En Inde, la condition des personnes en situation de handicap, surtout des enfants et des femmes, est particulièrement difficile. Pourtant, Chitra Shah se bat tous les jours pour offrir aux enfants handicapés de Pondichéry une perspective d'avenir grâce à son école, la Satya Special School. Rencontre avec une femme inspirante.


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    En Inde, on estime qu'il y a 21 millions de personnes en situation de handicap. Ces hommes, femmes et enfants sont souvent rejetés par leur famille et par la société indienne. Si les mentalités commencent à changer dans les grandes villes, les régions rurales ne connaissent pas encore ce changement ; là-bas, le manque de moyens, d'infrastructures médicales et les croyances tenaces participent au traitement inhumain des handicapés, surtout des enfants et des femmes. C'est dans ce contexte que depuis 20 ans, Chitra Shah œuvre pour les enfants handicapés dans la région de Pondichéry avec son école la Satya Special School. Nous avons pu échanger avec elle - qui se décrit comme « une rebelle et une féministe convaincue » - à propos de son combat pour changer le regard sur le handicap dans les régions les plus défavorisées du sous-continent indien.

    Chitra Shah, la fondatrice de la <em>Satya Special School</em>. © avec l'autorisation de Chitra Shah
    Chitra Shah, la fondatrice de la Satya Special School. © avec l'autorisation de Chitra Shah

    Chitra Shah, une rebelle engagée pour les femmes et les enfants en Inde

    Chitra Shah a grandi dans une famille aisée de Pondichéry et c'est au cours de son adolescence qu'elle s'est rendu compte de la situation des femmes dans son pays. « C'est en voyant des femmes qui travaillaient pour ma famille venir avec des bleus sur le visage que j'ai pris conscience de la réalité des violences domestiques », se souvient-elle. Alors que ces parents la voyaient médecin, avocate, ou mariée avec un bon parti aux États-Unis, Chitra prend une autre voie. Elle fait un master en travail social et écrit sa thèse sur l'infanticide des filles, une pratique qui consiste à tuer un enfant après sa naissance s'il s'agit d'une fille. « Sûrement parce que les mères ne veulent pas que leur fille vive la même vie faite d'abus qu'elles ont subis. »

    Un jour, elle rencontre un psychiatre de l'université de Leeds qui tenait une clinique à Pondichéry. « Cet homme a changé ma vie », dit-elle. Dans le cadre de ses missions bénévoles de counseling, Chitra rencontre de nombreuses familles avec des enfants handicapés mentaux ou physiquesphysiques. L'une d'entre elles l'a conduite dans une décharge de Pondichéry où se trouvait une jeune fille trisomique enfermée et attachée dans un abri de fortune. Sa mère, abandonnée par sa famille et le père de l'enfant, n'avait pas d'autre choix que d'enfermer sa fille, déjà violée et molestée à plusieurs reprises, pour aller travailler. « La Satya Special School est née pour offrir aux mères célibataires avec des enfants handicapés une safe place où elles peuvent laisser leurs enfants qui seront traités aussi humainement que possible. »

    Les activités proposées aux enfants à la Satya Special School. © Satya Special School

    Œuvrer dans les régions rurales

    En 2003, année de fondation de la Satya Special School, l'établissement accueillait une vingtaine d'enfants âgés de dix ans en moyenne, amenés par leur mère qui en avait entendu parler par le bouche-à-oreille. « À cet âge, les handicaps sont déjà installés et il n'y avait pas grand-chose que l'on puisse faire pour les aider. » Aujourd'hui, la Satya Special School propose des soins et un accompagnement dès la naissance pour identifier le plus tôt possible les enfants handicapés ou ceux qui risquent d'avoir un retard de développement dans les 18 premiers mois de leur vie. « Tous les enfants de Satya ont un programme personnalisé qui s'adapte à leur besoin. C'est une approche très centrée autour de l'enfant. Et tous les services proposés sont gratuits pour les familles. »

    Le dernier objectif de Chitra et de son équipe est d'aller chercher les enfants qui ne peuvent pas rejoindre l'école par eux-mêmes. Pour se faire une « mobilemobile unit », composée de mères et de femmes désireuses de s'investir dans l'inclusion sociale des personnes handicapées, parcourt 44 villages autour de Pondichéry. « Nous avons des mères qui sont très investies et qui veulent s'assurer qu'aucune autre femme ne vive les difficultés qu'elles ont connues. » Une campagne de dons est en cours pour soutenir ce projet. Les fonds récoltés seront utilisés pour former et rémunérer une quinzaine de femmes qui iront s'occuper des enfants handicapés dans l'incapacité de venir à l'école, et mener des campagnes de sensibilisation et d'information auprès des familles et des proches.

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    Vous pouvez participer à cette collecte et soutenir la Satya Special School ici

    Les enfants de l'école entrain de jouer. © <em>Satya Special School</em>
    Les enfants de l'école entrain de jouer. © Satya Special School

    Des handicapés devenus des héros

    La Satya Special School a permis à de nombreux enfants handicapés de Pondichéry d'avoir un emploi et d'intégrer la société classique, certains sont employés par l'école et d'autres deviennent des symboles nationaux. Plusieurs enfants de la Satya Special School ont brillé lors des Special Olympics World Games qui se sont déroulés à Berlin en juin 2023. Cette compétition sportive inclusive est ouverte aux sportifs handicapés mentaux ou polyhandicapés. L'Inde a gagné des médailles d'or et d'argentargent en basket, en athlétisme, en lancer de javelot et force athlétique. « Tous ces enfants avaient des parents qui ne croyaient pas en eux, certains ont même été abandonnés. Pour eux, représenter leur pays dans une compétition internationale et rapporter une médaille est quelque chose de très fort. Ce sont des héros. »

    Chitra Shah a encore de nombreux projets pour les enfants handicapés, elle souhaite construire un grand centre pour les personnes en situation de handicap à Pondichéry et que, quoiqu'il arrive, « les enfants handicapés soient des enfants heureux ».