Alors que Ron Fouchier, l’un des scientifiques ayant recréé un virus de la grippe aviaire H5N1 particulièrement contagieux, s’était tu jusque-là sur ses travaux, il vient finalement de présenter oralement les résultats les plus marquants de son expérience. Les craintes qui animent certains scientifiques et les autorités sanitaires seraient très largement surestimées.

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    Le virus de la grippe A H5N1 créé en laboratoire fait débat depuis septembre quand Ron Fouchier a annoncé lors de la conférence de Malte avoir mis au point expérimentalement une souche bien plus contagieuse. Après un long débat qui voyait les autorités sanitaires américaines refuser une publication des données sensibles et un moratoire de 60 jours proposé par les chercheurs, l'OMS a finalement décidé de soutenir l'idée d'une publication intégrale des résultats. © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le virus de la grippe A H5N1 créé en laboratoire fait débat depuis septembre quand Ron Fouchier a annoncé lors de la conférence de Malte avoir mis au point expérimentalement une souche bien plus contagieuse. Après un long débat qui voyait les autorités sanitaires américaines refuser une publication des données sensibles et un moratoire de 60 jours proposé par les chercheurs, l'OMS a finalement décidé de soutenir l'idée d'une publication intégrale des résultats. © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Après plusieurs mois de mutisme, il est enfin sorti de son silence. « Il », c'est Ron Fouchier, l'un des plus grands spécialistes mondiaux de la grippe, qui a mis au point, avec son équipe du centre médical Erasmus de Rotterdam (Pays-Bas), un virus de la grippe aviaire H5N1 très contagieuxcontagieux chez les furets. Et donc peut-être chez l'Homme.

    Le scientifique néerlandais a voulu préciser lors du congrès de la Société américaine de microbiologie, qui vient d'avoir lieu à Washington, la teneur de sa découverte et ses intérêts. Des propos qui dédiabolisent ses recherches et qui tendent à minimiser la dangerosité du virus par rapport à ce qui avait été suggéré.

    Selon lui, la controverse a pris une telle ampleur justement parce que mis à part quelques spécialistes, personne n'a eu accès aux données, et donc les spéculations sont allées bon train. L'expérience a consisté à passer et repasser le virus de la grippe H5N1 chez des furets, un animal modèle souvent utilisé dans ce genre d'expérimentation. Le virus a alors muté de lui-même, devenant contagieux, tandis qu'il ne l'était pas auparavant.

    La grippe H5N1 mutante moins mortelle chez les furets

    Il était en fait transmis dans la toux et les éternuements des furets, qui contaminaient alors les trois-quarts de leurs voisins. Ainsi, les chercheurs ont obtenu une meilleure compréhension des mécanismes nécessaires pour que le virus se transmette par les gouttelettes respiratoires chez les mammifèresmammifères.

    Le furet est un modèle animal régulièrement utilisé pour étudier la grippe. Dans cette expérience, si le virus H5N1 était devenu contagieux puisque la majorité des animaux exposés ont été contaminés, très peu en sont morts. A-t-on crié trop vite au loup ? © Alfredo Gutierrez, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Le furet est un modèle animal régulièrement utilisé pour étudier la grippe. Dans cette expérience, si le virus H5N1 était devenu contagieux puisque la majorité des animaux exposés ont été contaminés, très peu en sont morts. A-t-on crié trop vite au loup ? © Alfredo Gutierrez, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Mais les taux de mortalité sont devenus faibles. Chez l'Homme, la souche sauvage serait létale dans 60 % des cas selon les chiffres de l'OMS, même si une étude récente tend à montrer que ces valeurs sont surestimées. Cette forme mutante s'est en revanche montrée peu dangereuse, à en croire Ron Fouchier. Il précise que les animaux malades présentaient le virus à des faibles doses et ne manifestaient que des symptômes mineurs. Un seul animal a succombé, mais il avait reçu des doses importantes de virus, directement administrées dans les narines. Les sept autres furets traités de la même façon ont survécu.

    Précision supplémentaire que le chercheur tient à apporter : selon lui, le virus ne se propagerait pas comme une traînée de poudre. Le temps d'incubation est plus long que pour les épidémies classiques, il est donc excrété plus tardivement dans l'environnement.

    Grand pas de la recherche ou pas en arrière pour l’humanité ?

    Pour Ron Fouchier, les perspectives sont intéressantes à plusieurs niveaux. D'une part, on connaît désormais les traits biologiques et les mutations nécessaires pour que le virus H5N1 sauvage devienne transmissible par voie aérienne, ce qui pourrait permettre aux autorités sanitaires de garder un œilœil sur les évolutions naturelles de la souche sauvage et de mieux anticiper l'émergenceémergence d'un danger. D'autre part, il précise que ce virus muté constituerait un meilleur modèle pour tester les vaccins anti-H5N1, car il est plus proche que les variants actuellement utilisés.

    Cependant, les autorités sanitaires américaines préfèrent rester prudentes. Michael Osterholm, membre du National Science Advisory Board for Biosecurity (NSABB), l'instance de santé américaine qui avait préconisé la non-publication des résultats sensibles de l'étude, prévient quand même que les résultats que l'on trouve chez les furets ne sont pas toujours extrapolables à l'Homme. Effectivement, on ignore encore ce qui se passerait si un tel virus venait à être libéré. Pire que la grippe espagnolegrippe espagnole de 1918 ?