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    Les roches magmatiques se forment à partir de la cristallisation d'un magma. Or, le mécanisme de cristallisation d'un mélange de minérauxminéraux est complexe. En effet, les minéraux possèdent des propriétés différentes. Ils ne cristallisent pas à tous en même temps. De plus, il existe des échanges chimiques intenses entre les phases solidessolides déjà cristallisées et la phase liquideliquide qui permettent une évolution de la minéralogie du mélange au cours du refroidissement. Ces mécanismes de la cristallisation des magmas ont été étudiés dans les années 1920 par Norman Levi Bowen qui a ensuite proposé des modèles décrivant la succession progressive de la cristallisation des minéraux. On parle de séries réactionnelles de Bowen.

    Un ordre de cristallisation bien établi pour deux séries différentes

    Bowen a obtenu ces séries réactionnelles en réalisant des expériences en laboratoire. Après avoir chauffé de la roche broyée pour en faire un magma, il a observé l'ordre de cristallisation des différents minéraux en fonction de la température. Bowen est parti de compositions simples et a progressivement généralisé ses expériences pour des roches de composition plus complexe. En fonction de la température et de la composition initiale du magma, il a ainsi mis en évidence des domaines de coexistence des différents minéraux.

    La composition des différentes roches magmatiques étant généralement dépendante de la composition initiale du magma en SiO2, Bowen a construit deux séries réactionnelles qui rendent compte des différents phénomènes observés dans la nature. On parle ainsi de la série réactionnelle discontinue des ferromagnésiens et de la série réactionnelle continue des plagioclases.

    Les deux séries réactionnelles de Bowen. © Colivine, <em>Wikimedia Commons</em>, CC0
    Les deux séries réactionnelles de Bowen. © Colivine, Wikimedia Commons, CC0

    Ces deux séries réactionnelles fonctionnent en même temps au sein d'un liquide magmatique. Elles rendent simplement compte du fait que les minéraux ferromagnésiens possèdent des structures cristallines différentes et donc que le passage d'un minéral à un autre n'est pas direct. À l'inverse, les plagioclases possèdent une structure cristalline similaire, ce qui permet de cristalliser de manière continue divers minéraux de la famille des plagioclases tandis que la composition du magma évolue et que la température diminue.

    Série discontinue des ferromagnésiens

    Dans la série des ferromagnésiens, le premier minéral à cristalliser à partir du magma alors que la température diminue est l’olivine. On obtient ainsi un mélange composé de cristaux d'olivine et d'un liquide dont la composition est désormais différente de celle d'origine puisque certains éléments ont quitté la phase liquide pour rejoindre la phase solide. Les pyroxènes vont ensuite commencer à cristalliser et on va obtenir un mélange olivine + pyroxène + liquide. Avec la diminution de la température, le mélange pyroxène + liquide va produire des amphibolesamphiboles. Enfin, le mélange amphibole + liquide va produire des micas noir (biotitebiotite).

    Grains d'olivines (minéraux vert clair) dans un basalte. © Thierry Caro, <em>Wikimedia Commons</em>, CC by-sa 2.5
    Grains d'olivines (minéraux vert clair) dans un basalte. © Thierry Caro, Wikimedia Commons, CC by-sa 2.5

    Série continue des plagioclases

    La série des plagioclases débute avec la cristallisation de l'anorthite qui est un minéral très riche en calciumcalcium (Ca). Les échanges d'ionsions avec la phase liquide (Na va progressivement remplacer le Ca) vont ensuite produire de la bytownite, qui va par le même procédé évoluer en labradorite, puis en andésiteandésite, en oligoclase et enfin en albite, ce dernier représentant le pôle sodique des plagioclases -- ce minéral ne possède plus d'ions Ca mais uniquement des ions Na.

    Échanges d’ions en solution

    Ces deux types de réaction coexistent donc au sein d'un magma qui se refroidit. Les ions Ca et Al libérés dans le liquide lors de la cristallisation continue des plagioclases serviront à produire les amphiboles par exemple.

    Ce processus d'échange d'ions entre les phases liquides et solides est continu et représente un aspect majeur du mécanisme de cristallisation des minéraux. C'est l'un des grands processus chimiques mis en évidence par les séries réactionnelles de Bowen. Il permet également de comprendre l'évolution des systèmes magmatiques.

    Feldspath plagioclase. © USGS, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    Feldspath plagioclase. © USGS, Wikimedia Commons, domaine public

    Si le système reste fermé et qu'il n'y a pas d'échappement de liquide à un moment ou à un autre durant le refroidissement, la composition chimique totale des minéraux cristallisés dans la roche finale donnera la composition initiale du magma. Mais si le système est ouvert, c'est-à-dire s'il permet à du liquide de s'échapper durant la phase de cristallisation, comme lors d'une éruption par exemple, la composition globale du mélange solide + liquide sera modifiée par rapport à la composition initiale.

    Cette modification peut également se produire lorsqu'il y a sédimentationsédimentation des minéraux cristallisés dans le fond de la chambre magmatiquechambre magmatique. Ces minéraux ne vont en effet plus participer aux échanges d'ions avec le liquide, ce qui aura comme conséquence ici aussi de modifier la teneur globale en chaque élément par rapport à l'état initial. Cette modification de la composition chimique du mélange impactera donc dans les deux cas la nature de la roche magmatique finale.

    Si les séries de Bowen sont toujours reconnues comme justes et sont utilisées en pétrologie magmatique, elles doivent cependant être considérées comme un guide plutôt que comme une vérité universelle. De nombreuses réactions sont en effet encore mal comprises et ne sont pas expliquées par ces séries réactionnelles.