde.